SACRO GRA de Gianfranco Rosi .
Le Documentariste italien qui s’est rendu célèbre avec son saisissant portait d’un tueur à gages El Sicario , Room 164 ( 2010) s’est penché cette fois-ci sur les marginaux qui peuplent les alentours du GRA ( Grande Raccordo Annulare ) , le périphérique de près de Soixante Dix Kilomètres qui ceinture la capitale Romaine. Un Documentaire passionnant et original qui a remporté le prestigieux Lion d’Or de la Mostra de Venise 2013. A voir …

Si les Cinéaste Italiens se sont souvent penchés sur le fameux périphérique de la Capitale pour en faire le théâtre emblématique d’une certaine vie moderne où aux abords de la cité et autour de ce lieu et des bidonvilles voisins , la marginalité s’y exprimait à l’image des héros de Accatone de Pier Poalo Pasolini (1961 ). Cet axe périphérique, théâtre spectaculaire et symbolique d’une circulation chaotique fustigée par Luigi Comencini dans Le Grand Embouteillage ( 1978) ou Fédérico Fellini dans Roma (1972 ) , était aussi le lieu autour duquel se concentraient les humeurs et révoltes d’une population exclue poussée vers les marges de la ville , et y avait construit leurs propres univers . De cette périphérie qui a changé et évolué dans une sorte de repli rendu encore plus inquiétant par son isolement géographique et les « signes » d’une sorte d’anarchie, qui, à l’image de cette séquence où l’on emprunte une route qui tourne en rond et ne va nulle part , semble traduire au travers des fantômes qui le peuplent , la singularité de ce Noman’s land de rescapés et d’une faune hétéroclite dont les existences traduisent la quête d ‘un impossible …où les envolées poétiques de destinées dont les fragments de vie proposés reflètent une certaine déconnexion avec le réel , comme le souligne cette femme d’une immeuble moderne entouré de villas dans un veste espace isolé a quelques encablures du « périph » . Flanquée à la fenêtre avec une amie en visite elle lui brosse le portrait de son « cadre » de vie : « c’est mort , il n’y a pas de vie , on n’entend pas les enfants …dans les villas proches, ils se barricadent , ils ont peur… », dit-elle . Désespérant …

Et Gianfranco Rosi , dans cet immeuble de cette banlieue abandonnée à elle- même ,il nous y fait pénétrer en voyeur ( à la Hitchcock) , par la fenêtre dont ils filme les habitants de l’extérieur , comme s ‘il voulait – belle idée – s’insinuer au cœur de leurs Univers invisibles. Pour tenter de raconter des bribes de leurs histoires intimes , comme aussi, celle du vieil homme barbu et aristocrate Piémontais, sorte de « sage » plein de d’humour et d’humanité qui vit avec sa fille dans un studio , et dont on nous fait partager les instants des conversations et de petites disputes quotidiens. Des individus dont l’isolement est entretenu par la mise en scène qui ne fait pas le contre-champ de leur regard vers cet extérieur dont leurs conversations nous renvoient , seulement l’image. Gianfranco Rosi s’appuie à plusieurs reprises sur cette position qui permet d’offrir aux individus et à leurs mots, la force de la confidence et celle du témoignage qui n’a pas besoin d’être soulignée. Il leur donne une authenticité qui témoigne, en fait , de cette volonté qui est la sienne de rechercher avant tout ce qui en fait des personnages révélateurs d’une certaine forme de vérité et qui , ici , sont les révélateurs de l’identité de ce Sacro GRA , ce paysage qui est partie, et en même temps , reflète leurs Histoires … comme celle , émouvante , de cette vieille femme seule dans son appartement qu’un jeune homme ( son fils ? ) console avant de partir au travail et qu’elle tente de retenir désespérément.

Et cette histoire est, aussi celle des saisons qui se succèdent, celle des paysages et des lieux , et celle de l’asphalte de cette grande boucle urbaine où un ambulancier patrouille pour porter secours à un clochard tombé dans un fossé de drainage et sauvé de la noyade . Ou à cet automobiliste sorti miraculeusement indemne d’une excès de vitesse qui a fracassé sa voiture contre les rampes de sécurité, et qui, inconscient d’avoir échappé à la mort demande « s’il peut aller travailler demain ! ». Il y a cette scène hallucinante de l’embouteillage provoquée par la tempête de neige de 2012 qui fit disparaître l’asphalte et immobilisa les véhicules pendant des heures dans un silence glacial à laquelle fait écho la séquence d’un cimetière à flanc de colline don t les tombes sont recouvertes d’un épais manteau blanc . Il y a également ces brebis qui paissent tranquillement sur une terrain vague, tout près de l’autoroute . Et , puis il y a , complétant une belle galerie les deux personnages inoubliables du dernier pêcheur d’Anguilles de Rome qui les pêche à l’ancienne, et qui peste contre les importations d’anguilles « qui viennent polluer avec leurs microbes », les races locales dont les eaux du Tibre sont le berceau !. Et, il y a, ce botaniste Spécialiste des Palmiers qui , flanqué de son matériel à ultrasons et d’une panoplie d’insecticides , mène une lutte sans merci contre les charançons rouges qui colonisent puis détruisent, les palmiers plantés le long du GRA . Mais , Il y a encore bien d’autres personnages que vous aurez loisir de découvrir en allant voir ce magnifique documentaire justement récompensé au festival de Venise.
( Etienne Ballérini)
SACRO GRA – de Gianfranco Rosi – 2013 –
Interprété par des personnages réels
Directeur de la Photographie : Gianfranco Rosi.
Ingenieur du son : Stefano Grosso, Riccardo Spagnol , Giuseppe d’Amato et Gianfranco Rosi.