Editions Tribord / « Il faut réinventer la démocratie et la liberté »

 

Mémoires de Louise Michel
Mémoires de Louise Michel

Choses vues et entendues au festival de Mouans–Sartoux

Mouans Sartoux c’est, depuis une vingtaine d’années, la giga-teuf aux livres. Mais qui dit livres dit maison d’édition. J’ai choisi de vous en présenter une, on va dire petite, mais bougrement intéressante, et belge. Nobody is perfect.

Les éditions Tribord sont conduit d’une main ferme par André Thomas, seul maître à bord après… qui vous voudrez. Mais d’abord, pourquoi Tribord, mille sabords ?

André Thomas : Tribord est le seul mot, paraît-il, du flamand vers le français et non l’inverse. Dans les années 1900-1910, ce fût la revue d’Emile Verhaeren et Maurice Maeterlinck. La revue est sans doute morte avec la guerre de 14. En 1931 un hôtelier que je n’ai pas pu identifier à fait une deuxième mouture de Tribord. Visiblement c’était juste une pub pour son établissement. En fait il faisait parler les écrivains et cinéastes qui descendaient chez lui  parmi lesquels Eisenstein, Joseph Delteil, Thomas Man et des pointures de ce niveau là. Cette revue à connu 13 numéros et puis à fermé. Le nom Tribord a été repris par Mathieu Corman, un communiste assez dissident. Il est né en 1902 et a commencé à publier en 1930 des classiques du marxisme, don le « Manifeste du parti communiste », « La maladie infantile du communisme ». Après guerre, il a édité des romans de guerre et des récits de voyage. Et ce que je voulais faire, c’était un petit peu ça. Quelque chose me plaisait dans la biographie de Corman, c’est qu’il avait été un grand libraire. Il a publié des choses qui ne lui plaisait forcement pas, ce qui lui a valu des procès : Miller, Nabokov, de la littérature sur le mouvement psychédélique et ça dans les années 50. Mon père était une sorte d’anarchiste de droite qui avait pris fait et cause pour le FLN. Corman a carrément livré des armes au FLN.  Simone Signoret  a transporté des journaux clandestins et l’évoque dans ses mémoires.

J.B : Et qui est ce qui vous a poussé dans l’édition ?

A.T : Je me suis dit qu’un personnage marxiste, communiste, indiscipliné comme j’ai pu l’être dans ma jeunesse, pouvait être un modèle. Il y a une collection de textes un peu oubliés qui s’appelle « Figures de poupe », une collection de poche qui s’appelle « Flibuste »,  une collection de textes politiques, « Manifestes », une collection de bouquins récupérés d’éditeurs en faillite, avec une nouvelle jaquette,« Subrécargue»…

J.B : Subrécargue ? Qu’es aco ?

A.T : C’est celui que fait l’inventaire  des marchandises à l’embarquement et au débarquement, et qui est censé surveiller que les marins ne jettent pas des marchandises par-dessus bord, ce qui évidemment n’arrive jamais. C’est donc quelqu’un qui ne fout rien ! Les marins n’aiment pas particulièrement ce métier-là. Et moi non plus je ne fous rien : je ne fais que récupérer des textes qui ont été abandonnés par leurs auteurs parce qu’en plus ils ont renoncé à leurs œuvres parce qu’ils ont renoncés a leurs droits, je leur mets une jaquette et je les brade.

Le parti de l'étrangère
Le parti de l’étrangère

J.B : Parlons de votre ligne éditoriale.

A.T : J’ai un jour lu, sous la plume d’un critique littéraire, que Louis Aragon était le poète de l’invention et non pas de l’utopie et ça m’a plu comme idée. J’ai mis quelques années avant de devenir éditeur, j’ai été bouquiniste, commercial pour d’autres maisons d’édition… Ma réflexion à commencé dans les années 1999-2000, et en 2002, quand Le Pen s’est retrouvé au 2eme tour, je me suis dit : il y a un déficit démocratique en France et même en Europe et je me suis dit : « il faut réinventer la démocratie et la liberté ». Le tout premier texte que j’ai fait était la réédition des mémoires d’Arthur London sur la guerre d’Espagne. Le deuxième a été un livre sur le génocide rwandais, et le troisième un livre sur l’athéisme. Je suis marxiste mais j’ai dans les 360° mon camembert 12% d’anarchisme. L’athéisme, c’est fondamental.

J.B : Parmi les livres que vous avez « subrécargué » il y a en a un que me

Statue de Till Eulenspiegel à Braunschweig (Allemagne)
Statue de Till Eulenspiegel à Braunschweig (Allemagne)

fait jubiler, c’est « La légende de Till Eulenspiegel 1  »

A.T. : J’ai récupéré un lot venant « d’improbables soviétiques ». J’ai eu une proposition par fax. »La légende de Till Eulenspiegel » c’est la réécriture, par Charles de Coster, un autre flamand francophone des légendes flamandes et cette réécriture – là n’a pas plus à l’église catholique de l’époque. Les soviétiques donnaient en lecture à leurs élèves pour apprendre le français parce que c’était une grande légende émancipatrice. Ca me plaisait qu’un régime aussi « gelé » ait mis en perspective l’émancipation humaine. Cette épopée est une splendeur de la liberté de penser difficilement égalable.

J.B : Comment se porte  l’édition en Belgique ?

A.T : Elle est hélas très régionaliste. Il y avait une édition internationaliste tenue par un français qui habitait Bruxelles, les éditions « Complexe », qui a été rachetée dans des conditions un peu mystérieuse. Le fondateur de « Complexe » a refondé une maison d’édition en 2005 et à refait faillite en 2013. Il y a en Belgique des maisons d’édition qui ne s’occupent que du patrimoine belge, finalement. A la marge, chez « Couleur livre » il y a des bouquins de psychologie qui se vendent pas trop mal en France.

Heureusement il nous reste André Thomas qui réinvente une nouvelle « patrimonicité » (oui, j’ose). Ce personnage enjoué, jovial, une sorte de Till, est un véritable ketje, quoi.

Jacques Barbarin 

Illustrations :
Couvertures de livres de Mémoires de Louise Michel, Le parti de l’étrangère, La France au Mali.
Statue de Till Eulenspiegel à Braunschweig (Allemagne)

1 Till l’Espiègle est un saltimbanque malicieux et farceur de la littérature populaire du Nord de l’Allemagne. Son nom a la forme Till Eulenspiegel en allemand. L’écrivain belge Charles de Coster dans La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays des Flandres,  fait de Till une figure de la résistance flamande contre l’occupation espagnole au XVIème siècle (1867)

Contact mail : editionstribord@hotmail.com

La France au Mali
La France au Mali

Parmi les livres édités :
Le sabre et la machette (sur la guerre du Rwanda)
Rwanda : une histoire volée
La France en guerre au Mali
Militant de l’indépendance algérienne
Après l’euro
Le parti de l’étrangère Une analyse par un militant d’extrême-gauche des évolutions du Front national depuis que Marine Le Pen a succédé à son père à la tête du parti.
Dix jours qui ébranlèrent le monde, de John Reed
Origine de la famille, de la propriété privé e et de l’Etat, de Friedrich Engels
Sur la religion, de Mark Twain
La flibustiere n° 1, René-Gilles, ékratures et sarcasmes
Grandeur et misères de l’antiracime : le Mrap est-il dépassé ? De Maurice Winnykamen
Outil de communication et propriété intellectuelle, de Daniel Moatti

Pour une liste complète, voir http://www.rue-des-livres.com/editeurs/831/tribord.html
http://www.rue-des-livres.com/editeurs/831/p2/tribord.html

 

 

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