Disparition / Helma SANDERS- BRAHMS , L’Allemagne au Coeur…
La cinéaste d’Allemagne Mère Blafarde qui s’inscrivit dans la nouvelle vague du Cinéma Allemand de la fin des années 1960 et a réalisé 25 Films, s’est éteinte à l’âge de 73 ans des suites d’une longue maladie . Elle a été élue Membre de l ‘Académie des arts de Berlin en 1997 .

Née en Novembre 1940 à Endem en Basse Saxe , après ses étude s Universitaires où elle se perfectionne en Anglais , elle se tourne vers les médias et la télévision où elle fera une courte carrière de speakerine, puis de reporter et documentariste . C’est d’ailleurs lors de l’un des reportages en Italie où elle Rencontre Pier Paolo Pasolini sur le Tounage de Medée, que sa carrière va basculer et prendre sa vraie dimension , la faisant se tourner et passionner pour le cinéma . C’est d’ailleurs dans le cadre du cinéma Italien qu’elle fera ses premiers pas dans le cinéma en étant intégrée aux tournages de certains films de Sergio Corbucci et de Pier Paolo Pasolini, qui l’y encouragera . Elle y apprendra le métier et surtout, qu’un autre cinéma était possible qui pouvait s’approprier dans le sillage des Mouvements libertaires de 1968 de nouveaux sujets , et aborder notamment ceux qui parlaient aux nouvelles génération, en inventant aussi une autre écriture. Parmi les sujets, il y avait pour cette Allemande de la génération de l’après-guerre les interrogations sur le passé Nazi et les perspectives d’un présent à appréhender et à traduire dans la cadre d’un nouveau Cinéma Allemand qui prenne en compte les débats contemporains , la critique et l’analyse sociale et politique . Et pour cela il fallait changer le fonctionnement traditionnel et faire en sorte que les cinéastes ne soient plus liés et prisonniers des modes de financements et puissent acquerir leur indépendance . C’est sur ce modèle qu’est née la nouvelle vague du cinéma Allemand des années 1970 où fit ses débuts Helma Sanders -Brahms , en compagnie des grands noms qui émergèrent à l’époque : Rainer Werner Fassbinder , Hans Jurgen Syberberg, Volker Schlondorff , Alexander Kluge , Werner Schroeter, et Margarethe Von Trotta entr’autres.

Avec son film au titre significatif emprunté a un slogan de Mai 1968 , Sous les Pavés la Plage (1974) , la jeune cinéaste qui débute alors , écrit son premier « pavé » en forme de réflexion empruntant le langage d’un cinéma moderne hérité aussi de la nouvelle vague Française , au cœur duquel elle installe autour de personnages engagés une sensible et profonde interrogation empreinte de gravité sur leurs actions et idéaux. Le film présenté dans de nombreux festivals ( dont celui du Jeune Cinéma de San Remo) aura un certain retentissement et sortira dans de nombreux pays . Cela permettra à la cinéaste de poursuivre sa réflexion sur la société Allemande et sa démarche d’une cinéma engagé , en abordant le thème de l’immigration Turque en Allemagne dans Les Noces de Shirin (1976) où elle brosse le parcours d’une Jeune femme Turque fuyant son pays pour s’arracher à l’oppression qui pèse sur les femmes , et se retrouve confrontée à la réalité Allemande . La condition féminine constamment présente dans ses films est aussi un des combats que la cinéaste très engagée sur sur ce sujet a tenu à garder au premier plan dans son œuvre .
La réalité Allemande elle va aussi la scruter au travers de ce passe et héritage Nazi qui pèse sur les nouvelles générations . Autour d’une histoire intime, celui de sa mère dont elle racontera dans Allemagne Mère Blafarde ( 1980 ), le parcours sous un angle original qui offre au film une dimension où la tragédie est sublimée en réflexe de survie . Helma Sanders -Brahms , traduit le parcours de cette mère plongée dans le cataclysme de la débâcle et de la souffrance , comme une sorte de chemin de résurrection à la vie qui va renaître de l’épreuve subie . L’enfant en étant en quelque sorte, le symbole . Le film porté par une réalisation magistrale dont la représentation fictive se retrouve confrontée aux images d’actualités d’une Allemagne en ruine et exsangue , donne à voir en miroir le reflet de cet inventaire nécessaire à faire d’une passé pour reconstruire un avenir.
La cinéaste se penchera aussi sur la culture Allemande et la figure emblématique du grand poète Einrich Von Kleist (1977) , dont elle délaissera l’aspect « biopic » pour se consacrer à la figure intime et ce qu’elle laisse transparaître au travers de sa correspondance qui est au cœur du récit.Comme un écho de la beauté de la poésie, à l’horreur .

Dans Les fruits du Paradis (1992), c’est une autre belle réflexion qu’elle propose , le mur étant tombé , sur la réunification Allemande exploré du point de vue de l’Est et d’un quotidien des individus qui ont vu leurs vies brisées par l’histoire . Toujours ce passé qui hante…
Mais de nombreux films de la cinéaste qui a rencontré parfois des difficultés pour faire aboutir ses projets, ne sont pas parvenus en France- dont on a cependant pu lire des échos favorables dans les compte-rendus de Festivals. Le dernier film de la cinéaste , en forme de testament , Clara ( 2008 ) sorti sur les écrans et vu récemment sur Arte , a cependant permis de constater que sont art était était resté intact . Servi par une mise en scène toute en élégance et en finesse de laquelle s’épanouissent en une sorte de concentré les thèmes chers à la cinéaste , nous entraîne dans le sillage de la pianiste Clara Schumann , tiraillée entre son mari ( Robert Schumann et sa folie ) , son jeune ami-amant ? ( Johannes Brahms), et la conquête de sa liberté de femme et d’artiste , qui devra aussi affronter le poids d’un contexte social, pour s’affirmer et conquérir sa vraie place…
Helma Sanders-Brahms aura laissé une belle œuvre qui mérite d’être redécouverte.
(Etienne Ballérini )