Cinema / Disparition , Alain RESNAIS

Alain Resnais ( 1922 – 2014 ), un grand maître du cinéma s’est éteint .

De ses débuts en courts métrage et documentaires dont  Nuit et Brouillard sur les camps d’extermination , en passant par Hiroshima mon Amour , La guerre est finie, Providence, Mon Oncle d’ Amérique , Smoking /No Smoking , On connaît la chanson et jusqu’à   Vous n’avez encore  rien vu ( 2012 ), Alain Resnais aura arpenté les formes et les genres – Théâtre, musique , Cinéma , Bande dessinée, littérature  – et inscrit son regard sur l’art et le monde au cœur d’une œuvre aussi magnifique que magistrale,  hantée par la mort et dans laquelle la vitalité et la légèreté s’inscrit jusque dans son dernier film Aimer , boire et chanter, qui sortira très bientôt sur les écrans …

Alain Resnais - Une des dernières  image s du cinéaste  en  tournage
Alain Resnais –
Une des dernières images du cinéaste en tournage

C’est une œuvre d ‘une richesse exceptionnelle que nous laisse ole cinéaste dont nous allons tenter humblement , d’arpenter pour vous,   l’analyse des inspirations dont elle se fait le reflet de thèmes , et surtout, d’une incessante volonté créatrice cherchant à renouveler les formes traditionnelles du récit cinématographique : « dans tous mes films j’essaie quelque chose », disait-il. Et cette volonté s’inscrit dès le début dans ses courts métrages et documentaires que le natif de Vannes, qui s’est formé à l’HIDEC ( Ecole des Hautes Etudes Cinématographiques), réalisera dès la fin de la seconde guerre Mondiale . Des courts , dont certains de commande , où déjà il s’attache à explorer les formes au travers de sujets comme dans le célèbre  le Chant du styrène (1958) commande du groupe Pechiney destinée à vanter les mérites du Polystyrène , et dont il construit un récit à rebours pour remonter à la naissance de la matière . Avec son célèbre Nuit et Brouillard (1955) , réflexion sur la barbarie , il alterne documents d’archives et images en couleurs où la voix- off de Michel Bouquet sur une texte de Jean Cayrol , interpelle le spectateur. Comme il le fera également dans le magnifique Toute la mémoire du monde ( 1956) tourné au cœur de la bibliothèque Nationale ,et ses trésors porteurs de la culture.

l'Affiche  du  film  Nuit et Brouillard
l’Affiche du film Nuit et Brouillard

La richesse de son œuvre si elle est le fruit de toutes ces richesses là,  elle est aussi le fruit d’une forme de collaboration dont le cinéaste s’est entouré de fidèles qui l’ont accompagné et qui au fil du temps s’est enrichie et  renouvelée . Un travail de troupe comme celle du théâtre dont il a toujours été un admirateur et dont il a perpétué la méthode au cinéma, en s’entourant de collaborateurs qui dans tous les secteurs du travail de plateau , ou , à la production ( Anatole Dauman , Jean louis Livi , Marin karmitz ), l’ont accompagné dans l’aventure. Parmi eux,  on retiendra les apports successifs la photographie des  opérateurs : Sacha Vierny , Jean Boffety, Ricardo Aronovitch , Bruno Nuytten, Renato Berta et Eric Gautier sur ses derniers films. Au montage,celle  de Hervé De luze.                      Au scénario, en dehors des écrivains cités , celle de Jean Gruault ou d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri.  Aux décors,  du fidèle Jacques Saulnier, et de Enki Bilal pour La vie est un Roman . Quant’à celles des comédiens elle constitue l’un des plus beaux génériques de cinéma, à commencer par Emanuelle Riva, Delphine Seyrig, Yves Montand, Ingrid Thulin, Claude Rich , Bernard Fresson , Jean Paul Belmondo, François Perier, Dirk Bogarde , John Gilgud , Michel Piccoli, Annie Duperey … auxquels ont succédé les nouvelles générations : Gérard Depardieu, Lambert Wilson, Fanny Ardant , Mathieu Amalric, Anne Consigny , Emmanuelle Devos , Sandrine Kiberlain aux côtés du fidèle trio          ( Sabine Azéma , André Dussolier et Pierre Arditi ) qui a  accompagne le cinéaste depuis les Années 1980  dans la grande  majorité de ses films.

Emmanuelle  Riva  et  Eiji  Okada  dans   Hiroshima  mon Amour
Emmanuelle Riva et Eiji Okada dans Hiroshima mon Amour

Son passage au long métrage avec Hiroshima mon Amour (1959) constitue un événement par la modernité d’une mise en scène qui épouse doublement les nouvelles formes de la narration dans sa modernité d’écriture et de montage,  à laquelle s’ajoute celle de l’apport de l’écriture littéraire incarnée par la collaboration au scénario de Marguerite Duras. L’expérience sera encore portée plus loin par le fascinant et envoûtant L’Année dernière à Marienbad (1961- Lion d’or à La mostra de Venise ), d’après un scénario du chantre du nouveau roman , Alain Robbe Grillet. Le retentissement des deux films et leur succès public ,  élèvent Alain Resnais au rang des grands cinéaste mondiaux dont la créativité sera un modèle et une inspiration pour les générations futures , en   même temps que celles de la nouvelle vague naissante. Alain Resnais devient désormais un incontournable du cinéma français dont les films sont régulièrement présents dans les grands Festivals internationaux ( Venise , Berlin , Cannes) et y remporteront des récompenses . En France le prix Louis Deluc le récompense à trois reprises, ainsi que les Césars ( 8 nominations et 3 Césars pour Providence (1978) , Smoking/ No Smoking (1994) , On Connaît la Chanson /1998 ) .

Yves  Montand  dans  la  Guerre  est  Finie
Yves Montand dans la Guerre est Finie

Alain Resnais cet homme cultivé et amoureux de tous les arts,  y compris ceux considérés comme populaires ( Bande dessinée , comics ) ne cessera dans ses films d’y faire référence , de la même manière que l’homme , l’humaniste engagé y manifestera ses inquiétudes et convictions dont porteront le témoignage outre ceux déjà cités , son Muriel ou le temps d’un retour(1963) qui évoque la guerre   d’ Algérie et  La guerre est finie ( 1966) d’après Jorge  Semprun,  évoquant la lutte anti-Franquiste en Espagne.  Il sera du film Collecif contre la guerre au Vientnam ( Loin du Vietnam (1968) . Tandis que Stavisky (1978) , évoque les scandales financiers sous la troisième République.
Et cette culture tous azimut qui  n’a cessé de le passionner, sera le moteur d’une œuvre dont l’équivalent éclectique n’a sans doute pas d’égal . Elle se poursuivra avec des explorations de genres ou des collaborations scénaristiques comme celle de Jacques Sternberg pour l’étonnant voyage dans le temps de Je t’aime, Je t’aime ( 1968 ) ou   encore ce voyage lors d’une nuit d’ivresse,  entre fantasmes et réalité, au cœur d’une famille dans Providence  (1977),  inspiré par le célèbre écrivain Américain de romans fantastiques et de science-fiction H.P Lovecraft ,  avec un Dirk Bogarde magistral.               Tandis que les thèses antropologistes d’ Henri Laborit lui inspireront une jolie comédie didactique en forme de confrontation des classes sociales dans Mon Oncle d’Amérique (1980) qui remportera un gros succès commercial.

André  Dussolier  et Laura  Morante  dans  Coeurs
André Dussolier et Laura Morante dans Coeurs

Le thème de la temporalité sur un scénario de Jean Gruault sera encore au cœur de La vie est un Roman ( 1983 ) où, au cœur de trois récits qui explorent  ceux  de l’éducation, de la quête de l’amour et du bonheur,  où s’inscrivent des ruptures « enchantées » qui annoncent On connaît la chanson et autres digressions  futures plus légères du cinéaste.  La gravité reste en effet encore présente avec les atmosphères intimistes de L’amour à mort ( 1984 ) et  de Mélo ( 1986 ) adapté d’une pièce d’Henri Bernstein, où,  compromis , échecs et spectres de la mort envahissent les destinées. Mais comme toujours chez le cinéaste et sans doute plus que jamais avec l’âge qui avance , c’est l’énergie et la légèreté qui prennent le pas avec ce voyage I Want to go home ( 1989 ) ludique en hommage à la Bande déssinée . Puis , un  retour  à la gravité  avec  Smoking / No Smoking   (1993) du côté du dramaturge Anglais Alan Aykbourn   avec  de saynètes explorant les déboires de la vie dans un décor   théâtral d’extérieurs stylisé  où  deux comédiens( Pierre Arditi et Sabine Azéma) jouent plusieurs personnages ordinaires dont les destinées sont confrontées au hasard et aux désillusions.

Une  scène de  Vous n'avez  encore  rien  vu   ;  de  gauche  à  droite :
Une scène de Vous n’avez encore rien vu .    de gauche à droite :  Lambert  Wilson, Anne  Consigny, Mathieu Amalric,  Sabine Azéma,  Pierre  Arditi .

Et   la   légèreté  à  nouveau  avec cette comédie enchantée par les tubes populaires Français d ans On connaît la chanson ( 1997)  faisant écho à l’humour d’un certain théâtre de boulevard qui trouvera son prolongement dans Pas sur la Bouche ! ( 2003), où cette fois-ci,  c’est l’opérette et la vaudeville qui seront au rendez-vous du succès public.
Le goût du changement de registre Alain Resnais le poursuivra jusqu’ à son dernier souffle n’arrêtant pas de tourner malgré les signes de faiblesse physique , mais toujours l’esprit en éveil pour ses derniers chef d’oeuvre: Coeurs (2006 ),  Les Herbes folles ( 2009 ) et Vous n’avez encore rien vu ( 2012 ) où respectivement   se  retrouvent  cœurs solitaires , amours folles et convocation post-mortem de ses comédiens par un auteur dramatique pour juger la nouvelle version de sa pièce… comme un signe du destin , c’est le public qu’ Alain Resnais va  convier pour la vision post-mortem de son dernier film pour l’inviter à  Aimer, boire et chanter !. Monsieur Resnais soyez- en sûr , vois fidèles seront au rendez-vous…
(Etienne Ballérini )

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3 commentaires

  1. Si j’ai appris à aimer le Chablis, c’est grâce à Sir John Gielud dans Providence. Je vote pour des funérailles nationales
    Signé :
    Le sanglier inhibé

  2. L’avantage du cinéma, c’est que leurs auteurs ne disparaissent jamais complètement. Agréable rémanence, utile rappel.

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