BREVES DE COMPTOIR de Jean-Michel Ribes.
Après le très réussi , Musée Haut , Musée Bas ( 2008 ) qu’il a porté à l’écran, le dramaturge et metteur en scène de théâtre et de cinéma reprend pour le grand écran, son adaptation pour la scène des Brèves de Comptoir , ces « petites phrases » recueillies dans les vrais bistrots depuis trente ans par Jean-marie Gourio. Avalanche de bon mots , Univers de personnages magnifiques, regard tendre sur une humanité à fleur de peau…

Les Brèves de Comptoir recueillies par Jean-marie Gourio ( ex, de Hara -kiri) sont devenues un succès d’édition ( Prés de 2 millions de ventes ) et de la scène ,adaptées par Jean-Michel Ribes au Théâtre du Rond Point, de la capitale. Qui d’autre pouvait , en effet, mieux reprendre l’univers et les personnages de ces « brèves » dont le « lien » de l’humour ( noir, mais pas que …), est évident avec celui du dramaturge et du cinéaste. Ceux qui se souviennent des « ovnis » Télévisés d’hier : Merci Bernard ( FR3) et Palace ( Canal + ), n’en seront pas surpris , déjà l’humour déjanté et décapant empreint de tendresse, y faisait feu de tout bois. Jean -Marie Gourio y était, aussi déjà , de la partie créative et en belle compagnie ( Gébé , Roland Topor, François Rollin), avec Jean -Michel Ribes aux manettes. Ce dernier qui aime bien faire se confronter personnages et opinions diverses par le biais de dialogues « bruts et crus » révélateurs, et qui rassemblés , finissent par offrir une sorte de chronique à la fois caustique et tendre d’un collectif, dont la profonde humanité, finit par sourdre des situations , et dialogues les plus incongrus et surprenants, d’un naturel confondant .

C’est cette « captation » chorale là, que Jean-Michel Ribes sur les planches et aujourd’hui au cinéma, a mis en scène pour habiller les mots afin de leur offrir le miroir de la poésie et de l’humanité qui les habite, avec ce réalisme poétique au cœur, en héritage du Cinéma Français ( Carné -Prévert ). le Bistrot ici, comme le musée de Musée Haut Musée bas, sont des lieux publics dans lesquels se côtoient des individus venus d’horizons ( et classes ) les plus divers. Et Jean-Marie Gourio, en trente ans de « bons mots » rassemblés dans les Bistrots en une compilation, en fait sourdre justement , le portrait-miroir, le plus emblématique . Portrait qui nous renvoie par le raccourci des ce petites phrases recueillies sur le vif, celui d’une société dont ils reflètent les effets du mal-être et les ressentis que les effluves d’alcool libèrent. Humour noir et caustique, bons mots et ( ou) banalités s’entrechoquent, avec, parfois, le parfum de la poésie qui s’y glisse où le chagrin que s’y faufile « mon plus grand chagrin d’amour , c’est que personne ne m’aime ! », laisse échapper quelqu’un. On vous laisse le plaisir de la découverte des milliers d’autres qui forment le dialogue du film et la cohérence du récit …

Jean-Michel Ribes réunit toute cette humanité de personnages les plus divers et ce qu’elle représente comme concentré d’une monde et d’une certaine forme du « vivre ensemble » qui s’ inscrit au cœur d ‘un lieu public. L’analyse d’un certain brassage culturel dans le cadre de ce décor unique ( le bistrot ) avec l’unité de temps théâtrale ( de l’ouverture aux aurores, à la fermeture que l’on cherche à prolonger pour ne pas affronter la solitude ), et cette ouverture vers l’extérieur ( entrés , sorties ). Les séquences qui s’organisent autour des mouvements de la journée ( verre du petit déjeuner, l’apéro avant le repas de midi et sa bouteille, les intrus perdus ou les visiteurs de l’après-midi , le verre pour saluer la fin de la journée de travail … et, enfin , le dernier pour la route ) , arrosés sans aucune modération . Séquences entrecoupées par de jolies pauses ( le couple en conversation amoureuse dans le bistrot presque vide l’après-midi ,et , les trois amies qui y improvisent un salon de coiffure ) qui s’inscrivent en forme de respiration pour endiguer le flot de « bon mots » qui fusent comme un feu d’artifice…

Un feu d ‘artifice habilement organisé autour de quelques thèmes et sujets de société ( la violence, le (s) racisme(s) , le couple, l’amour, la solitude , le travail , le bons sens …) qui permettent de mettre en valeur certaines figures et personnages d’une authenticité belle et inénarrable, ils sont impayables , à l’image du croque-mort ( Laurent Gamelon ) qui part en vrille , ou du Peintre ( Bruno Solo) imbibé et chancelant. L’humour noir et la poésie empreinte de surréalisme et de fulgurances, sont au rendez-vous, dosées avec cette tendresse indispensable qui sait traduire le désespoir qui se reflète des comportements pour en faire sourdre l’émotion et nous renvoyer la détresse, le chagrin, la solitude. Perdus, ivres d’alcool et de chagrin, hantés par les fantômes ( belle scène ) ils tentent de s’accrocher et de rebondir ( le beau personnage lunaire de François Morel ) et garder espoir. Des individus qui tentent de se sauver en faisant appel (la scène finale ) à une sorte d’élan collectif protecteur. Un élan magnifique dont on vous laisse découvrir la fatalité qu’il tente de repousser vers laquelle le film inscrit ses séquences d’ouverture et de fin. La « vie » quotidienne qui s’inscrit au cœur de ce Bistrot a quelque chose d’unique et d’authentique ( le théâtre de la vie ) qui renvoie l’intrusion et le discours « décalé » de ce Politique (André Dussollier ) à des cours de rattrapage nécessaires …
(Etienne Ballérini)
BREVES DE COMPTOIR de Jean-Michel Ribes – 2014-
Avec : Chantal Newirth , Yolande Moreau, Didier Benureau , François Morel, Bruno Solo,
Régis Laspales , Grégory Gadebois , Michel Fau,