Cinéma / LE PROCES DE VIVIANE AMSALEM de Ronit et Schlomi Elkabetz

LE PROCES DE VIVIANE AMSALEM de Ronit et Schlomi Elkabetz.

Troisiéme et dernier volet de la trilogie sur le couple, le procès en question ici, raconte la longue bataille d’une femme qui demande le divorce , confrontée à l’obstination de son mari qui la lui refuse, et à l’attitude du tribunal Rabbinique,  qui , dans un pays où n’existe que le mariage religieux, ne peut accorder la séparation du couple que si le mari y consent. De l’influence du poids de la religion sur la vie sociale …

l'Affiche  du  Film.

Après avoir examiné dans les deux précédents volets Prendre Femme ( 2004) et Les Sept Jours ( 2007 ) le parcours d’une vie de couple du mariage à son accomplissement dans la construction de la cellule famillale et son ancrage dans la société, les cinéastes Elkabetz -frère et sœurs dans la vie – qui ont osculté les multiples avatars de celui-ci , confronté au quotidien d’une relation conjugale qui a fini par se déliter au fil des ans. De dissensions autour de l’intimité , la liberté et le respect de l’autre soumises au poids des régles religieuses qui définissant le rôle de chacun , et notamment celui de la femme au foyer. De convictions en certitudes qui ont conduit à cette inexorable marche vers l’incompatibilité, il va falloir désormais crever l’abcès. Et pour y arriver , affronter cet archaïsme législatif destiné à maintenir une certaine paix sociale qui permet de soumettre la femme au dictat masculin. Et le droit au divorce, en question ici est justement le coeur du débat… Il faut savoir en effet qu’en Israël le mariage civil n’existe pas et que l’union du couple scellée par la religion est liée aux lois de celle-ci . Et donc , la procédure de divorce , comme la décision du tribunal qui l’entérinerait, ne peut être validée qu’avec l’acceptation du mari . C’est tout l’enjeu du film et du récit qui ouvre les débats de ce long procès que Viviane ( Ronit Elkabetz ) va devoir mener contre son mari , Eliahou ( Simon Abkarian ) , afin de ne plus être « une femme sous influence »…

Viviane  Ronit  Elkabetz   demandant    le  divorce
Viviane Ronit Elkabetz demandant le divorce

D’ailleurs depuis trois ans elle a fini par quitter de domicile conjugal , tout en y restant proches pour s’occuper de ses enfants , pour faire valoir au yeux du tribunal la réalité d’une relation conjugale devenue sans issue en l ‘état ,et justifiant , une demande de divorce . Les auteurs du film , justifient d’ailleurs  eux, l’exemplarité que cette démarche représente au delà même du cas particulier de Viviane «  Le Procès n’est pas seulement l’histoire de Viviane , mais il est également une métaphore de la condition de ces femmes qui se voeint comme emprisonnées à perpétuité par la loi . Le Procès, par conséquent représente la condition des femmes à travers le monde partout où, parcequ’elles sont femmes , elles sont regardées par la loi et par les hommes , comme inférieures », disent-ils en note d’intention. Et c’est bien cette notion de ressenti de mépris et de rejet en inférorité que fait valoir au yeux du président du tribunal , Viviane qui craque à bout de nerfs excédée par un énième refus de voir sa démarche déboutée par l’obstination de son mari bénéficiant de ce qu’elle estime être une forme de    « complicité » des représentants de la loi qui préfèrent se voiler les yeux , face aux agissements d’un mari , qui,  de revirements en refus de se présenter au tribunal, n’en finit pas de faire régner la sienne . Ce qui vaut la belle réplique de Viviane «  dans quel pays sommes-nous ?, aux Etats-Unis un homme qui refuse à deux reprises de se présenter au tribunal perd son procès en Divorce !. Ici tout lui est permis et il continue à se moquer de moi et de vous (…) il me déteste vôtre honneur , tout ce qu’il veut s’est s’assurer que je ne soit jamais heureuse , tant qu’il ne me verra pas totalement ravagée , il ne se calmera pas, il ne s’arrêtera pas ! » , dit-elle désespérée …

Une scène du  tribunal .  Viviane  ( Ronitez  Elkabetz )  et  son avocat ( Menashey  Noy )  face  a deux  témoins  .  A  droite  ,  le   frère   ( Sasson Gabai  )  et  défenseur  du mari
Une scène du tribunal . Viviane ( Ronitez Elkabetz ) et son avocat ( Menashey Noy ) face a deux témoins . A droite , le frère ( Sasson Gabai ) et défenseur du mari

Et le procès qui va s’éterniser sur cinq ans va devenir , dès lors , pour les auteurs le lieur clos au cœur duquel va se dérouler le spectacle , miroir révélateur des comportements et des failles d’une société où les interêts personnels , de classes , familiaux et sociaux , se font le reflet d’un état des lieux politique dont, en filigranne , ils dressent le constat accablant d’une société prisonnière d’une morale religieuse dont les risques de dérives intégristes persisteront tant que le « socle » de l’état -religion , sur lequel elle repose perdurera . On voit bien ici au travers des multiples séquences et défilés de témoignages , comment ce « socle » permet de justifier toutes les compromissions , dérives , rapports de forces et autres maniplations dont les uns et les autres , témois à charge ou à déchage, défilant dans l’enceinte du tribunal , vont se faire l’écho.
Quitte à finir par trahir son propre camp à l’image du frère de Viviane qui, par double complicité masculine et religieuse en vantant les mérites du   » respectable »  et  à tous points de vue «  bon père, mari fidéle, homme intégre et réligieux » , va inconsciement désservir les intérêts de sa sœur.

les  trois représentants  du tribunal Rabbinique
les trois représentants du tribunal Rabbinique

Au cœur de ce tribunal , c’est pourtant la vie extérieure qui va finir , préssée par les questions , y dévoiler ses secrets . C’est le point fort d’une mise en scène qui se sert des répétitions ( le temps qui s’égrenne et scande les séquences , les témoins qui défilent , les révélations et coups de théâtre …) pour en extirper la matière vivante des hypocrisis qui vont finir par y dévoiler  ces turpitudes et autres contradictions qui se cachent derrières les volets clos et les portes fermées  des  maisons  . A l’image de cette voisine du couple, femme de commerçant qui va lever le voile de sa propre soumission et révéler, en miroir, celle de Viviane .Tandis qu’un autre témoin va se permettre d’écorner le portrait idyllique du mari en révélant au travers d’une dissension avec certains membres de la congrégation religieuse, son attitude de reflexe borné refusant toute contestation … ce même comportement qui a empoisonné , selon Viviane, leur vie de couple . Et que dire des tentatives de « déstabilisation » de la défense du mari éffectuée par le frère ( Sasson Gabay ) complice de ce dernier, qui va tenter de déstabiliser les témoins par des insinuations sur leur vie privée , et pousser , même le bouchon jusqu’à tenter de compromettre l’avocat ( Menashe Noy ) de Viviane. Corruption, diffamation et autres coups bas qui en disent long … et pendant ce temps Viviane attend toujours qu’on lui accorde sa liberté de femme .

le  mari  ( Simon Abkarian)  face  à l'avocat  ( Menashe  Noy )  de   Viviane
le mari ( Simon Abkarian) face à l’avocat ( Menashe Noy ) de Viviane

Au delà de la mise en place au cœur de tribunal de cette vie extérieure qui va faire trembler les murs ( des codes de la loi religieuse et sacrée ) par les mots de ces secrets qui vont s’y dévoiler, s’y ajoute les choix d’une mise en scène qui distille son langage visuel traduisant l’absurdité d’une situation par la tonalité de la comédie qui s’y insinue et le décalage ironique des dialogues qui renvoient leur écho à la gravité de la situation. Avec les références à la comédie popuplaire ( Italienne , Américaine et y compris celle du cinéma Israëlien ) ainsi qu’au mélodrame. Le jeu sur les faux-sembants , comme celui sur les échanges de regards deviennent une sorte de double représentation dont les auteurs ont – aussi – fait le choix volontaire comme étant représentative  d’un langage non officiel ,  utilisé dans la cadre de la vie privée . Ainsi le choix des langues utilisées ( Hébreu, Arabe , Français et Anglais ) pour les dialogues du film , se fait révélateur de points de vues et d’intentions spécifiques , offrant une belle lisibilité sur le dit et le non-dit, des codes d’une société. Ainsi l’Héreu, objet de l’éssentiel des dialogues est utilisé comme langue officielle et sacrée qui ne peut pas laisser place (religion oblige …) aux écarts de langage et aux échanges du domaine de l’intime et ( ou ) du familial, pour lesquels , les autres langues seront utilisées . Dans l’enceinte du Tribunal où la loi religieuse régne , l’intime n’a donc pas sa place. La morale doit rester sauve , de même que cette autre terme qui y est lié, l’honneur , dont la scène finale, qu’on vous laisse découvrir, va être révélatrice des raisons de l’entêtement du mari. Un film passionnant qui ne va pas manquer de susciter les débats si l’on s’en tient aux réactions dans la salle ( et à sa sortie ) où nous l’avons vu…
(Etienne Ballérini )

LE PROCES DE VIVIANE AMSALEM-2014-Israël-
de Ronit et Schlomi lkabetz .
Avec : Ronit Elkabetz, Simon Abkarian, Sasson Gabai , Menashe Noy …
Sélection Quinzaine des Réalisateues , Festival de Cannes 2014.

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