PAUL MAZURSKY, Le goût des autres …
Le réalisateur du mythique Bob, Carole Ted et Alice et de La femme Libre, est décédé à l’âge de 84 ans. Il fit partie de la vague des cinéastes qui dans les années 1970 et suivantes ont renouvelé le cinéma Américain . Sa filmographie se caractérise par des portraits sensibles d’individus de la petite et moyenne bourgeoisie Américaine dont il a raconté les difficultés quotidiennes face à une société en pleine mutation économique …

Né en 1930 de parents modestes d’origine Juive , père ouvrier et mère pianiste classique , dans le célèbre quartier de Brooklyn à New-York . Un quartier où il passe sa jeunesse et fait ses études à l’issue desquelles il se dirige rapidement vers les métiers de la scène et du cinéma où il débute la Vingtaine accomplie d’emblée chez les grands . Il sera en effet un des jeunes turbulents du collège du film Graine de violence (1955) de Richard Brooks , où le jeune professeur ( Glenn Ford ) d’un collège professionnel d’un quartier populaire de New-York se retrouve confronté aux problèmes de violence et de racisme. Un des plus grands films progressiste de l’époque. Il sera également au générique de Fear and Desire ( 1953 ) , le premier long métrage de Stanley Kubrick sur un groupe de jeunes soldats plongés au cœur du conflit de la seconde guerre mondiale.Le film resté longtemps invisible par la volonté du cinéaste décédé en 1999, a été restauré et sorti en salles et en DVD en 2012. On peut apprécier aussi le comédien Mazursky, dans l’un des plus beaux films de Brian de Palma L’impasse ( 1993 ) aux côtés de Al Pacino et Sean Penn , dans le rôle du Juge Feinstein.

Comme de nombreux comédiens de sa génération , il se retrouve également dans des séries télévisées ( par exemple , les célèbres quatrième dimension ou les incorruptibles …) où il sera présent aussi plus tard à l’image de ses apparitions assez récentes dans Les Soprano . Paul Mazursky s’est par ailleurs également « amusé » à faire des apparitions et petits rôles dans ses propres réalisations . Derrière la caméra il y passera à la fin des années Soixante avec un premier film qui rencontrea aussitôt les faveurs de la critique et du public Bob, Carole, Ted et Alice ( 1969) . il faut dire que le thème sur l’amour -libre et l’échangisme était dans le vent des l’après Soixante -Huit et l’ère Hippie. Mais ce qui frappe , le temps ayant passé à la (re) vision du film , c’est surtout sa justesse de ton en même temps que ce regard sur des individus de la classe moyenne confrontés aux mutation de la société et des idées. Un regard juste renforcé par la tonalité de la Comédie douce-amère ; et des comédiens ( Nathalie Wood, Dyann Cannon et Elliot Gould ) en phase . Le film se retrouve nommé aux oscars pour son scénario , le Cinéaste qui en est l’auteur sera encore par la suite « nominé » ( Harry et Tonto , Une Femme Libre ) pour la qualité de son travail de scénariste .

Le succès de Bob, Carole Ted et Alice, le fait poursuivre dans cette voie d’un cinéma qui lui permet de porter un regard sur les individus confrontés aux mutations de la société . Mais, avec une certaine dose de malice, dans son second film Alex in Wonderland ( 1970 ) puis dans The Pickle (1993) , il explore la « dualité » de l’artiste confronté aux désidératas des studios qui lui demandent de surfer sur la vague du succès, alors que lui, voudrait traiter des sujets plus graves. C’est confronté à ce choix que Paul Mazursky persistera dans sa voie pour imposer et traiter des sujets de société, comme le divorce ( dans Blume in Love/ 1973) ,ou, la précarité avec le superbe Harry et Tonto (1974 – Oscar du Meilleur acteur pour Art Carney ) où un retraité se retrouve sans toit suite à l’effondrement de son appartement . Et encore avec Le Clochard de Beverly Hills ( 1986) , remake réussi du film de Jean Renoir Boudu sauvé de eaux , avec un superbe Nick Nolte . Le divorce avec Une Femme Libre (1978) et le superbe portrait de cette femme ( Jill Clayburg) délaissée et contrainte au divorce par son mari après Seize ans de vie commune . Les difficultés du couple sont encore au centre dans Willie et Phil (1980) ou dans Ma femme me tue (1996) où un mari volage passe un contrat avec un tueur à gages pour se débarrasser de sa femme .

Il explore aussi , les difficultés des choix de vie et de métier : architecte ( la tempête / 1982 ) , acteur débutant ( Next Stop Greenwich Village / 1976) ou journaliste ( Winchell/ 1998) Biopic du Journaliste Walter Winchell interprété par Stanley Tucci . Des choix politiques aussi , dans Moscou à New-York ( 1984) avec le Saxophoniste du Cirque de Moscou en quête de liberté qui se retrouve en plein New-York avec le KGB et le FBI aux trousses. Tandis qu’avec Pleine lune sur Parador ( 1989) dans une république bananière où a lieu un tournage , un comédien se retrouve contraint de remplacer le Dictateur du pays assassiné !. Et les séquelles de l’histoire qui resurgissent au cœur d’une vie de couple dans Ennemies, une histoire d’Amour (1989 ) où un survivant de l’holocauste qui s’est remarié, va être confronté au retour de son épouse qu’on croyait disparue dans la tragédie….

On vous a gardé pour la fin , la belle et réussie comédie sentimentale qui sans doute rassemble le mieux l’un des thèmes ( le couple et ses avatars ) exploré par le cinéaste , et l’idée d’un cinéma Populaire et d’un genre ( la comédie ) qui permet de concrétiser cette notion d’un cinéma intimiste sachant dans un cadre léger, traduire aussi la gravité et les problèmes de société. Avec Bette Midler et Woody Allen à la baguette ( en avocat et psychologue) , Scènes de ménage dans un centre commercial ( 1991 ) est un modèle du genre. La société de consommation et son centre commercial dans lequel le couple y explose dans une sorte de surenchère du trop plein de ce que l’un et l’autre représentent, comme produits… Il y a en en effet quelque chose d’emblématique dans ce couple en train de se défaire dans un lieu de qui est en principe destiné à célébrer celui-ci ( et la famille ) comme modèle de clientèle d’une certaine société de consommation….
(Etienne Ballérini )