DIPLOMATIE de Volker Schlöndorff
D’après la pièce de Cyril Gély, la destruction de Paris sur ordre d’Hitler au derniers jours de l’Occupation en 1944, déclinée en un superbe huis- clos en forme de suspense , entre le Gouverneur Nazi de Paris et le consul de Suède qui va tenter de le dissuader d’ obéir aux ordres. Autopsie, à fleurets mouchetés sur devoir et question morale , basculement entre obéissance et désobéissance , servie par deux comédiens qui lui offrent la dimension d’une tragédie morale …

Lors de la débâcle dans la nuit du 24 au 25 Août 1944 , la capitale Française devait être détruite et rayée de la carte selon la volonté d’Adolphe Hitler qui voulait laisser devant l’avancée des troupes alliées et la lutte des résistants, un champ de ruines. Dans la célèbre superproduction internationale Paris Brûle-t-il ? ( 1966) , René Clément avait traité le sujet en une sorte de fresque épique sur le mouvement de Libération et de Résistance . Ici, le champ épique de la lutte extérieure se retrouve quasiment hors-champ pour donner lieu à ce huis-clos de la rencontre au cours de laquelle le consul de Suède en poste à Paris, Raoul Nordling ( André Dussollier ) , est chargé en tant que représentant d’une puissance neutre de tenter d’infléchir la décisions du Général Von Choltitz ( Niels Arestrup ) dont la longue carrière et le passé dans l’armée en ont fait un exécuteur d’ordre réputé inflexible. Le cadre de la rencontre dans la chambre d’hôtel du Palace Parisien réquisitionné est donc le « lieu » théâtral d’un espace-temps au cours duquel l’échange des arguments et raisons opposés, dont la Diplomatie du titre indique bien, l’enjeu de la partie d’échecs qu’il représente : faire triompher la voie de la raison et sauver Paris de la destruction…

L’argument de la fiction théâtrale de la Pièce de Cyril Gély basée sur des faits et protagonistes réels , est de mettre en place le huis-clos des éléments révélateurs d’une nuit de négociations au cours de laquelle l’histoire , et le destin de la Capitale , auraient pus basculer. Un huis- clos synthétisant pour les besoins de la dramaturgie, les rencontres qui ont eu lieu à plusieurs reprises entre les deux hommes, dans la réalité. Le défi pour les auteurs ( Cinéaste et auteur de la pièce collaborateur à l’adaptation ) était de rendre palpables, le suspense des enjeux et les raisons de la tragédie qui est en train de se jouer, alors que le spectateur en connaît le dénouement . Et c’est dans cette optique que les choix des auteurs et les éléments de la fiction dans laquelle ils déroulent leur propre stratégie dramatique, est passionnant à plusieurs titres .
Ce choix est en effet la belle idée du film qui se décline sous plusieurs facettes , offrant le miroir possible d’un futur auquel la capitale Française à échappé. En filigrane il y a cette réflexion constamment présente dans les échanges entre les deux hommes et notamment dans les arguments du Consul de Suède faisant référence à la fois à la dimension de la tragédie , historique ( les monuments ) et humaine ( les deux millions de possibles victimes ) à laquelle, l’ordre exécuté pourrait conduire . Ce point de vue en référence et perspective d’un dénouement possible renvoyé au spectateur dont la belle idée de mise en scène est d’organiser au cœur des échanges des arguments, la constante ouverture ( via fenêtres et balcons) vers cet extérieur encore débout dont les bruits , les lumières et la tour Eiffel notamment en point de mire, sont les symboles . Et si cela s’était produit ?, résonne sans cesse aux spectateurs, en écho des échanges entre les deux hommes ….

Il y a aussi, cette belle idée de l’anecdote de la Liaison de Napoléon III et d’une actrice dont le rendez-vous secret et les ébats amoureux avaient lieu dans cette chambre de l’Hôtel Meurice dont le gouverneur Allemand a hérité . Le clin-d’oeil, faisant référence à l’histoire de la capitale , via son « ventre » de réseaux de communications souterrains, n’est pas anodin puisqu’il renvoie à l’autre forme de secret que revêt ce combat clandestin de l’ombre que la Résistance a fait sien pour lutter contre l’occupation. Et, il y a enfin, au cœur de ce rendez-vous diplomatique nocturne, la réflexion et le débat entre deux conceptions d’un certain devoir qui renvoie à la question morale en réponse à laquelle, finalement Choltitz acculé par les arguments du Suédois l’interpelle « et vous qu’auriez-vous fait à ma place ? ». Car cet officier qui n’envisage pas la désobéissance aux ordres et qui se révèle inflexible aux arguments humanistes de son vis à vis, lui renvoie les destructions des villes Allemandes par les Alliés , mais se retrouve- aussi- face à un dilemme personnel . La droiture politique de l’un et de l’autre au scalpel du miroir réfléchissant de deux conception de la stratégie . Mais au delà de la partie d’échecs des arguments que chacun avance avec ses feintes, esquives ou anticipations, il y a aussi le poids de la dimension humaine qui renvoie à l’interpellation de Choltitz dont la désobéissance aux ordres exposerait sa famille aux représailles. Ce dernier dont l’obéissance aveugle aux ordres est ancrée dans le gènes d’une famille au passé militaire, va en découvrir la dimension corrective de la punition qu’il encourt, et dont il se retrouve ^tre devenu , l’ otage !.

Dans cet enjeu de diplomatie qui se déploie sous la forme d’attaques et de ripostes en un duel jubilatoire, André Dussollier subtil et félin et Niels Arestrup faisant sourdre l’humain derrière le masque de l’inflexibilité, sont admirables . Et la mise en scène de Volker Schlöndorff qui habille son apparent classicisme d’une beau travail sur le hors-champ ( les échos de la Capitale , l’évocation du ventre de Paris , l’insurrection finale ) au cœur d’un huis-clos où les personnages sont serrés ( traqués) au plus près par des mouvements de caméra et un découpage très « cut » des scènes dialoguées dont le rythme est en total contrepoint du théâtre filmé .

Enfin, Volker Schlöndorff qui fut formé à l’ HIDEC ( école de Cinéma ) à Paris , ex-assistant de Louis Malle, et qui deviendra une des chefs de file du nouveau cinéma Allemand des années 1970 ( avec Alexander Kluge, Wim Wenders, Werner Schroeter , Werner Herzog et Rainer Werner Fassbinder ) dont les films ont souvent évoqué cette période tragique de leur histoire. Volker Schlöndorff fervent francophile ( il a adapté Marcel Proust Un Amour de Swann / 1984 ) dont la filmographie n’ a cessé d’ explorer l’histoire de son pays , et la période du Nazisme ( Le tambour / 1979 , Le Roi des Aulnes / 1996 , le Neuvième Jour /2004 , La Mer à L’aube / 2012 ), y revient ici, avec cette emblématique soirée dont la dimension de l’enjeu qu’elle revêt pour lui , à , ce quelque chose d’inimaginable …qui aurait sans doute modifié son propre avenir, puisque si cela s’était produit , il aurait rendue impossible sa formation cinématographique dans notre capitale , et changé sa vie !. Autant dire que le tournage de Diplomatie est tout pour lui , sauf un hasard …
(Etienne Ballérini)
DIPLOMATIE de Volker Schlöndorff- 2014- d’après la Pièce de Cyril Gély.
Avec : Niels Arestrup, André Dussollier , Burghart Klaussner, Robert Stadlober, Charlie
Nelson, Jean-Marc Roulot ….
[…] dans un Paris nocturne contemporain. Ciné+ Club à 20h50. Redif le 5/5 et le 7/5.Mercredi 5 mai : Diplomatie de Volker Schlöndorff (2014) avec Niels Arestrup et André Dussollier. Arte à 20h50. Puis : […]