NEW YORK MELODY de John Carney
Elle et lui, en galères sentimentales et professionnelles, auteurs- compositeurs ils sont aussi fous de musique que d’indépendance créatrice. Ils vont défier les Studios et labels qui imposent leur loi . Sous le charme d’une comédie romantique, s’insinue une réflexion sur l’évolution de l’industrie musicale confrontée aux technologies modernes… avec, en complément, une bande musicale épatante.

Gretta ( Keira Knightley) et son petit ami Dave ( Adam Levine ) débarquent de leur Angleterre Natale dans la ville de tous les possibles, New-York, espérant y trouver répondant, à leurs attentes artistiques. Signature avec un label important et le début du succès , et voilà que Dave pète les plombs et lâche sa compagne …pour une carrière « solo » et une nouvelle aventure sentimentale !. Gretta déprimée décide de rentrer à Londres . Dans la boîte où elle passe sa dernière nuit New-Yorkaise invitée par un « pote » musicos qui la fait monter sur scène pour y interpréter une de ses chansons, un producteur indépendant Dan ( Mark Ruffalo ) en rupture avec ses assosciés, tombe sous le charme … et va tout faire pour la persuader de continuer, avec lui, l’aventure contre l’adversité . De leur leur rencontre et collaboration musicale en un étrange duo, né des désillusions communes où l’un va apporter à l’autre ce dont il a besoin, le cinéaste crée le récit des mots et des notes magiques, qui réinchantent leurs rêves …

Vous l’aurez compris à la lecteur de ce résumé, le jeune réalisteur remarqué au Festival de Sundance par son premier film Once ( 2007) , investi de plein pied, ici, les clichés de la comédie romantique et sentimentale classique saupoudrée de ceux de la comédie Musicale ( revue au goût du jour …) pour une rencontre « enchantée » destinée à sublimer le talent authentique, mettant même en exergue la citation de william Shakespeare dans La nuit des Rois « si la musique est l’aliment de l’amour , jouez toujours » .
Il arrive souvent, au cinéma que les codes et les clichés d’un genre permettent de faire soudre une forme de naturel et d’authenticité , en creusant au plus profond des masques et des représentations. En effet ,dans les comédies romantico-musicales, les véritables états d’âme des personnages se retrouvent souvent exprimés au mieux dans des séquences qui les mettent en lumière par l’expréssion ( danse, chanson…. ) artistique avec laquelle l’intérréssé peut les sublimer, et se dévoiler , faisant état d’ un sentiment jusque là, retenu . Comme l’illustre au début du film la scène, douloureuse, de la rupture que Dave n’ose pas annoncer à Gretta , et qu’il exprime au travers des mots d’une chanson qu’il lui fait écouter ,via un lecteur Cd.

C’est ce point de vue de récit que le cinéaste tient , après un début hésitant ( les scènes de flash-back un peu trop explicatives ), pour mener ensuite – brillamment- jusqu’au bout, son récit . Rencontre et parcours de deux tempérements, « carrés » dans la vie comme dans leurs passions, servis par deux interprètes en totale adéquation. Keira Knightley ( Gretta) aussi déterminée que convaincante et intransigeante dans ses choix , ne permettant à personne d’ espérer la faire céder, est étonnante et confondante de naturel . Tandis que Dan , qui l’est tout autant, mais accablé par les problèmes ( en rupture d’associés et devant faire face à une vie personelle en lanbeaux ), s’il a sombré dans la « loose », sait retrouver son charme enjoleur avec l’aide de Gretta pour soulever les montagnes . Et ce qu’il offre à l’écran, il l’exprime dans le dossier de presse où il explique la manière dont il a investi son rôle avec enthousiasme : « John Carney est un réalisateur talenteux ( …) il a le don d’intégrer la musique à la trame narrative sans en faire une comédie musicale au sens traditionnel du terme . C’est le John Cassavetes des comédies musicales sur garnd écran » . Et cet enthousiasme, il le distille au long de chaque séquence, pour nôtre plaisir .

Et il est vrai qu’il y a quelquechose du John Cassavetes de Shadows dans la manière dont Gretta, Dan et sa troupe en liberté investissent ( belles scènes ), comme les héros en quête de liberté du cinéaste de Shadows, les rues et les quartiers de New-york. Pour , eux ici, y tourner leurs « clips » musicaux en forme de pied -de-nez, libertaire et créateur destiné à renvoyer à leur études les décideurs des grands labels focalisés sur le « formatage » de produits musicaux dont ils diffusent la » soupe »!. La musique en liberté de Gretta et de Dan ne peut , elle en effet, exister emprisonnée par des chaînes. Et ils vont transformer en un immense studio à ciel- ouvert les quartiers de la ville qu’ils remplissent de leur musique au long d’un tournage, en liberté avec les moyens de la débrouille…une aventure collective qui ne manque pas de saveur et dans laquelle, chacun s’implique. Le réalisateur, explique « j’ai bien connu l’industrie musicale avant de me tourner vers le cinéma (…) c’est un milieu qui a beaucoup changé ces derrières années . Je me suis donc demandé ce qui était arrivé aux dénicheurs de talents d’hier , et quel était leur rôle aujourd’hui (…) et eu l’idée de confronter un des ces produteurs désabusés à une jeune artiste d’aujourd’hui , capable d’enregistrer et de mixer son album sur son ordinateur pour voir ce qu’il en sortirait » . Et l’authenticité restituée, des deux tempérements fait le reste d’autant mieux que les mélodies sont en osmose avec le vécu de Gretta dont les beaux textes qui les accompagnent se font le reflet à la fois d’une ambition artistique et d’un ressenti et vécu personnel .

La réussite du film tient aussi au fait que le cinéaste a su s’entourer en dehors des comédiens de métier d’une troupe de gens issus du milieu musical ( Chansons composées par Gregg Alexander ex- du groupe New Radicals , de Ceelo Green auteur-compositeur dans le rôle de Troublegum , de Yassin Bey connu aussi sous le nom de Mos Def jouant le rôle de Saul , entr’autres ) qui a l’évidence , ont dynamisé et enrichi , le projet par leur apport en s’immergeant dans la troupe « live », s’improvisant ,aussi , en comédiens . En même temps que le comédiens se sont eux aussi improvisés en Musiciens ( Hailee Stenfield ) ou en chanteurs ( Keira Khnighley, belle voix !) et James Corden (qui joue son pote , Steve).
Dès lors on ne peut que se laisser bercer par le charme de cette comédie Romantico-musicale, qui inscrit son originalité par la tonalité d’un regard qui puise son authenticité dans les clichés de situations en les s’incrivant au cœur du réel . Celui des relations sentimentales complexe , des frustrations , des rêves et des ambitions, des passions et d’une certaine intégrité …
(Etienne Ballérini )
NEW YORK MELODY de John Carney -2014-
Avec : Keira Knightley, Marc Ruffalo, Hailee Stenfield, Adam Levine, Yasiin Bey,
James Corden, Katherine Keener ,