DALLAS BUYERS CLUB de Jean Marc Vallée .
Dans l’Amérique des Années 1980 au début du fléau du Sida , un malade en phase critique cherche à survivre en affrontant les instituts de recherches et les « lobbies » qui freinent l’utilisation de médicaments alternatifs n’ayant pas leur agrément. Un film- dossier efficace et un combat la vie qui révèle , en même temps que les dessous des enjeux économico- politiques face à un nouveau fléau , les tabous et les préjugés sur une maladie qui pose la question de la tolérance et du regard sur la différence…

Il s’appelle Ron Woodroof ( Matthew McConaughey , impressionnant ) , il est électricien et participe a de Rodéos, et il mène aussi une vie dissolue ( sexe , drogue et rodéos …) dans laquelle il se fond sans retenue , comme s’il était indestructible. Jusqu’au jour où un malaise et une prise de sang de contrôle qui suit , révèle les traces inquiétantes de cette nouvelle maladie qui attaque le système immunitaire et sur laquelle il n’y a encore aucune possibilité de traitement efficace. Le « il vous reste trente jours à vivre » qu’on lui assène, il l’évacue d’un revers de mains , lui, l’hétéro qui avec ses amis se moque souvent des « tapettes » , il n’imagine pas une seconde qu’il puisse être atteint de cette maladie qui frappe , dit-on , les milieux Gays et qui , avec les révélations de Rock Hudson , fait la une des Médias « c’est pas possible, il y a eu échange des prises au labo ! » , s’insurge-t-il , refusant d’être relégué par le corps médical , au rang de ceux qu’il fustigeait . Mais la réalité est là et bien là . Et au travers de ce qui sera son parcours de combattant , elle va mettre en lumière bien des éléments sur un système de recherches et de soins concernant les nouvelles maladies, auquel Ron Woodroof va être confronté, en même temps qu’aux préjugés qui s’y attachent, qui rendent le récit et le film d’autant plus efficace, qu’il s’agit d’un témoignage et d’une histoire vraie…

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Le réalisateur Canadien révélé par le succès de C.R.A.ZY ( 2005 ) s’attache ici dans son premier film Hollywoodien , à construire autour de l’histoire de son héros, un film -dossier qui va devenir révélateur d’un combat individuel pour la survie qui va prendre la dimension d’un combat collectif dont le système de coopérative des « Buyers Clubs » mis en place par Ron Woodroof , proposant des médicaments alternatifs, va se faire le révélateur d’un urgence de soins et des carences ( et réticences ) officielles pour les mettre en place. Tandis qu’en toile de fond , c’est aussi le portrait d’une Amérique profonde qui se décline avec ses préjugés dont Ron Woodroof, bon vivant et « beauf » qui en était en quelque sorte le reflet personnifié, va devoir dans son combat affronter à son tour les « quolibets » . En découvrant l’envers du décor et la réalité du rejet ( la superbe séquence où ses amis d’hier ayant appris sa séropositivité , lui tournent le dos ) , il va se redécouvrir lui-même et transformer l’énergie de sa démesure d’hier en une énergie pour la vie , l’entr’aide et la tolérance. Puisant dans le rejet , cette énergie rebelle qui lui permettra d’accompagner dans le long chemin de la souffrance et de la dignité , des milliers de malades délaissés par une société étriquée . Celle du Cow-boy qui a fait sienne une cause et qui ne lâchera la bride, qu’à son dernier souffle .

A cet égard , les multiples péripéties qui l’opposent aux autorités sont révélatrices à la fois de sa soif de vivre et de l’attitude d’une administration sanitaire qui se soucie plus des intérêts économiques que de ceux des patients et malades . Révélant les conflits d’intérêts d’une recherche scientifique dont les rivalités se reflètent au travers des autorisations et (ou ) interdictions de certains médicaments d’autres recherches concurrentes . Des intérêts qui , et c’est là le plus grave , finissent par retarder les progrès des recherches , comme l’illustrent les scènes faisant référence au débat sur l’AZT le rétrovirus administré aux malades dont les effets secondaires révèlent le danger d’un traitement inapproprié et qui sont pourtant poursuivis à cette époque là , au nom de cette logique . C’est ce qui poussera Ron Woodroof à aller à la recherche , notamment au Mexique, de ces médicaments « alternatifs » interdits , et à créer, ces centres de soins alternatifs sous forme de coopératives , objet d’une long combat contre l’administration qui s’acharne a vouloir interdire en usant de toutes les subtilités judiciaires , les expériences dans ses centres . D’autant qu’il propose au malades les soins gratuits en échange de frais d’inscription minimes au regard des sommes exagérées demandées par les institutions légales. L’aspect dossier du film est , à cet égard , passionnant dans ce qu’il révèle des freins, auquel l’avancée des recherches a été soumise du fait de cet aveuglement coupable .

Mais c’est aussi , sur le regard extérieur et sur les préjugés vis à vis d’une communauté pointée du doigt cette époque , que le film trouve une jolie dimension au travers du personnage de Ron lorsque tout à coup il se retrouve de l’autre côté de la barrière et sera l’objet du même rejet. Un rejet dont il mesure la douleur intime qui va le rapprocher de deux personnages finalement emblématiques de son nouveau combat pour la vie . Celui du Dr Eve Sachs ( Jennifer Garner ) de l’institut de soins des malades du Sida qui va s’opposer aux directives de ses supérieurs et le rejoindre dans son combat . Et puis il y a surtout le personnage de Rayon ( Jared Leto, extraordinaire ) ce jeune homme malade dont il croisé la route à l’hôpital et qui lui ouvre les portes d’une autre approche de la maladie et de la sexualité , et avec lequel une belle et sensible amitié , que Ron n’aurait jadis , jamais, pu imaginer va naître . Dans ces moments intimistes le film trouve également en parallèle de l’aspect dossier , une belle dimension servie par ses interprètes remarquables , et dont la qualité de celle de Matthew McConaugnhey ( déjà récompensé par un Amy Haward ) est dans la droite lignée de celles des comédiens « habitée » , comme par exemple , le Robert de Niro du Raging Bull de Martin Scorsese.
(Etienne Ballérini )
DALLAS BUYERS CLUB de Jean Marc Vallée ( 2014)
Avec : Matthew McConaughey, Jennfier Garner , Jared Leto, Steve Zahn, Denis O’Hare,
Dallas Roberts, Griffin Dunne…