MOMMY de Xavier Dolan.
Présenté en Compétition en Mai dernier au Festival de Cannes, le Cinquième film du jeune Cinéaste Canadien a été un des moments forts de la manifestation. Superbe travail d’ une mise en scène virtuose dont les choix stylistiques à la fois osés et d’une prodigieuse inventivité, sont en adéquation totale avec le sujet . Le film, qui décrit les relations d’une mère et de son fils ayant des problèmes psychologiques, est à la fois un magnifique portrait de femme et de mère, une leçon de vie, d’amour … et, aussi, de cinéma. Un film à la fois émouvant, bouleversant et dérangeant qui ne peut vous laisser indifférents. Xavier Dolan s’incrit définitivement, comme un des jeunes cinéaste les plus doués de la jeune génération… Mommy , a obtenu un mérité Prix du jury ex-aequo ( avec Adieu au Langage de Jean-Luc Godard ) au festival de Cannes 2014.

Après son Lawrence Anyways (2012) et Tom à La Ferme (2013), le prolixe jeune cinéaste Canadien, 26 ans et déjà cinq films, était donc en compétition à Cannes avec Mommy son nouveau film où il reprend le thème des relations conflictuelles entre une mère et son fils qu’il avait abordé de manière autobiographique dans J’ai tué ma mère ( 2009 ). Ici c’est la fiction qui est au cœur d’un récit qui s’inscrit dans le cadre d’une loi Canadienne qui fait obligation aux parents proches dont les enfants sont sujets à des problèmes psychologiques avec comportements violents ( TDAH, Troubles de l’attention avec hyperactivité ), s’ils ne veulent pas le confier à des institutions publiques chargées de les soigner, d’en accepter « par contrat » la garde et de se charger de les remettre dans le droit chemin.
S’il s’avérait que cela devienne impossible, la décision de justice serait alors appliquée et obligerait celui-ci à être confié à un établissement de soins. Et La mère de Steve ( Antoine Olivier Pilon, remarquable ), pourtant prévenue « c’est pas parce qu’on aime quelqu’un qu’on peut le sauver » par la directrice de l’internat correctionnel, ne veut surtout pas en arriver là …même, si elle sait que le cycle des relations passionnelles qui ont miné le passé risquent de s’y inscrire de nouveau avec la même intensité . Il faut dire que l’absence du père, a fait que Steve dès son plus jeune âge s’est attaché de manière excessive à cette mère dont les difficultés à trouver l’équilibre pour joindre les deux bouts et s’occuper en même temps de son fils, est d’autant plus compliquée que la moindre contradiction, rend ce dernier, ingérable et dangereux avec ses crises de violence.

Heureusement une étrange voisine , Kyla ( Suzanne Clément ) qui traîne un bégaiement consécutif à un traumatisme, va s’attacher en l’absence de son mari occupé par son travail, à cette mère et son fils qu’elle va aider à traverser l’épreuve. La confrontation avec cette voisine et ses blessures dont le partage peut se révéler bénéfique pour Steve et sa mère qui y trouvent un écho ( une écoute ) à leur mal-être. Les éléments de l’enjeu mis en place, c’est le vécu quotidien de celui-ci auquel va s’attacher Xavier Dolan, avec ces trois personnages centraux dont les différences et les sentiments extrêmes qui les caractérisent éclatent en moments de fusions et de tensions dans des scènes d’hystérie jamais osées à ce point dans leur réalité brute, et traduites magistralement par la maitrise d’une mise en scène dont, les fêlures de chacun, trouvent dans l’intensité des envolées, le nécessaire miroir libérateur de leurs maux. Et le miracle du film, est celui de ses choix de récit et de mise en scène, comme de son regard sur les personnages et cette volonté de les mettre à portée du spectateur, pour le faire « pénétrer » dans leur univers mental et lui permettre de les comprendre.
Une certaine fusion va même s’installer au cœur de ce « trio » qui se laisse emporter par ses fantaisies déjantées, et au cœur duquel, s’inscrivent ( belles scènes) ,aussi, des instants de répit et de partage, que la mise en scène traduit d’un choix stylistique assumé. Par exemple celui du cadre de l’image resserrée qui permet d’être au plus près d’eux. Mais aussi de « capter » les moments de tensions qui ne permettent pas à Steve de progresser et de s’ouvrir à une autre vie. Alors que, lorsque les efforts accomplis le permettent , l’image s’ouvre à tout l’espace de l’écran… à l’espoir….

Le récit est conduit également par d’autres choix stylistiques où les oppositions de tonalités ( ruptures, ellipses, imaginaire …), et les lumières traduisent les difficultés pour Steve et sa mère, à traverser l’épreuve « il était crucial que le film soit une fable rayonnante sur le courage, la transmission, l’amour et l’amitié », explique le cinéaste dans les dossier de presse.
Et le choix de la musique, comme celui des plans-séquences où s’inscrit cette dynamique, trouvent dans la direction d’acteurs et dans l’interprétation ( la mère- Anne Dorval- est magistrale ) le nécessaire apport pour compléter superbement ce portrait sensible. La cohérence de l’ensemble est justement , le résultat des ces spécificités qui s’inscrivent au cœur des séquences dont chacune à sa propre unité stylistique qui apporte la touche personnelle à l’ensemble. Le cinéma de Xavier Dolan est un cinéma au plus près des personnages et de la vie, un cinéma de l’hyper-sensibilité qu’il dégage lui- même lorsqu’il est comédien dans ses films, et par sa mise en scène – ici- qui nous fait pénétrer au cœur de leurs blessures intimes, de leurs solitudes, de leurs désirs et de leurs espoirs, de leurs violences aussi, comme , de l’amour infini dont ils sont éperdûment habités et auquel ils s’accrochent comme à une bouée de sauvetage.

Steve , Dianre et Kayla, sont nos doubles. Ces frères , mères,sœurs, femmes, ou amis en quête de reconnaissance dans toutes leurs différences et leurs identités multiples. Ceux dont le monde moderne refuse souvent , la différence et la richesse qu’elle représente. Le cinéma de Xavier Dolan est un cinéma ouvert à l’autre, au respect, et non pas au rejet . Son cinéma est un cri contre l’indifférence dans un monde et une société de plus en plus aseptisée qui refuse de voir plus loin que le bout de son nez conformiste . Et qui, pour se rassurer préfère enfermer ce qui ne correspond pas à la norme, dans les préjugés. Mais ces préjugés sont si forts qu’ils ne laissent parfois au besoin (désir) de reconnaissance, que la place du rêve, comme l’illustre la scène de celui de Diane dont les tonalités des couleurs qui l’habillent viennent encore souligner l’innaccessible, l’impossible quête, qui se heurte à au réel .Oui, Mommy est un film magnifique à la fois sombre et lumineux , tel que l’a voulu le cinéaste « il était crucial que le film, par tous les moyens possibles et imaginables , soit une fable rayonnante sur le courage, la transmission , l’amour et l’Amitié « , dit-il.

Il y a des films qui vous habitent longtemps, e pour nous Mommy est de ceux -là, il s’inscrit dans la liste ( pas si longue que ça… ) des films qui resteront gravés dans notre cœur. Pas seulement pour sa générosité mais aussi par son écriture audacieuse et aux formes modernes et nouvelles qui servent de support à la transmettre .Une histoire de langage … celui si cher à Godard à qui le prix ex-aequo du jury du Festival de Cannes l’ a judicieusement associé,dans une sorte de « passage de relais » de la modernité de son cinéma qui s’inscrit dans la continuité des nouvelles vagues d’hier. Car le cinéma de Xavier Dolan est- aussi- un cinéma qui a « intégré » toutes les influences qui l’ont marqué, pour en faire sourdre, sa propre originalité et modernité d’écriture.
(Etienne Ballérini)
MOMMY de Xavier Dolan – 2014- Prix du jury au Festival de Cannes – Avec : Anne Dorval , Antoine Olivier Pilon, Suzanne Clément, Patrick Huard, Alexandre Goyette
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