JOURNAL DE CANNES No 2.
C’est parti pour la Compétition Officielle et pour l’ouverture de la section Un Certain Regard .Une Première journée de qualité avec des films qui nous ont interpellé sur la création avec Turner le film de Mike Leigh sur le grand peintre Anglais , mais aussi sur les sujets de société parfois brûlants d’actualité comme c’est le cas pour le film d’Abderrhamane Sissako Timbuktu sur les Djiadistes au Tchad . Exploration également des destinées personnelles avec Loin de Mon père de Keren Yedaya qui aborde le sujet de l’inceste et dans Party Girl, c’est une entraîneuse de Bar qui veut changer de vie .
Competition Officielle : Timbuktu d’Abderrhamane Sissako .

Dans Timbuktu le cinéaste Mauritanien Abderrahmane Sissako dont on avait beaucoup aimé son Bamako ( 2006 ) où il fustigeait les disparités Nord- Sud et les effets du libéralisme tout crin sur le continent Africain , et improvisait un « procès public » contre le fond monétaire international . Aujourd’hui la situation a bien changé dans de nombreux pays Africains, où , comme au Mali les extrémismes religieux imposent dans certaine s régions leurs loi . C’est le sujet central de TIMBUKTU qui relate les exactions commises par les extrémistes religieux dans une région proche de Tomboukto où les habitants d’un village sont constamment harcelés par les « commandos » qui patrouillent et improvisent de nombreux tribunaux pour rendre leurs sentences aux contrevenants coups de fouets et autres punitions violentes …mais aussi lapidation et peine de mort , deviennent monnaie commune et contraignent à la soumission par la terreur .
C’est cette violence et cette terreur que le cinéaste décrit au quotidien en mettant en avant de nombreux exemples qui lui permettent de montrer à la fois l’absurdité et la tragédie qui va s’abattre sur les habitants . Plus question de fumer , de faire de la musique ou de jouer au football par exemple . Abderrhamane Sissako leur renvoie l’absurdité en les fustigeant par la satire lorsque par exemple il fait dire au chauffeur d’un des chefs qui fait la chasse aux contrevenants « mais toi tu fumes en cachette , non ? » , ou encore lorsque pour répondre au ballon de foot qui leur a été confisqué , les gamins improvisent une partie de foot sans ballon ! . il y a aussi la belle résistance des femmes qui refusent qu’on leur impose de cacher leurs visages ou de mettre des gants aux mains lorsqu’elle manient des denrées et le poisson sur le marché. Mais il y a surtout ces humiliations et violences , qui rapidement prennent une dimension plus tragique avec les lapidations et peines de mort . Et là, le récit se fait dénonciateur d’une violence ignominieuse dont il analyse au quotidien l’effet de terreur qu’elle installe sur les populations . C’est surtout par son regard, alors, sur cette violence diffuse que le Cinéaste , fait le choix de filmer avec cette distance qui la rend encore plus terrible … dans son intrusion au cœur des paysage ( superbement filmés ) et des habitants qui la subissent , impuissants
On ne résiste pas à vous faire part des déclarations du Cinéaste dans le dossier de presse où il explique les raisons de son indignation qui l’on poussé à faire ce film . Un film nécessaire « Le 29 juillet 2012, à Aguelhok , une petite ville au Nord du Mali ( …) un couple d’une trentaine d’années qui a eu le bonheur de faire deux enfants a été lapidé jusqu’ à la mort . Leur crime : ils n’étaient pas mariés . La scène de leur mise à mort diffusée sur internet par les commanditaires est horrible . La femme meurt au premier coup de pierre reçu et l’homme émet un cri rauque , puis un silence (…) Aguelhok n’est pas Damas ni Téhéran . Alors on ne dit rien ? Ce que j’écris est insupportable , je le sais (…) et puisque maintenant je le sais , je dois raconter dans l’espoir qu’aucun enfant ne puisse apprendre plus tard que leurs parents peuvent mourir parce qu’ils s’aiment ». Et son film est le superbe reflet de cette indignation , son cri de colère pour que les atrocités cessent .
Et abderrhamane Sissoko, le dit avec un immense talent .
Compétition officielle : Turner de Mike Leigh .

Le grand cinéaste Anglais dont on n’a pas oublié Secrets et Mensonges ou Vera Drake ( Lion d’Or à Venise ) est à la fois un portraitiste social et aussi un fin décrypteur de l’univers artistique dont il a par exemple traité l’art du divertissement dans Topsy-Turvy ( 1999) . cette fois-ci il revient au thème de la création en explorant certaines facettes dont le célèbre peintre Anglais J.MW. Turner ( 19975- 1851) lui permet de mettre à jour à la fois les contradiction d’un homme et d’un Artiste complexe à la fois vulnérable , excentrique , intransigeant ou insupportable , mais également révolutionnaire , visionnaire et poète, qui a laissé une œuvre prolifique dont dans une des répliques du film il répond à un acheteur richissime qui lui offre le Banco qu’il refuse parce qu’il préfère dit -il « la , léguer à l’état pour qu’elle soit exposée dans son intégralité et gratuitement pour le public! » . Mike Leigh s’amuse beaucoup à Portraitiser cet homme qui se distingue par ses grognements sur tous les tons quand il s’agit de se défausser pour éviter de répondre à ses confrères qui se réunissent souvent autour d’expositions où l’on se hait autant que l’on se congratule . On y joue aux artistes maudits ou aux génies tandis que les critiques pédants se donnent en spectacle . Mais c’est surtout l’itinéraire artistique d’un homme dont le cinéaste cherche à traduire en termes cinématographiques dans le temps ses tâtonnement et l’évolution de sa peinture qui prend forme . Un peu comme l’avait fait Maurice Pialat dans son Van Gogh. Au delà de l’homme Vulnérable , imparfait , voire grossier mais aussi fragile , qui va trouver une certaine plénitude créatrice en même temps qu’une certaine stabilité affective auprès de cette femme Mrs Booth avec laquelle il va partager la fin de sa vie . Turner s’inscrit dans le sillage de ces films qui aussi comme La belle Noiseuse de jacques Rivette , nous font pénétrer au cœur des arcanes de la créativité picturale
Un Certain Regard :
Party Girl de Marie Amachoukeli , Claire Burger et Samuel Theis;

Pour la séance d’ouverture la section a choisi une partition a trois pour une docu-fiction sur une entraîneuse de bar, qui à l’approche de la soixantaine, décide ,ayant trouvé l’amour, de changer de vie . Fini les clients et la fête pour Angélique dont Michel un Client amoureux d’elle lui propose de sauter le pas …du mariage !. . Les auteurs à partir d ‘un point de départ autobiographique sur la vie et le passé de cette Angélique qui a vraiment existé, ont construit autour, les éléments d’une fiction cinématographique qui permettent d’en faire sourdre les enjeux . Un choix qui fait le prix du film qui gagne son authenticité dans la manière habile dont les éléments du réels viennent irriguer l’émotion de la fiction qui les traduit . C’est l’authenticité des personnages qui est presque miraculeusement revécue au cœur de cette trajectoire fictive qui en restitue la dimension humaine . Le auteurs précisent dans le dossier de presse avoir voulu « a travers elle interroger , l’amour la famille , la liberté, la marge . Angélique est-elle libre ou égoïste , spontanée ou inconséquente, généreuse ou irresponsable ? ( …) au travers de son histoire intime c’est aussi celle d’une région ( La Lorraine ) et une classe sociale qui se racontent », disent-ils . C’ est cet aspect qui fait la réussite du film porté par l’authenticité des personnages autour d’Angélique et de Michel, qui restituent cette vie Nocturne – dans une ancienne région, ouvrière minière – qui hante encore Angélique jusqu’au dernier moment, comme elle le confie à son fils ( belle scène ), tandis que l’ émotion de ses enfants réunis pour le mariage apporte sont lot de romanesque qui se heurte au réel .
Loin de mon Père de Keren Yedaya ( sélection , Un Certain regard )

Après Jaffa ( 2008 ) la cinéaste Israélienne, Keren Yedaya, dont l’engagement pour la cause féminine est connue , adapte ici librement , le roman Far for his Absence de l’auteure Israélienne Chez qui traite du sujet de l’inceste et de l’emprise d’une père Moshe sur sa fille , Tami . La cinéaste a volontairement accentué la différence d ‘âge entre le père ( 50 ans ) et sa fille ( 20 ans ) pour « introduire de l’espoir » dit-elle dans le dossier de presse , quant ‘à l’avenir de cette fille dont on mesure la soumission accentuée envers le père justement liée à cette jeunesse et à une enfance à laquelle il est fait discrètement allusion où l’emprise du père se serait manifestée très tôt . Le choix de la cinéaste de suivre son héroïne et de la mettre constamment dans chaque plan pour nous faire les témoins à la fois du calvaire de sa soumission , comme de celui de ses révoltes , mais en même temps de faire percevoir au delà de la soumission , les éléments d’une emprise complexe qui joue sur des rapports dans lesquels s’insinue sans doute lié à leur durée, le réflexes de jalousie de Tami , lorsque le père évoque cette maîtresse qu’il pourrait lui substituer et son repli de soumission comme refus de le perdre . C’est cet ‘enfermement qui se concrétise par des révoltes de mutilation ( sur les bras) qui sont les moments les plus forts du film dont les fuites extérieures , un peu trop schématiques ( les jeunes à qui elle se donne par dépit sur la plage ) ou la rencontre ( plus interressante ) de cette jeune femme , qui va l ‘aider à s’en sortir et à se libérer…
( Etienne Ballérini )
Aujourd’hui , au programme
Compétition : Captives d’atom Egoyan et Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan .
Section Un certain Regard : La Chambre Bleue de Mathieu Amalric et Amour Fou de Jessica Haussner .