Littérature / « En France » de Florence Aubenas .

« En France », de Florence Aubenas

Couverture  du  livre
Couverture du livre

Aubenas est une commune située dans le département de l’Ardèche, pas très loin du Mont Gerbier de Jonc (1).  Mais Aubenas, c’est aussi le nom d’une journaliste, grand reporter à Libération jusqu’en 2006 puis au Nouvel Observateur. Lors d’un reportage en Irak, en 2005, elle est retenue en otage pendant plusieurs mois (2). En juillet 2012,elle couvre la guerre civile syrienne pour le quotidien Le Monde.
Mais ce qui nous intéresse ici, c’est la sortie de son dernier livre ( 3) , En France.                                   Pour écrire ce livre elle est partie d’une question: « Les lecteurs se demandent souvent comment un journaliste choisit ses sujets…Les explications ne manquent pas. On se rend à cet endroit-là parce qu’un événement s’y est déroulé, incendie ou élection, meurtre ou mariage, peu importe, quelque chose. »
Dans ce livre, elle reprend des chroniques qu’elle a écrites dans « Le Monde » de 2012 à 2014. Mais ce n’est pas qu’un simple empilement d’articles : Ce livre à une « ligne éditoriale » : c’est une cartographie sociopolitique de la France.
Que ces reportages soient dans des villes, dans la banlieue parisienne, dans des villages, se dessinent des thèmes récurrents : l’argent, les difficultés de/à vivre, les questionnements sociétaux (le mariage pour tous), la politique… Se dresse devant nous un constat d’incertitude.
La somme de ces écrits devient un roman écrit à l’encre de l’humanisme. Pour parodier le titre d’une pièce de François Billetdoux : « Comment va la France, môssieu ? Elle tourne, môssieu ». Tant bien que mal. On pourrait appeler ce roman : « Chroniques d’en France ».
On dit d’un journaliste qu’il doit se contenter de rapporter les faits. D’abord, il faut savoir [les] écrire, et en effet « se contenter de rapporter les faits » : plus facile à dire qu’à faire. On va me ressortir la vielle lune de « l’objectivité ». C’est quoi, un mot objectif ? Pour moi un mot est honnête ou un mot est malhonnête. « Les armes et les mots, c’est pareil, ça tue pareil » (Léo Ferré) Tâchons d’inventer des mots « tranquilles, comme mon chien qui dort » (ibidem)
Je lisais ce livre il y a quelques jours dans un restaurant. Un voisin de table me demandât ce que je lisais, je luis parlais de Florence Aubenas et des journaux où elle écrivait, il me répondît qu’elle ne devait pas être objective. J’aurais dû lui parler de la Toscane et de l’Ardèche.  « Words, words words… » Il n’y a rien de non-politique. La politique en son sens plus large, celui de Politikos, indique le cadre général d’une société organisée et développée. Dire qu’on ne fait pas de politique, c’est encore en faire.
Et puis, de la page 121 à la page 146, « A Hénin-Beaumont, Acte 1 à 6 ». Aïe. Est-ce que Florence bout quand elle écrit ses six chroniques autant que moi quand je les lis ? L’impassibilité des faits. Les faits ne votent pas. N’ont pas d’opinion politique. C’est nous qui leur donnons un affect avec notre vécu, notre ressent. Et cette phrase d’un « grand type en bermuda » : « il faut déjà être contremaître pour se permettre de voter P.S »

Florence Aubenas
Florence Aubenas

« C’est l’hiver avec un ciel sans couleur, tombant bas sur l’horizon comme un drap mouillé. » Ainsi commence, par cette superbe phrase, la première des chroniques, écrite le 30 juillet, que Florence Aubenas regroupe sous le titre « Au camping ». Nous sommes à Salin-de-Giraud, village situé sur le territoire de la commune d’Arles. Salin-de-Giraud a été créé en 1856 lors de l’implantation d’une société chargée de fournir le sel pour l’usine chimique de Salindres, près d’Alès qui produisait de la soude. Nous serons jusqu’au 12 août à la plage de Piémanson, près de Salin de Giraud.
« Chaque année 15 000 à 20 000 personnes s’installent sur cette plage en toute illégalité. [C’est] l’un des derniers endroits où le camping sauvage est encore toléré. Mais cette occupation pose d’importants problèmes de salubrité et de sécurité. La plage de Piémanson, un littoral de 25 kilomètres de long qui se métamorphose chaque été en village touristique autoproclamé. » (Marc Cavaléro 26 août 2013, France 3 Provence-Alpes)
Jusqu’au 12 août, donc, nous serons au plus près de ces adeptes d’un camping sauvage « toléré », de leurs attitudes, de leurs comportements. Florence Aubenas, tout au long d’une dizaine d’articles, pointe du doigt  un problème sociétal : comment, d’un comportement qui est toléré, passe t- on à son interdiction ? Et l’on pourrait résonner par récurrence.
Glané cette phrase dans la chronique du 12 août : « S’il s’agit d’obéir à quelqu’un, autant aller dans un camping normal. On est déjà en HLM toute l’année ».
La troisième partie s’intitule « Une jeunesse française ». Rien à voir avec livre de Pierre Péan. 13 chroniques du 6 mai 2013 au 3 mars 2014, 1 » portraits de jeunes, la recherche d’un emploi, les rêves de festival de Cannes avec un film, les cours de classe où l’on ne vas plus, une maman parfaite mais surbookée qui cherche une jeune fille pour garder ses enfants mais qui s’affole quand elle s’aperçoit que la jeune fille porte le voile : « Je suis confuse mais je n’assume pas par rapport au voisines », les petits trafics… 13 tranches de France. Une France opaque, une France où les demandes n’ont pas de réponse.
La fin de la dernière chronique, donc la fin du livre : « Chez Narcissa, la cousine vient d’arriver, seule convive à être venue. Elle crie : Bon anniversaire, tu as 13 ans ! Et Narcissa danse. »

Jacques Barbarin
Florence Aubenas, En France, Editions de l’Olivier.
(1) – Où prend sa source… quel fleuve ?
(2)- Elle a été enlevée à l’université de Bagdad Jedida alors qu’elle réalisait un reportage sur les réfugiés de la ville de Falloujah qui vivaient dans des tentes sur le campus.
(3)- Elle a déjà écrit La fabrication de l’information, Résister, c’est créer, Les détenus sont-ils des citoyens ? La méprise : l’affaire d’Outreau, Grand reporter.
Illustrations ::
Florence Aubenas
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