Portrait / Catherine Lauverjon, l’instinct, le cœur et la joie

Plus qu’une représentante du monde du théâtre, c’est une personnalité attachante qu’aujourd’hui je voudrais vous faire découvrir. Une femme « franc du collier », animée de passions, prompte au coup de gueule, à la rigolade, sincère : Catherine Lauverjon. Attention : cela ne veut pas dire que les autres personnes de théâtre rencontrées ne le sont pas, mais chez elle, cela se lit sur son visage. Et vous devinez ma première question.

 

Catherine Lauverjon
Catherine Lauverjon

Jacques Barbarin : Catherine Lauverjon, ta compagnie s’appelle « Rouge Ephémère.  Why ?

Catherine Lauverjon : Je trouve que rouge, c’est une couleur très forte, c’est la couleur de la passion, de l’amour, du théâtre et j’adore l’éphémère. Le théâtre, c’est l’art de l’éphémère, c’est quelque chose qui touche le cœur, l’émotion, l’affect, et lorsque tu repas, il n’a que l’essentiel qui reste. Voilà pourquoi je l’ai appelée « Rouge éphémère ». Mais c’est un éphémère qui dure : j’ai créée la compagnie en 1995…

J.B : Tu es comédienne, metteur en scène, pédagogue. Vers laquelle de ces « fonctions » va ta préférence ?

C.L. J’aime créer des spectacles mais la pédagogie, ça me plait beaucoup. Bien sûr, c’est venu avec le temps, parce qu’on ne peut enseigner si l’on n’a pas pratiqué ce que l’on puisse transmettre. J’aime enseigner l’ouverture les belles choses, l’ouverture du cœur, l’ouverture aux grands auteurs, et ce aussi bien aux enfants, aux adultes, qu’aux personnes âgées, et c’est enrichissant parce qu’on a directement un contact avec l’humain.

J.B : Je suppose qu’il y a une différence entre l’approche d’un enfant, d’un adulte ou d’une personne âgée ?

C.L : Le fond est le même. C’est exactement la même chose. Simplement, c’est vrai qu’on n’a pas le même langage quand on parle à un enfant ou a un adulte. C’est quelque chose qui me vient naturellement : il faut essayer de capter l’autre, parler son langage, et puis je crois que c’est instinctif, en fait.

J.B : Dans quel type de travail théâtral te sens tu le plus à l’aise ?

C.L : Pendant plusieurs années,  j’ai fait de la création,  de l’écriture pour des enfants. Pour deux raisons : d’abord, parce que quand on travaille pour des enfants, on trouve une liberté qu’on n’a pas avec les adultes. Pendant plusieurs années j’ai travaillé pour des enfants, avec beaucoup de fantaisie. Et là, je reviens à ce monsieur de La Fontaine que j’aime particulièrement. Ma dernière création est autour de ses fables,  avec le spectacle « Puissants ou misérables » 1

J.B : Tu as créé un spectacle qui me parle beaucoup sur un auteur rare, Cami

C.L : Très sincèrement, pour moi cela a été une découverte. C’est vraiment en fouillant par hasard à la Librairie Théâtrale [http://librairie-du-spectacle.com ] que je suis tombé sur les « Contes à lire sous la douche ». Je me suis attaché à cet  auteur et j’ai cherché des bouquins, j’ai trouvé des vieilles éditions et j’ai créé en 2005 un spectacle avec mes élèves, « Esprit de Cami… es tu là ? » Il y avait 19 comédiens sur scène ! Au départ, ils m’ont pris pour une folle : « Ca ne veut rien dire ! C’est complètement inepte ! » Mais oui, c’est un humour inepte. Mais c’est ça qui est intéressant. Alors, bien sûr, la difficulté a été de le théâtraliser. Après, les comédiens sont rentrés dans le « truc », l’humour noir, macabre, de Cami. Il travaillait avec les croquemorts² : son humour particulier n’est pas un hasard. Il voulait être toréador ! Ses parents voulaient qu’il soit professeur, après il a voulu être comédien, mais il avait un accent du sud ouest à couper au couteau, et de plus, il bégayait ! Donc, il s’est mis à écrire.

Esprit de Cami… es tu là

JB : Je trouve qu’il y a chez cet auteur une dimension surréaliste, mouvement auquel je suis très attaché, notamment le surréalisme belge, le théâtre belge.

C.L : mais alors on a les mêmes gouts ! J’aime bien leur rondeur, leur manière d’appréhender la vie, ils sont directs en en même temps très intellos, quelque part, et surtout très sensibles. J’aime beaucoup, chez les peintres, Max Ernst, De Chirico, qui est très théâtral, je trouve.

J.B : Puisque nous en sommes arrivés à parler peinture, je pense que la scénographie est pour toi une donnée capitale.

C.L : Tu m’as bien cernée ! J’ai l’impression que j’ai plein de vies dans ma vie. J’ai vécu beaucoup de choses, c’est une palette qui permet de connaitre la vie. J’ai été fresquiste pendant des années, j’ai restauré des églises, j’ai fait des créations sur des murs. De temps en temps je jouais, mais sans être vraiment professionnelle ; et tout ce que j’ai fait s’est rassemblé dans quelque chose de plus fort. La scèno, les lumières… Je n’aime pas quand il y a trop de décors, je préfère qu’il y en ait peu mais que cela dise quelque chose.

JB : Un peu comme dans les peintures de Chirico, où il y a peu d’éléments, mais où chacun a une grande précision. En fait, quand tu étais fresquiste, tu faisais du théâtre en « presquiste ». Mais ça, c’était avant.

C.L : Mais nous sommes fait de ce qui était avant. Prequiste ! J’adore ce mot.

J.B : As-tu des comédiens récurrents, comme Serge Millet dans le « Cami » ?

C.L Très peu. Serge, bien sûr, parce qu’on s’entend bien et qu’on forme un tandem… Dans le théâtre jeune public j’ai travaillé longtemps avec Eve Lafarge, Cécilia Bonpuget. Ce sont des personnes qui se donnent, qui ne regardent pas aux heures, qui sont généreuses. Quand on fait du théâtre, il y a deux moments très importants : avant et après. C’est important d’avoir du plaisir à se retrouver, à boire un coup, à manger. Moi je suis une épicurienne. J’ai horreur des gens qui font la gueule devant un plat, ou qui travaillent et puis s’en vont. J’aime bien la fratrie. Le théâtre, c’est la vie ! Je ne suis pas quelqu’un « prise de tête », mais quand il faut faire quelque chose, faut le faire bien.

Epicurienne. Cela va bien à Catherine. Pour l’épicurien, afin d’éviter la souffrance il faut éviter les sources de plaisir qui ne sont ni naturelles ni nécessaires. Elle restitue, elle rend aux autres ce que la vie lui a offert. Quand elle dit : « On ne peut enseigner si l’on n’a pas pratiqué ce que l’on puisse transmettre », c’est tout elle.

Puissant ou misérables
Puissant ou misérables

Jacques Barbarin

1 « Puissants ou misérables » Espace Magnan,  31, rue Louis de Coppet, Nice, derrière la piscine Jean Médecin et le collège Alphonse Daudet tél : 04 93 86 28 75
Salle Jean Vigo 4, 5, 6 décembre à 20h

²  Pierre Henri Cami (1884 -1958) entame sa carrière comique par le truchement du bulletin des pompes funèbres, Le Petit Corbillard illustré. Doué pour la caricature mais plus particulièrement encore pour le théâtre  loufoque, Cami jouit d’un immense succès populaire dès 1914 .Charlie Chaplin a dit de lui qu’il était « le plus grand humoriste in the world ».

 

 

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