Cinema / D’UNE VIE A L’AUTRE de Georg Maas

D’UNE VIE A L’AUTRE de Georg Maas.

Le drame des enfants nés des relations entre les soldats Allemands et les  femmes  des pays occupés pendant la seconde guerre mondiale,  et,  enlevés à leurs mères  pour être placés dans des orphelinats «  lebensborn » destinés à d’entretenir la « pureté » de la race . Après la chute du mur de Berlin, les instances Européennes interpellées enquêtant sur ces « enfants de la honte » utilisés comme des cobayes et  tentent de trouver des témoins pour demander que justice leur soit rendue. Le destin de Katrine , fruit de la relation entre une Norvégienne et un soldat Allemand, servira de révélateur à une réalité bien complexe et de lourds secrets enfouis …

l'Affiche  du  film
l’Affiche du film

Les secrets de l’histoire des nations enfouis dans les limbes du néant  par les  pouvoirs , lorsqu’ils se font jour au détour d’archives retrouvées ou de témoignages enfin libérés , ne manquent pas de révéler des réalités qui souvent font froid dans le dos et nous interpellent sur la notion de monstruosité humaine en question . C’est le cas de ces enfants ayant été les objets d’une politique d’Eugénisme Nazi, mise en place dès 1935 dans le but de créer cette race blanche supérieure , destinée à devenir l’élite du Reich. Les critères stricts de race ( aryenne ) exigés en excluant toute autre, de même que les antécédents à risques héréditaires ( maladie ) , ont étés appliqués  en Allemagne , jusqu’en 1945 . Mais ils ont étés aussi étendus aux pays occupés d’Europe centrale et occidentale ( dont la France…) et plus précisément concernant , la Norvège, et  ici  le  récit du film du réalisateur Allemand – dont c’est le  deuxiéme long métrage-  adapté du roman de Hanelore Hippe,  qui a participé à l’écriture du scénario .                      Comme dans les autres pays occupés par les Allemands les liaisons des soldats avec les femmes ces pays,  ont fait l’objet d’une sorte de « planification » , dont le dossier de presse du film précise que «  entre 10 000 et 12 000 enfants naquirent des  liaisons entre des femmes Norvégiennes et des soldats Allemands pendant l’occupation dAllemande en Norvège de 1940 à 1945 ». Et certains d’entr’eux répondant aux stricts critères Aryens , furent ensuite enlevés à leurs mères pour être placés dans des foyers ou orphelinats en Allemagne où leurs identités furent changées.

Juliane  Kholer ( Katrine )  et  Ken Duken ( l'avocat )
Juliane Kholer ( Katrine ) et Ken Duken ( l’avocat )

C’est le cas de l’héroïne du film Katrine ( Juliane Khöler , remarquable ) qui fut placée dans un orphelinat réservé aux enfants Aryens déplacés de Norvège, dans la région de la Saxe, au foyer de Sonnenwise , et qui , à la fin de la guerre se retrouvent en Allemagne de l’Est (RDA ). D’ où  Katrine , elle, parviendra à s’échapper …pour aller rejoindre sa mère en Norvège. Nouvelle vie et famille fondée , Vingt ans après, la chute du mur aidant , témoignages et archives laissant voir le jour à quelques secrets bien gardés … un avocat ( Ken Dunken ) ,  va prendre contact avec Katrine pour qu’elle vienne témoigner dans un procès contre l’état Norvégien ( qui pourrait rejaillir sur la repentance de l’Allemagne …) et rendre justice à ces « enfants de la honte » , dont les destinées furent brisées. Le refus de cette dernière s’il est surprenant pour l’avocat comme pour le spectateur , c’est qu’il constitue le point central d’un récit et d’un questionnement dont le réalisateur  en a fait  le coeur , au delà des multiples revirements d’une intrigue où, vérités et mensonges , se télescopent.
Et se font,  les reflets d’un jeu des dupes dont les enfants- victimes seront pris au piège d’une toile qui les enferme  encore un peu plus dans l’étau. Comment s’en sortir ? .
La question est là qui taraude Katrine dont le destin brisé hier , risque de l’être à nouveau. Au nom d’une juste cause, doit -elle encore se sacrifier ? . Ceux qui l’entourent , et l’aiment , doivent-ils affronter cette vérité qui pourrait les troubler et détruire leur quotidien … Le choix   de  la vérité dont katrine porte le poids est magnifiquement incarné par Juliane Khöler habitée par le dilemme vécu d’une pression à laquelle elle voudrait résister . Mais, ne lui faut-il pas aussi chasser les fantômes …d’autant qu’il y a une mère ( magnifique Liv Ullman) qui , elle aussi a subi et vécu un calvaire , et qui a le droit de savoir .

Katrine  et  son Mari-  Juliane  Kholer  et  Sven Nordin
Katrine et son Mari- Juliane Kholer et Sven Nordin

Georg Maas , nous entraîne habilement dans les arcanes d’un passé  ( Flash-backs traités en images au grain plus marqué comme des images d’archives ) qui renvoie au présent , les mensonges sur lesquels pèse le quotidien de ces malheureux dont les bourreaux ont fait leurs victimes. Après les expérimentation d’une naissance planifiée politiquement pour en faire les emblèmes d’une race pure , devenus les prisonniers d’une autre planification qui en a fait les objets contraint et dévoués à une entreprise d’espionnage ( la Stasi ) destinée à s’insinuer non plus, dans La vie des autres  ,évoquée dans le film de Florian Henckel  Donnersmarck…. mais , ici, dans celles de la ( vie ) politique des pays Occidentaux. Des marionnettes toujours liées aux fils de leurs manipulateurs , comme le laisse présumer la séquence finale , faisant état d’un fait divers qui y semble lié. Atmosphère oppressante qui donne à réfléchir sur des jugements parfois un peu trop hâtifs quand on ne connaît pas les raisons qui ont conduit,  à ces mensonges ou secrets gardés comme une blessure restée  encore une plaie  béante,  au  fond  de  soi …

Une  scène du procès / Julia  Bache Wig  et   Liv Ullmann
Une scène du procès / Julia Bache Wig et Liv Ullman

Comme la bête immonde dont le ver est dans le fruit, évoquée par Ingmar Bergman dans L’ Oeuf du Serpent ( 1977), dont Liv Ullman qui fut souvent son interprète , vient nous rappeler par sa présence dans le film , ici , son implication comme comédienne dans le traitement d’un sujet auquel elle est sensible . Et de fait elle explique dans le dossier de presse les raisons familiales qui l’ont conduite , à s’y impliquer « l’histoire authentique et le destin de ces enfants des Lebensborn,  pendant et après la guerre,  n’est pas assez évoquée aujourd’hui , et  en Norvège non plus. Ces enfants ont eu un destin horrible , je pense qu’il est important et juste qu’un film leur soit consacré,( …) pendant la gurere j’ai perdu deux hommes importants de ma famille . Mon père a été tué au combat quand j’avais six ans et mon grand -père est mort dans un camp de concentration à Dachau . Ma tante qui s’était mariée avec un médecin Allemand longtemps avant la guerre, quand elle est rentrée  en Norvège après la guerre, nous a dit que notre mère nous interdisait de parler Allemand avec nos cousins car elle haïssait les Allemands. Rétrospectivement je trouve que la réaction de ma mère était bornée : même si on ne peut pas oublier, il faut pardonner. Pour moi,  le film est aussi un film sur le pardon », dit-elle . On comprend dès lors pourquoi elle a tenu a interpréter ce rôle d’une mère qui subi le rejet pour avoir eu une liaison avec un soldat Allemand ,et  à qui l’enfant «  de la honte », fut enlevé par le nazis pour rejoindre ces Lebensborn dans lesquels leur destin a basculé . On se réjouit que la grande comédienne qui a choisi d’erxercer désormais derrière la caméra , soit revenue devant, après une longue absence , pour nous offrir une de ses magnifiques et émouvantes prestations dont elle a le secret ..

Liv  Ullmann
Liv Ullmann

Et au cœur du film , ces expériences folles des « lebensborn », tout à coup nous remettent en mémoire deux films qui ont évoqué des tentatives semblables , d’exilés nazis en Amérique latine . Le joli film de Lucia Puenzo Le Médecin de Famille, qui dans l’Argentine des années de l’après- guerre relate les expériences étranges et secrètes de ce Medecin exilé d’origine Allemande qui semble vouloir les perpétuer … une nostalgie évoquée aussi , dans le film de Franklin J. Schaffner Ces garçons venus du Brésil (1978 ),  où,  la traque d’officiers nazis exilés en Amérique du sud révélera dans le sillage de celle de Josef Mengele le médecin du camp d’extermination d’Auschwitz , l’existence d’expériences du même type faites  d’enfants- clones d’une race pure, destinés à être disséminés dans de nombreux pays pour y établir, à terme …un IV éme Reich !.

(Etienne Ballérini)

D’UNE VIE A L’AUTRE de Georg Maas – 2014-
Avec : Julianne Khöler , Liv Ullmann, Sven Nordin , Ken Duken , Julia-Bache Wiig,
Ralner Bock…

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