Cinéma / A LA RECHERCHE DE VIVIAN MAIER de John Maloof et Charlie Siskel

La « nounou» photographe découverte accidentellement à  l’occasion  d’ une vente aux enchères. Le carton contenant les négatifs de ses photos acquis par le cinéaste , stupéfait par la qualité du travail et des clichés,  qui va se passionner pour percer le mystère qui entoure la photographe et se consacrer à faire découvrir , post-mortem , son œuvre au monde entier. Un document passionnant à ne pas manquer…

l' Affiche  du  Film.
l’ Affiche du Film.

Personne dans le monde de la photographie n’avait jamais entendu parler de Vivian Maier ( (1926- 2009 ) et pour cause , cette dernière avait scrupuleusement accumulé , gardé et rangé dans des cartons les négatifs de ses clichés ( plus de 100 000 ! ) fruit d’une sorte de passion obsessionnelle pour saisir des portraits et de scènes sur le vif de la vie quotidienne dans la rue et dans les familles qu’elle a côtoyées tout au long de sa vie de « nounou » , avec son appareil ( le légendaire Rolleiflex Allemand ) devenu une sorte de «  double » d’elle-même , témoignant de son intérêt et de sa curiosité vis à vis du monde qui l’entoure. Superbes photos en noir et blanc , mais aussi en couleurs auxquelles viendront s’ajouter celles rapportées au long de son périple d ‘une année autour du monde témoignant magnifiquement  également de son intérêt pour les hommes et les cultures des autres civilisations et continents …

Une  vue    des documents  acculés  par  la photographe en complément de  ses  clichés photo....
Une vue des documents accumulés par la photographe en complément de ses clichés photo….

Une montagne de clichés ( complétés aussi au fil des années par des documents sonores et d’images des premières caméras Huit et super-Huit amateur utilisées  pour enrichir son travail ) , dont le mystère de leur mise en boîte et de leur non- tirage et publication par leur auteure , interpelle le jeune John Maloof – qui – en a fait l’acquisition pour la modique somme de 400 dollars . Ce dernier , en quête de clichés originaux qu’il destinait à l’illustration d’un ouvrage qu’il préparait sur un quartier de la ville de Chicago , va se détourner littéralement de son but premier pour aller à la découverte de la vie et des motivations de cette « nanny » des familles Bourgeoises Américaines qui , au fil des années, a accumulé un impressionnant témoignage ( en était-elle consciente?) sur plusieurs décennies concernant la vie quotidienne et la société Américaine.  Qui était cette illustre inconnue morte dans l’anonymat , dont la qualité des clichés n’a rien a envier au plus grands , comme le soulignent les témoignages de spécialistes qui n’hésitent pas à évoquer les Diane Arbus et autres Robert Doisneau ou Robert Frank ? ….

Images de  la rue    par  Viviane  Maier

Des nombreux noms, inscrits sur les boites et autres objets, lequel était le bon ? ( on apprendra qu’elle aimait se cacher sous d’autres identités …) , celui de Vivian Maier finit par aboutir sur une piste … et se révéler l’être , mais la mauvaise nouvelle pour John Maloof , c’est qu’elle vient de mourir il y a peu .
Dès lors il lui faut lancer ( via internet et un blog où il publie quelques photos de cette dernière …) une sorte d’avis de recherches de témoignages de ceux qui l’ont côtoyée et qui pourront lui permettre d’en savoir plus , à la fois sur ce que fut sa vie , et qui , en même temps permettrait peut-être de percer les raisons qui l’ont conduite à laisser ses clichés  enfermés dans les cartons !. Refusait-elle de les voir publier, et  si  oui ,  pour quelles raisons ? .
C’est au bout du compte le mystère de la création et de son tortueux parcours ( pour trouver le chemin de la reconaissance de l’establishment , via les expositions ), qui peut conduire à l’anonymat ou à la célébrité , que les auteurs explorent ici. Pour l’occasion John Maloof fils de brocanteur et ex-agent immobilier qui n’est pas réalisteur de métier,  s’ est adjoint l’aide du cinéaste Charlie Siskel.

John Maloof , le réalisateur et découvreur de  l'oeuvre  de  Viviane  Maier
John Maloof , le réalisateur et découvreur de l’oeuvre de Vivian Maier

Au fil des entretiens des ami(e)s et proches de la Nounou , et de ceux des parents et des enfants gardés jadis par elle , mais aussi au long du parcours de la découverte des ses origines ( Née  àNew-York de Père Américain et de mère Française ) du côté des Hautes-Alpes ( St- Bonnet -en- Champsaur ) Françaises . C’est tout un « pan » de la société Américaine qui se reflète dans ses clichés et autres documents ( l’incroyable accumulation d’objets de toutes sortes …) dont témoigne la scène de l’évocation de cette masse de Journaux entassés dans les pièces qui lui étaient réservées dans la demeure de la dernière famille Bourgeoise dont elle fut la Nounou , des enfants…

Autre scène de  rue   par  Viviane  Maier
Autre scène de rue par Vivian Maier

Et l’exploration du récit qui conduit le rythme est d’autant plus passionnante qu’elle nous réserve la surprise d’une multitude des documents inédits dont la qualité vient compléter le portrait de l’artiste et fait sourdre les mystères qui s’attachent à sa personnalité et se font le reflet de son regard et de sa perception du monde qui l’entoure . «  avec son appareil elle saisissait la vie Urbaine, et le plus souvent accompagnée des enfants qu’elle gardait , elle captait l’humanité qui l’environnait : parcs , bidonvilles , banlieues… Viviane Maier témoigna d’une réelle empathie pour les gens en marge qu’elle aimait photographier » , expliquent les auteurs . Et les exemples de ses clichés qui illustrent le film en sont le témoignage éloquent accentué par la qualité et l’intensité des instantanés que l’appareil dont elle se servait pouvait permettre par son viseur qui n’obligeait pas son utilisateur à le porter à hauteur de son œil pour viser le sujet et déclencher le clic . Permettant ainsi une certaine liberté vis à vis du sujet qui ne se sentait pas épié , ni objet d’indiscrétion voyeuriste. Une liberté qui offre la possibilité de nous faire «  approcher » la tonalité  et  la qualité de son regard auquel s’ajoute son sens du cadrage , mais aussi celui de la lumière et des situations  et des  expressions .

 cliché  d'une  femme   bourgeoise  dans  la  rue
cliché d’une femme bourgeoise dans la rue

Au delà de son travail remarquablement servi par les auteurs qui pointent l’immense qualité reconnue désormais ( expositions et succès public ) dans le mode entier , ces derniers ont cherché à percer aussi le mystère qui , au fur et à mesure de leur investigation, s’est inscrit aussi autour de la personnalité       «  sauvage ,excentrique » selon certains, de la photographe qui semble s’en être servie comme comme une forme de bouclier protecteur. A cet égard en dehors des négatifs des clichés, la multitude d’objets qu’elle a minutieusement conservés ,  constitue  une matière en forme de puzzle dont ils tentent de décrypter les indices révélateurs à l’image des identités multiples dont  elle  se servait pour conserver une certaine forme d’anonymat. Et les secrets , révélateurs de cette part d’ombre et de lumière que reflètent ses photographies ,  et dont on retrouve dans son vécu et son parcours de vie le ressenti sans doute ( trop?) lourd à porter.

l'homme  sur le  trottoir -  saisi par  Viviane   Maier
l’homme sur le trottoir – saisi par Vivian Maier

Se faisant écho , du sentiment de   sa  condition sociale  ainsi  que  de  sa propre valeur,  expliquant  sans doute ,  son acharnement et obstination à continuer à engranger ses clichés . Pas seulement destinée à l’oubli …ou au destin d’une reconnaissance future , mais , reflétant  -aussi-  son souhait de les faire connaître de son vivant , comme en témoigne les termes très précis de cette lettre – apparemment non suivie d’effet – adressée au photographe français sur la qualité des tirages souhaités de certaines de ses photos .
Un ressenti  reflétant aussi au travers des témoignages accumulés,  une personnalité complexe dont la part d’ombre un peu dévoilée ( relations sociales très distantes et absence de vie de couple connue…), dont les séquelles d’expériences  passées douloureuses,  expliquent vraisemblablement un glissement vers le repli sur soi et la solitude. Une  solitude  dont le vide serait rempli par cette passion , moteur d’une créativité salvatrice devenue aussi obsessionnelle, qu’exceptionnelle . Le film qui cherche à en percer le mystère finit , presque, par le nourrir … et d’ailleurs n’est-ce pas le propre et la richesse de toute œuvre artistique que de stimuler le regard qu’elle offre ( la Joconde et  son  sourire … ), tout en se préservant , du mystère qui entoure l’ attraction qu’elle suscite .
(Etienne Ballérini )

A LA RECHERCHE DE VIVIAN  MAIER de Joh Maloof et Charlie Siskel – 2013-
Documentaire, sur la vie et l’oeuvre de la Photographe, illustré d’entretiens et d’ archives .

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