Après le festival de jazz, le festival d’Art Sacré est la plus ancienne manifestation musicale de la ville d’Antibes. Pour sa XXIIIème édition, son cofondateur avec Odette Grebel, Philippe Depétris a opté pour une diversification des lieux en favorisant un programme très éclectique.

Photo: Eichi Awoki
Depuis le 14 septembre, la chapelle St Bernardin, l’église Sainte Anne, l’église St Martin de Vallauris et bien sûr la cathédrale d’Antibes ont accueilli les premiers concerts, des sonates de Rossini au Stabat Mater de Vivaldi, du concerto de Monteverdi à la grand messe en Ut Majeur de Mozart. Des concerts qui prennent une autre dimension tant il est vrai que l’intérieur des édifices religieux apportent un plus à ces musiques, même pour un non croyant, il plane une atmosphère particulière, un peu mystérieuse, un peu irréelle. Le décor assez chargé a son importance et donne une note bien loin d’une salle de spectacle. Une chose est sûre, un large public est attiré par une telle manifestation, quelque soit ses idées et ses croyances, une partie des spectateurs viennent découvrir un patrimoine culturel comme l’explique Philippe Depétris musicien et également directeur artistique

Photo : Philip Ducap
« l’Art sacré, c’est essentiellement un répertoire, la musique est d’inspiration sacrée, ça veut dire qu’elle a été faite soit pour accompagner une liturgie, soit elle peut être aussi sacrée parce qu’elle peut représenter l’expression de la croyance ou des croyances du compositeur … elle peut être sacrée parce qu’elle a été créée en marge d’évènement religieux dans des lieux religieux sur le calendrier liturgique, regardez, Jean Sébastien Bach, il composait une musique de commande, « son job » quand il était maître de chapelle c’était de composer des messes, de composer pour les offices , c’est pour cela qu’il y a énormément de répertoires, il y avait beaucoup d’offices tout le long de la journée et, comme souvent, ces maîtres de chapelle étaient employés des princes et des grands prélats, il y avait de la musique magnifique pour les grandes occasions, ce qui est le rêve pour un musicien quand il n’est pas obligé de travailler pour faire bouillir la marmite… en plus et en même temps, il y avait des contraintes très importantes parce qu’il fallait fournir, par exemple quand Bach devait composer trois messes par semaine, il était toujours à fond, il composait, il réunissait les musiciens, il faisait répéter et, le samedi soir, il fallait qu’il joue, c’est pour çà que souvent, les compositeurs quand ils étaient vraiment en retard, ils repiquait un truc qu’ils avaient composé quelque temps avant il le remettait un peu à la sauce c’est pour çà qu’on a beaucoup de réminiscences dans cette musique là, les inspirations sont différentes selon les époques, selon le cahier des charges, aussi quand Bach ou Mozart composaient des musiques avec des chœurs, avec des grandes chorales, c’était foncièrement différent…s’il y avait des petites cantates pour des messes à 6h du matin qui étaient jouées par trois instruments le cahier des charges n’est pas le même. Par exemple là où on a la grand messe en Ut Majeur, c’est une centaine d’exécutants, de chœurs, orchestralement c’est très lourd…l’autre soir à St Bernardin, la chapelle était comble, on a fait un programme autour de Monteverdi qui était maître de chapelle à Venise, là aussi il avait ses contraintes, il avait aussi ses spécificités, c’était de la musique italienne, musique vénitienne de l’époque, ce n’est pas pareil que la musique de Bach ou de Mozart.

La grande messe en Ut Majeur a été composée par Mozart parce qu’en fait il voulait épouser Constance mais Constance était très malade, donc Mozart a fait un vœux, il a dit, si Constance s’en sort bien et peut chanter la partie de soprano de cette messe, je compose une messe en acte de grâce pour remercier et, c’est ce qui s’est passé, Constance a été sauvée et a chanté la partie de soprano solo lorsque la messe a été créée…le sacré, il y a des racines très profondes… » Ce festival Art Sacré offre une programmation très éclectique, avec les polyphonies corses et une soirée gospel.En ce qui concerne le Gospel for ever Family sous la direction du soliste Sylvain Padra, le répertoire restera classique avec des Negros Spirituals traditionnels, là aussi comme l’explique Philippe Depétris, c’est une musique sacrée chargée d’une longue histoire « …c’est cette musique d’inspiration noire américaine inspirée par les esclaves qui eux exprimaient leur foi pour lutter contre l’oppression dont ils étaient victimes…c’était un exutoire pour leurs problèmes de la vie mais c’était inspiré par le sacré, il y avait quand même une croyance en dieu qui faisait que, malgré le fait qu’ils soient opprimés, ils étaient très croyants et, même actuellement, la messe gospel à la Nouvelle Orléans, il y a le côté un peu spectaculaire mais c’est toujours une expression du sacré…nous avons invité aussi les Polyphonies corses car il y a aussi un point commun avec ces musiques sacrées, ça vient du plus profond du peuple, c’est souvent une musique de transmission orale

Quand on va en Corse, c’est çà qui est beau, ce ne sont pas toujours des groupes professionnels, ce sont les gars du village qui se mettent là, qui chantent parce qu’ils ont çà dans leur inconscient collectif, c’est çà qui est intéressant…moi, je vois de plus en plus de jeunes générations s’intéresser à cette musique parce que c’est de la belle musique, les voix ont une forte présence, c’est bien écrit et puis, on sent quand même et c’est peut être çà qui fait la différence, on sent que ce répertoire est porté par une inspiration qu’elle soit divine ou qu’elle soit d’une autre essence…» Pour tous ces concerts, les orchestres de la région sont bien présents avec l’Orchestre Régional Provence Alpes Côte d’Azur dirigé par Alain Joutard et l’Ensemble Baroque de Nice .


contre-ténor
Il faut rappeler que le pilier de la manifestation est l’Association des Grandes Heures de la Cathédrale d’Antibes et sa vingtaine de bénévoles. Dans le cadre également de ce festival se tient dans la galerie des Bains Douches une très belle exposition avec des icônes de J.Perino-Buroc et des peintures de I.Habibova. J’allais oublier…pour les concerts, une petite recommandation c’est d’arriver à l’heure, 21 heures, car les organisateurs ferment les portes à clé dès la première note du concert.
Jean Pierre Lamouroux
Tel : 04 22 10 60 10 / 01
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