ALL ABOUT ALBERT de Nicole Holofcener.
Autour de la rencontre d ‘un couple de quadras divorcés que les échecs ont rendus aigris et solitaires, la réalisatrice nous convie à une jolie comédie douce-amère sur la quête d’une possible nouvelle chance , au cours de laquelle les codes et les quiproquos du vaudeville servent de ressort, pour tenter de percer à jour la sincérité de l’autre … au risque de le perdre. Servi par de magnifiques comédiens , James Gandolfini et Julia Louis-Dreyfus et Catherine Keener .

C’est le cinquième film de la réalisatrice qui fut assistante de production puis monteuse de Woody Allen qui s’est lancée dans la réalisation et s’y fait remarquer par ses courts, puis son premier long ( Walking and Talking/ 1996) au Festival de Sundance qui lui ouvrira les portes également de la télévision où elle réalise des épisodes de séries dont Sex and the City et Six feet Under, tout en poursuivant ses réalisations de Cinéma.
Son passage aux séries Télévisées lui fait côtoyer de nombreux comédiens dont James Gandolfini le Tony Soprano rendu célébrissime par la série Les Soprano dont c’est ici le dernier rôle ( décédé en Juin 2013 des suite d’une crise cardiaque ) , ainsi que Julia Louis – Dreyfus également une des vedette de séries ( Les Seinfeld , Veep) , appréciée pour ses talents comiques . Ce sont ces deux interprètes qu’elle a choisis pour leur offrir les rôles de ces deux divorcés solitaires, ballottés par la vie et qui hésitent à se lancer dans une autre aventure sentimentale dont pourtant l’irrépressible attirance ne fait aucun doute . On retrouve également au générique son actrice fétiche , Catherine Keener présente dans la plupart de ses films, ce qui permet à la cinéaste de s’appuyer sur un casting souhaité, pour offrir au spectateurs cette dimension nécessaire au récit d’une complicité entre comédiens qui apporte un véritable plus, tant il est évident que l’osmose au tournage, semble avoir été parfaite.

La Cinéaste dont la tonalité de la comédie douce-amère héritée du Woody Allen de Hannah et ses sœurs ( 1986) ou Annie hall (1977 ) , conjuguée avec un regard attentif dont ses films traduisent souvent une approche subtile des problèmes du monde féminin que l’on retrouve ici. Mais , et c’est sans conteste la belle idée du film , de la confronter au travers du vécu d’une même déconvenue ( la séparation difficile ) à celle d’un personnage masculin, dont la volonté d’engagement dans une nouvelle aventure sont contrecarrés par – au delà des arguments déjà cités – une certaine gène ressentie envers un corps dont l’embonpoint ne lui facilite pas, l’intimité avec l’autre .
Eva et Albert, donc, se rencontrent à une soirée mondaine où ce dernier la drague et insiste pour décrocher un rendez-vous . A cette soirée Eva , rencontre aussi Marianne ( Catherine Keener) poète de renom à la recherche d ‘une masseuse de métier, et qui deviendra sa cliente. Eva ne sait pas que Marianne a été la femme d’Albert dont il est aujourd’hui divorcé .

Les codes du Vaudeville , suivis des multiples quiproquos , vont se déclencher lorsque la relation entre Albert et Eva prend forme , et que, cette dernière encore hésitante à s’engager, va chercher à profiter des confidences de Marianne qui ne cesse de dénigrer son ex-mari … même , quand elle finit par réaliser qui elle est !. On vous laissera découvrir les conséquences.

C’est dans ces moments là, que la cinéaste réussit à faire sourdre au cœur des quiproquos servis par d’excellents dialogues, une certaine détresse distillée par les accents cruels que cette situation provoque y compris chez les proches d’Eva et Albert dont , en premier lieu, leurs filles respectives ballottées dans un tourbillon dont les adultes empêtrés ne savent pas eux-mêmes comment s’en sortir ! . A L’image d’une Eva, qui a bien du mal à se justifier d’avoir continué , sachant la vérité , à jouer le trouble- jeu des confidences de Marianne sur l’échec de sa liaison avec Albert !. La sidération de l’humiliation ressentie à s’être prise à son propre piège , est rendue avec un naturel désarmant par Julia Louis-Dreyfus . La cinéaste nous offre, aussi , en écho à celle-ci et aux maladresse d’Eva, le ressenti de la souffrance toute en retenue et en silences d’Albert , servis par un James Gandolfini qui en don e une dimension d’autant plus émouvante qu’elle remet en cause les réticences qu’il avait fini par mettre de côté au jour le jour grâce au parfum de possible renouveau que lui offrait cet amour naissant dans lequel il avait fini par se laisser apprivoiser … une humiliation rendue d’autant plus cruelle par ce comportement d’une excessive méfiance dont Eva, ne sachant pas arrêter l’engrenage, à fait preuve envers lui , par cette « intrusion » , dans sa vie privée et son passé .

Ce sont, au bout du compte, les humiliations de l’une et de l’autre que la cinéaste explore habilement comme une sorte de parcours à handicap dont le but à atteindre est de savoir, si on se mérite vraiment.
C’est la gestion de cette dernière épreuve à traverser qui peut y mener , que la cinéaste explore en finesse et en interrogations ( sur les raisons qui y ont conduit )
dans un final où la réalisatrice , en miroir des codes du Happy-End, va s’amuser à tisser , en demi-teinte , la toile d’un jeu subtil du chat et de la souris, dont on vous laissera découvrir l’issue …
(Etienne Ballérini )
ALL ABOUT ALBERT de Nicole Holofcener – 2014- Usa –
Avec : James gandoldini , Julia Louis -Dreyfus, Catherine Keener , Toni Colette , Tavi
Genvinson, Ben Falcone , Tracey Fairaway, Eve Hewson