Cinéma / LE JUGE de David Dobkin

 

LE JUGE de David Dobkin

Le nouveau film du cinéaste que l’on avait découvert avec des comédies assez réussies dont Sérial Noceurs ( 2005 ) , change de registre pour se consacrer à un récit complexe mettant en relief des relations familiales conflictuelles, autour d’une accusation de meurtre qui va changer la donne. Mélodrame et film de prétoire , thèmes et genres codés du cinéma Américain, habilement servis par une mise en scène solide et une interprétation de haut vol …

Le  père , Robert Duvall.
Le père , Robert Duvall.

Hank Palmer ( Robert Downet Jr) la quarantaine bien sonnée est avocat dans une grande ville où il s’est fait une mauvaise réputation, comme l’illustre la scène d’ouverture du film où on le voit en présence d’un adversaire du barreau qui lui reproche de se consacrer exclusivement à la défense des coupables et de n’avoir pas de morale… ce à quoi Hank rétorque avec cynisme «  les innocents n’ont pas les moyens de s’offrir mes services ! ». Et voilà , le cinéaste qui nous entraîne dans le sillage de son héros antipathique dont on comprendra , plus tard , les raisons qui l’ont conduit à quitter sa ville natale, il y a plusieurs années . Il va pourtant être contraint d’y revenir pour les obsèques de sa mère qui vient de décéder. Retrouvailles familiales autour d’un deuil qui vont faire sourdre les vielles rancoeurs qui se concrétisent autour de relations père-fils et autour de valeurs qui n’ont fait que creuser le fossé entre ce père traditionaliste et  orgueilleux, dont la fonction de juge local très respecté, n’a fait qu’amplifier les distances.

Les  retrouvailles  père-fils:  Robert  Downey Jr  et  Robert  Duvall
Les retrouvailles père-fils: Robert Downey Jr et Robert Duvall

David Dobkin semble avoir acquis une sorte de réflexe de récit et d’écriture qui, au travers de la complexité et de la surenchère ( de récit et de situations, tentation de scruter jusqu’à la caricature les thèmes et les genres ) pour faire sourdre , les éléments lui permettant de tirer son sujet vers le haut et une dimension d’autant plus inattendue et efficace qu’on n’ose pas croire qu’elle puisse conduire , comme c’est le cas dans les mélodrames, au final ( drame ou au miracle ) espéré . C’est donc dans ce cadre voulu qu’il va tirer les ficelles permettant à son récit d’apporter le trouble, en même temps que la dimension émotionnelle qui va faire basculer le spectateur. D’autant que l’identification de celui-ci maltraitée d’entrée et qui ne cesse d’être compromise par les événements qui s’enchaînent , va trouver dans la relation centrale père-fils du récit , la dimension d’un « duo » de comédiens qui va faire pencher la balance !. Et dans ce domaine les compositions de Robert Downey Jr ( à contre-emploi des récents Iron Man et autres Avengers ) et de Robert Duvall ( Magistral , et de plus grandiose de film en film ), servent habilement le thème central du film qui dissèque, les raisons des relations  distant qui se sont installées entre les deux hommes au cœur de cette famille dysfonctionnelle . Ils offrent par la subtilité des nuances de leur jeu, toute l’intensité d’un rapport conflictuel intime , père-fils, dont l’ampleur des ressentiments révèle les fêlures de l’un et de l’autre au cœur des règlements de comptes , où , les non-dits se font révélateurs des vrais sentiments qui se cachent derrière les postures.

Billy  Bob Thornton , l'avocat de  la partie  adverse
Billy Bob Thornton , l’avocat de la partie adverse

Au lendemain des funérailles de la mère Hank va devoir prolonger son séjour , Son père se retrouvant suspecté d’un meurtre. Une accusation lourde de conséquences qui va conduire le conduire , malgré le refus de son père toujours aussi remonté contre lui , à assurer sa défense. Scènes de prétoire et successions de témoins à charge et décharge, accusation ( Billy Bob Thornton , l’avocat) et défense qui ne se ménagent pas . Séquences de coulisses familiales où les « liens du sang » tentent, tant bien que mal, de se ressouder. Séquences au cœur desquelles les langues se délient , ou s’enveniment, pour tenter de lever le voile sur les raisons des rancoeurs où le passé de Hank est passé au crible ( enfance difficile, dérives scolaires ou sentimentales , et autres écarts ) , comme celui de la famille avec cet éclairage porté sur les raisons du trauma du frère aîné , Glen ( Vincent d’Onofrio) et la place faite au petit frère attardé , Dale ( Jérémy Strong) . Le pater familias n’y échappe pas ( intransigeant et orgueilleux qui ne veut rien céder malgré l’âge , et la maladie qui le ronge ) qui cultive la « stature » publique d’un vieux roc ( une seule une scène , la plus belle et émouvante du film, montrera ses   fêlures …)  qui voudra se battre jusqu’au bout pour sauver son honneur. C’est celui-ci, relayé par le fils qui va être au centre de l’enjeu du dernier combat qui va permettre de tisser la toile d’une réconciliation qui se fera – quoiqu’il arrive- dans la poursuite d’un conflit qui deviendra révélateur d’une intimité à laquelle aucun des deux , ne voulait ( ou n’osait ) croire.

 

Les  trois frères réunis : Jérémy Strong, Robert Downey Jr  et Vincent  d'Onofrio
Les trois frères réunis : Jérémy Strong, Robert Downey Jr et Vincent d’Onofrio

David Dobkin habille habilement son film de tous les éléments du cinéma populaire ( y compris, clichés et poncifs ) qui vont lui permettre d’explorer les thèmes et susciter la réflexion du spectateur. Réflexion sur les douleurs intimes , les rancoeurs familiales installant les distances . Et , puis, ces interrogations sur le sens de la loi, du devoir et de la justice ( au cœur de la séquence qui va révéler les dessous de l’affaire du meurtre dont le juge est soupçonné ) , mais aussi , sur la morale et les valeurs en questions . Il distille également , en filigrane , les notations sur une petite ville Américaine secouée dans sa torpeur par un fait divers qui cristallise les passions sur l’homme ( le vieux juge local) qui fut pendant cinq décennies un exemple de probité pour la cité, et qui se retrouve, de l’autre côté de la barrière…

( Etienne Ballérini)

LE JUGE de David Dobkin -2014-
Avec: Robert Duvall , Robert Downey Jr., Billy Bob Thornton , Vincent d’Onofrio, Jérémy Strong, Véra Farmiga, Leighton Meester , Dax Sheppard ….

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