CHARLIE’S COUNTRY de Rolph De Heer.
Le cinéaste Australien originaire des Pays-Bas, s’est souvent intéressé aux marginaux et défavorisés ( Bad Boy Bubby /1993 , Danse me to my song / 1998) , ainsi qu’aux conditions de vie des Aborigènes ( Ten Canoes / 2006 ), premiers habitants du continent sur lesquelles il revient avec son nouveau film dont le héros, Charlie, est au cœur d’un récit en forme d’état des lieux …

Dans sa communauté Aborigène, dans le Nord de l’Australie à Darwin, dans un grand parc proche de la terre d’Arnhem berceau de sa tribu des Yolngus, Charlie est un guerrier qui se retrouve confronté à l’impossibilité de continuer à vivre le style de vie traditionnel de sa communauté . Il en a gardé d’ailleurs comme trophée, la photographie de l’un des signes qui reflète ce changement dans le statut des Aborigènes dont les traditions rejetées -mais qui se retrouvent utilisées quand il le faut en éléments de Folklore- , comme ce fut le cas pour lui lorsqu’il fut appelé avec sa communauté à participer à l’inauguration de l’ Opéra de Sydney où il a dansé devant la Reine d’Angleterre .

Mais aujourd’hui, Charlie est soumis au contrôle strict du gouvernement ( une loi répressive interdit aux seuls Aborigènes de boire de l’alcool , alors que les blancs n’y sont pas soumis! ) qui leur interdit, aussi, d’utiliser des armes de chasse, fusils et même les lances traditionnelles …et surtout , Charlie , constate que les populations blanches – y compris les familles des Policiers- ce sont accaparées de leurs terres et y ont construit de luxueuses demeures tandis que lui et sa communauté se retrouvent contraints de survivre dans des taudis délabrés avec les moyens du bord n’ayant -pour la plupart d’entr’eux – pas de travail . Alors, lorsqu’on lui confisque son fusil , puis sa lance pour la chasse , Charlie décide de partir dans la brousse pour retourner à son mode de vie . Mais la Police qui veille et qui l’utilise comme informateur contre les trafiquants et délinquants, a également un œil sur lui… et, lorsqu’une altercation à laquelle il se retrouve mêlé se produit, ça tourne mal pour Charlie qui se retrouve en prison ….

Le film trouve une belle authenticité au travers de la description de son héros Charlie ( David Gulpilili , comédien Aborigène vu notamment chez Peter Weir dans La Dernière Vague /1977) , et de son quotidien dont il traduit au travers des multiples situations vécues le ressenti d’un rejet , et surtout la volonté des autorités de le priver des son mode de vie ancestral en le contraignant à s’intégrer. Comme l’illustrent – habilement et subtilement – ces scènes où , fatigué d’être obligé d’acheter la nourriture au supermarché, il décide d’enfreindre les règlements et s’en aller chasser , pêcher et manger les produits de la nature… pour y retrouver la liberté et ces traditions ancestrales qu’il souhaite retransmette, un jour en héritage, aux jeunes de sa tribu
De facture presque documentaire la fiction à laquelle s’ajoute le portrait de Charlie auquel le comédien David Gulpilili , donne par sa décontraction et son naturel étonnant une efficacité et force incroyable qui enrichit et humanise admirablement , le propos du film.
(Etienne Ballérini )
CHARLIE’ S COUNTRY de Rolph De Heer – 2014- Sélection Un Certain Regard , Cannes 2014-Avec: David Gulpilili, Peter Djidjirr, Luke Ford ,Fiona Lanyon….