MONUMENTS MEN de George Clooney.
Experts en art ou historiens , ils sont chargés par le président Roosevelt , convaincu par la demande de l’un d’entre eux, d’aller en Europe en cette fin d ‘année 1944 pour tenter de récupérer les milliers d ‘œuvres d’art volées que les Allemands, battant en retraite sous la menace des Alliés , veulent détruire . Inspiré de faits réels et adapté du roman de Robert Edel , le film est un plaidoyer sur la nécessité – le devoir – de préserver de la barbarie destructrice, cette mémoire du monde et des civilisations et trésor artistique de l’humanité, que constituent les œuvres d’art …

La séquence du pré-générique pose d’emblée les enjeux qui seront ceux des futurs « mercenaires » chargés de se rendre en Europe et d’aller à la recherche des lieux secrets dans lesquels sous les ordres du Führer les oeuvres d’art pillées chez les particulier ou dans les musées, ont été acheminées et entreposées dans des lieux secrets un peu partout en Europe . Une mission périlleuse parce qu’il va falloir à ces personnes non formées au combat , défier les lignes ennemis qui battent en retraite laissant derrière elle, un champ de ruine . Une mission sur laquelle se retrouve interpellé l’initiateur de celle-ci par les spécialistes militaires qui n’en mesurent pas l’importance « l’Art vaut-il la vie d’un homme ? » , demandent -ils à Frank Stokes ( George Clooney ). Ce dernier qui pourtant s’évertue, sur le terrain , face à la défiance des chefs responsables des opérations militaires qui n’en mesurent pas l’intérêt , d’expliquer qu’elle est partie intégrante du combat militaire , car « détruire une civilisation en détruisant sa mémoire » est , dans l’esprit de l’ennemi , l’arme qui conduit à la solution finale,. Comme le montrent les séquences des saisies ( bagues , dents en or …) en vue de l’extermination, dont provient une partie du magot caché dans une vielle galerie de mine .

On sait George Clooney très attaché à une certain engagement et une forme d’intégrité artistique dont se font écho ses films : Good Night and Good Luck (2005) sur une certaine dérive du journalisme moderne , ou encore , Les Marches du pouvoir (2011) sur le cynisme politique moderne. On le sait aussi attaché à ce cinéma Populaire héritage des anciens dont ses réalisations se font l’écho s’inscrivant dans une tradition du cinéma Américain dont on retrouve , ici, l’esprit par exemple de Le Train de John Frankenheimer ou de Les Douze salopards de Robert Aldrich . Ici le Mercenaires sont Sept ( clin d’oeil à Akira Kurosawa et Sturges/ Les Sept Mercenaires ) chargés de retrouver le butin caché. S’inscrivant dans l’esprit du genre avec leurs particularités à l’image de celle du Français qui veut se rendre utile, Jean Claude ( Jean Dujardin) , et (ou ) de leur idéalisme au service d’une cause , au cœur de laquelle se tissent et se raffermissent les liens, et dont le sacrifice consenti , mesure à la fois l’engagement, mais aussi, ce sentiment de solidarité dont George Clooney joue avec une certaine habileté , l’habillant de la tonalité de la comédie et de la complicité ( la scène où Matt Damon / James Granger se retrouve le pied sur une mine ) , ou encore , du romanesque habillé d’une certaine ironie dans les scènes où Matt Damon, encore lui , cherche à convaincre Claire Simon ( Cate Blanchett ), de lui confier les documents devant permettre de retrouve le lieu secret où ont été cachées certaines œuvres d’art dont la valeur est inestimable . Par ailleurs , bel hommage au personnage inspiré de la résistante Rose Vaillant qui a permis de retrouver d’innombrables trésors grâce à son minutieux travail de consigne sur son carnet .

Alternant gravité et légèreté George Clooney offre de jolis moments qui permettent au spectateur de sa familiariser avec cette bande de Mercenaires humanistes plongés au coeur d’un conflit dont ils ne mesurent pas les dangers , ni les coups et épreuves qu’ils vont devoir affronter. Ce dernier en profite pour nous servir quelques séquence au cœur desquelles ils vont révéler leur singularité au sein du groupe, mais aussi se définir par rapport à un engagement pour lequel ils savent qu’ils risquent leur vie. Et George Clooney le laisse sourdre avec une jolie pudeur à l’image des séquences où l’acharnement à retrouver certains trésors ( le retable , la madone ) renvoient à l’hommage rendu aux copains , qui eux sont tombés , sans y parvenir . Des scène émouvantes dont témoigne aussi celle où Stokes présentant à Sam Epstein ( Dimitri Leonidas ) ce tableau retrouvé de Rembrandt qui l’ obsède et , qu’en voisin, il n’a jamais pu voir contraint de fuir précipitamment le pays. L’efficacité voulue de l’aspect humain , est servie par une constante volonté de se détacher de l’héroïsme et d’une certaine forme de triomphalisme trop souvent affichée par le cinéma Américain .

La mise en scène dans son classicisme populaire soigné ( les scènes de reconstitution des combats , dans les studios Allemands de Babelsberg) , et, par son regard sur l’humain, comme par tout ce qui est constamment présent en toile de fond sur l’importance de préserver les trésors de l’Art , renvoie à la même réflexion et problématique interrogative ( et si, cela s’était produit ? ) qui est également au cœur du récent Diplomatie de Volker Schlöndorff ( référencé sur notre site ) sur la menace de la destruction de la capitale Française .
Mais , s’il rend hommage à cette mission mal connue dont les Mercenaires de l’art ont permis de sauver des millions de documents et d’œuvres artistiques afin de les restituer, aux musées ou aux propriétaires, qui en ont été pillés , George Clooney ne se prive pas pour autant de fustiger le peu d’ intérêt que , hormis le président Roosevelt , les chefs militaires d’alors manifestèrent pour cette Mission. Comme l’illustre la réplique « ils se fichent pas mal de l’art , ce qui les intéresse c’est l’argent !», lance Stokes lors de la cérémonie où le gotha des chefs réunis est venue fêter … la prise du trésor de guerre ( les lingots d’or ) découvert dans leur recherche par ses hommes !.
Lingots d’or et trésors de Vermeer, Renoir , Picasso , Miche-Ange …et autres milliers d’artistes confrontés ainsi au cœur de l’apocalypse dans l’éternel débat sur l ‘art et l’argent. Quand le cinéma populaire ne perd pas le sens de la réflexion ,nous on aime !.
(Etienne Ballérini
MONUMENTS MEN de George Clooney .- 2014, Usa-
Avec : George Clooney, Matt Damon, Bill Muray , Cate Blanchett , John Goodman, Jean
Dujardin, Hugh Bonneville, Bob Balaban, Dimitri Leonidas ….