GONE GIRL de David Fincher.
Après The Social Network (2010) et le très sombre : Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les Femmes (2011) , le cinéaste nous offre – au travers des démêlés d’un couple dont l’histoire d’amour part en vrille au bout de cinq ans de mariage – en miroir, du portrait au vitriol du couple modèle , celui de la société Américaine qui se désagrège . Du grand cinéma …

Les derniers films du cinéaste du célébre Fight Club (1999 ) prennent une vraie dimension dramatique et satirique , accentuée par une mise en scène d’un réalisme minutieux qui apporte a ses récits la dimension critique sur une société des apparences ( le film est adapté du livre à succès de Gilliam Flynn, Le mystère des apparences ), qui se délite et dont les répères semblent voler en éclats, à l’image du couple modèle formé par Amy ( Rosamund Pike, ) et Nick ( Ben Affleck ). Ils ont en effet tout pour être heureux , et d’ailleurs leur hydille qui commence sous les auspices des feux d’une passion partagée et qui a tout pour se prolonger dans le bonheur que vient alimenter une situation ( position) sociale plutôt enviable. Lui, journaliste dans un magazine branché New-Yorkais, et elle, qui vit grassement d’une littérature pour enfants dont elle a été l’héroïné d’une « saga » crée par ses parents, dont elle prolonge l’image de la petite fille devenue femme modèle. Ils sont jeunes, ils sont beaux et leur bonheur conjugal, ils l’étalent ,avec une certain plaisir suscitant la jalousie dans les soirées mondaines où le culte de la représentation et des apparences au cœur du roman, se retrouve au centre du film dont le cinéaste va faire un constat implacable qui, au delà du couple va décrypter, les hypocrisies d’une classe et de la société Américaine. Un constat dont le réalisme au cœur des séquences décrytant, la sombre réalité qui se cache sous le vernis de l’image « clean », va metrre à jour le(s) visage(s) des monstres qui se cachent derrière.

On vous laissera découvrir les multiples rebondissements qui constituent l’intrigue du récit des ces apparences dont les auteurs se font un malin plaisir à nous entraîner dans les directions qui semblent lever le voile du mystère puis dévier sur une autre piste, pour mieux faire sourdre de celui-ci, et au cœur des clichés et des apparences en question (s) , le puzzle des jeux de pouvoirs et de séduction qui renversent la donne ( la comédie sentimentale du début) dont on a vite fait, les apparences aidant, de tirer les conclusions hâtives…
On vous dira seulement que le bonheur New-Yorkais du couple va être mis à l’épreuve de la vie, celle de la mère malade que la sœur jumelle ( Carrie Coon) de Nick a du mal à soutenir toute seule dans l’épreuve . Le couple décide donc de les rejoindre dans le Missouri. Dans la société bourgeoise de la petite ville natale de Nick, le couple va devoir s’intégrer et chercher à se construire une image qui corresponde aux mentalités.
Et voilà que le matin de l’anniversaire des cinq ans de leur mariage mariage, Amy disapraît mystérieusement . Un seul indice : une table renversée ( trace de lutte?) dans le salon lorsque Nick découvre l’appartement vide, va semer le doute chez les policiers appelés en constat : Disparition ou enlèvement ?. Au fil des jours et de l’enquête qui piétine, et Amy qui ne donne pas signe de vie , l’émotionde la communauté locale grandit et fait tâche d’huile dans le pays occupant la « une » des médias. C’est le mystère de la disparition d’Amy et les questions qu’il soulève, au fil des retournements de situations, qui va alimenter ce qui fait la force du film de David Fincher : le potrait acerbe d’un couple pris au piége de ses propres rêves, et celui d’une société Américaine dont les hypocrisies sont fustigées sans détours, et avec une véhémence rarement égalée, faisant tomber jugements hâtifs et autres préjugés les uns après les autres, sous les coups d’une mécanique de mise en scène implacable que n’aurait pas reniée Alfred Hictchcock. Le thriller du mystère disséqué , c’est dans la foulée , celui de la société Américaine et sa bien- pensance conformiste , qui va voler à son tour, en éclat .

Car si l’enfer peut être au cœur du couple, le cancer qui le désagrège peut aussi se développer dans le corps social tout entier pris au piége des certitudes et des préjugés, comme des manipulations qui distillent la haine et le rejet , lorsque par exemple, les ligues de bonnes mœurs montent au créneau avec leurs crédos. La « paranoia » peut devenir contagieuse alimentée par les médias qui se vautrent dans le sordide vingt quatre heures sur Vingt quatre sur les chaînes d’information en continu, attisant le feu pour maintenir l’audimat, n’hésitant pas à piétiner l’information et à se contredire . Les monstres et le sang en première page, ce « voyeurisme » en forme de concentré de l’infomation, la mise en scène de David Fincher le décrypte et le dénonce sans ambiguité. Lui renvoyant ces séquences étonnantes des chaînes de télévision assiégent la demeure de Nick et attirent les badauds, qui ( le « selfie » à la mode et en marche ) viennent s’immortaliser devant le demeure du couple , ou , qui harcélent Nick pour se photographier en sa compagnie. L’avocat ( Tyler Perry )de Nick devant ce tohu-bohu qui prend la dimension d’une affaire nationale résume : « c’est devenu la saga quotidienne de la série de l’été ! ».

Tandis que le comité de soutien à la famille qui cultive le « culte » d’Amy et de l’image de l’enfant devenue femme modèle, se déchâine sur les réseaux sociaux et sur les médias avec l’appui des ligues de bonnes mœurs , qui, après la compassion, finissen aussi par attiser aussi , la haine. David Fincher les renvoie face à face dans une jeu d’échecs que l’intrigue tisse subtilement, y intégrant le couple enfermé dans le piège de leur « vie rêvée » qui se heurte au réel d’un jeu de massacre ( de retournemens de situations) qui fait soudre leurs propres manques. Le couple idéal qui vascille ,sous le vernis des apparences qui brouillent leur image, au point que la noirceur envahit leur quotidien ( la scène d’ouverture du film étonnante , et prémonitoire ) laissant deviner la monstruosité qui s’y glisse . Mari infidéle, et femme délaissée et malheureuse, la haine qui s’insinue, le vernis des apparences se craquèle pour dévoiler les failles. Dès lors les enjeux de l’enquête de police qui piétine, basculent, comme l’opinion publique. Mari devenu suspect idéal et femme idéale devenue vénéneuse ?. Pas si simple que ça … l’ambiguité persiste sous l’oeil attentif et démystificateur de David Fincher qui refuse le happy-end facile du cinéma Américain. Ici l’enfer qui s’est immiscé dans le couple et dans la société , ne peut trouver d’absolution à ses yeux. A la foule déchaînée et aux médias qui se vautrent dans le sordide, il renvoie les monstres que la société de consommation et son hyporcrisie, a façonnés. La crise morale et sociétale est là , aussi , au cœur du confort de ces maisons pavillonnaires renvoyant le miroir d’une certaine fausse « normalité », ils occupent l’espace médiatique avec leurs problémes de « nantis », reléguant à la marge ceux de la misère des laissés pour compte ( belles séquences ) qui se cachent (que l’on cache…ou tolère ) dans un centre commercial proche, et que l’on déloge quand ils posent un peu trop problème, pour la bonne réputation de la ville et de la communauté …

Oui , Gone Girl ne ménage pas son regard, sur les a-prioris et les ambiguités ( servi par ses comédiens remarquables ) du regard sur les apparences qui le voilent. C’est un constat sans concéssions et quelque peu éffrayant d’individus broyées ( malgré eux ?) par un système qui en a fait ses objets et dont le rêve de reconnaissance se heurte à un mur, que le désir innassouvi plonge dans une quête obséssionnelle, et sans espoir. David Fincher met à nu ses héros, en même temps que la vanité du rêve Américain …
(Etienne Ballérini )
GONE GIRL de David Fincher – 2014-
Avec : Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil patrick Harris , Tyler Perry, Carrie Coon, Kim Dickens ….