LE LOUP DE WALL STREET de Martin Scorsese.
Portrait frénétique et survitaminé, d’un Jeune Loup de la Bourse, en forme d’une mise en abîme d’une société aliénée et gangrenée par le profit et le pouvoir de l’argent dominateur . Cette fois-ci le Cinéaste des Affranchis s’intéresse à une autre Mafia. Celle de délinquance en col blanc, dont l’addiction et le cynisme dévastateur se vautre dans une sorte de folie aux relents abjects , scénarisée comme une sorte de descente aux enfers d’une société dont ils sont les marionnettes manipulatrices . Un constat implacable sur le monde de la finance et ses valets qui précipitent le monde dans un abîme sans fin…

Décidément le cinéaste de Taxi Driver continue de surprendre en renouvelant son inspiration tout en puisant au travers des thèmes qui traversent son œuvre , leur apportant une réflexion et un regard nouveau . Plus sombre . On retrouve, en effet, dans son dernier film Le Loup de Wall Street , ses grands thémes ( la délinquance mafieuse , les rapports du pouvoir et de l’argent, le questionnement sur le cynisme et la morale ; sur le mépris de la loi ; sur la culpabilité et le châtiment … ) , examinés sous le prisme de son héros , Jordan Belfort (Léonardo Di Caprio , époustouflant ), le trader emblématique d’un nouveau pouvoir dominateur , celui de l’argent. Un système de pouvoir , en forme de pieuvre monstrueuse dont les bras insaisissables distillent le venin du profit de l’argent speculatif, avec une avidité dont la démesure névrotique trouve son unique plaisir dans
la fortune acquise au détriment de vies humaines sacrifiées… sans aucune once de regret !. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre, dès la début, le récit en Voix- Off du héros qui nous invite à suivre Jordan Belfort , dans le parcours de sa réussite . De ses débuts orchestrés par son mentor en passant pas la crise de 1987 qui le mettra à genoux et dont il se relèvera , comme le phoénix de ses cendres , pour , avec son petit cercle d’amis escrocs dont le plus proche , Donnie ( Jonah Hill ) se reconstruite sur la spoliation des petites gens … et faire, ensuite, avec sa société , Stratton Oakmont et son emblème le lion , son chemin dans la grande spéculation et le blanchiment d’argent, dans les paradis fiscaux.

Basé sur le récit du véritable Jordan Belfort le scénario du film signé Terence Winter se décline donc, dans le sillage de sa formation ( puis apogée et chute ) et de ses aventures Boursières qui vont faire sa fortune de multi-millionnaire avant la trentaine. D’emblée la séquence où on le voit , jeune débutant face à son patron- mentor , Mark Hanna ( Matthew McConaughey , ahurissant ) qui lui inculque les comportements et« codes » pour faire son chemin dans cet Univers de la spéculation et de l’arnaque, où la démesure est le nerf de la guerre qui peut s’étaler sous toutes ses coutures dans les méga-fêtes dans les somptueuse villas ou Yachts avec tous les ingrédients d’un « bling-bling » qui se vautre dans les orgies de sexe , d’alcool et drogue sans limites . Une sorte de « furia » qui emporte tout sur son passage déversant sans retenue , toute sa laideur . Celle-ci soutenue par une mise en scène – elle aussi survitaminé- qui accompagne en adéquation avec une bande-son ( Pop-Rock ) qui ne l’est pas moins, cette mise en abîme où les éléments de la comédie bouffonne, du grotesque , du dérisoire , et de la satire se retrouvent subtilement mêlés , pour offrir une sorte de sarabande des Pantins d’une certaine « high society » dont Martin Scorsese, nous donne , un portrait de haute tenue artistique . La force de la mise en scène de Scorsese c’ est d’épouser cette démesure dans la même dimension que lui offrait jadis la « Comedia dell’arte » pour conduire le rire de la comédie, vers la satire .

Et dès lors , c’est lorsque la mise en scène orchestre les dérèglements de la comédie bouffone que le film atteint des sommets dans cette satire au cœur de laquelle tout à coup les « Wonderboys » pètent – littéralement- les plombs , comme l’illustre la scène d’anthologie où Jordan et son ami Donnie, se retrouvent sous l’effet d ‘une puissant drogue à retardement, totalement décérébrés physiquement et mentalement … dans un état de folie dégénérescente . Menacés par leurs démons, les héros fortunés se retrouvent face à leur propre miroir , victimes de leur mégalomanie paranoïaque , ils sont les pitres ridicules et pathétiques de la mise en scène de leur propre farce ( les séquences où Belfort dynamise les énergies de ses employés ) qui dégénère . C’est cette déchéance que Martin Scorsese, filme dans tous ses dérèglements auto-destructeurs . Une mise en abîme à laquelle le cinéaste donne une dimension inaccoutumée par cette présence constante du grotesque dont il « habille » son personnage contraint d’en passer par là, pour affirmer son pouvoir , et, devoir séduire pour le garder. Comme de se parer de ces masques qui lui permettent de faire perdurer son pouvoir lorsqu’il est menacé … en cherchant par exemple à se faire blanchir chez un banquier suisse pourri ( Jean Dujardin) quand le fisc et le FBI Américain via son incorruptible ( Kyle Chandler ), le serrent d’un peu trop près .

Jordan Belfort est un des personnages des films de Scorsese les plus sombres, et celui, à qui le cinéaste ne semble pas vouloir accorder la plus petite part de pardon , comme le souligne un final qui ne laisse percevoir aucun doute . Le cinéaste pointe avec force son doigt accusateur sur ce cynisme criminel le reflet d’une société rendue malade par ces « manipulateurs » et « spéculateurs » avides et paranoïaques, qui y ont diffusé le venin qui l’empoissonne…annonciateur ( prémonitoire?) de la fin d’un modèle de civilisation.
A cet égard on relèvera que le cinéaste avec la complicité de son comédien fétiche Leonardo Di Caprio qui a succédé à Robert De Niro comme interprète emblématique de son nouvel univers , depuis Gangs of New-York ( 2002) en passant par Aviator (2004 ) , Les infiltrés (2006) et Shutter Island ( 2010 ), a poussé un peu plus loin encore, comme nous le disions plus haut, l’exploration des thémes de son oeurve , dont celui de la paranoia et de la folie mégalomaniaque , qui est – ici – au centre du récit, doublement symbolique , de la chute d’un héros et d’une forme de civilisation.

Le rire et la satire sont -dès lors – la seule arme qui permette de les approcher avec le recul nécessaire de la caricature qui par sa forme, stylisée , permet une lecture distanciée. Car Martin Scorsese, s’il met à distance son trader de la fin des années 1980 , c’est pour mieux en faire le reflet et portrait annonciateur de ceux qui tirent les ficelles aujourd’hui , et ne cessent de précipiter le monde à sa perte . Pire , leur cynisme s’est depuis répandu dans une société qui devenue permissive ( les multiples spots publicitaires qui envahissent les écrans et vantent les mérites de la spéculation …) et dans laquelle les Jordan Belfort peuvent continuer, sans risques, à faire fructifier leur fortune.
( Etienne Ballérini)
LE LOUP DE WALL STREET de Martin Scrosese -2013-
Avec : Leonardo Di Caprio, Jonah Hill , Margot Robbie, Matthew McConaughey, Kyle
Chandler, Jean Dujardin, Rob Reiner ( le père de Jordan ) …
Que penser de ce billet qui ma litteralement subjugez … royale ?
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