Après Quand la mer monte (2004 , co-réalisé avec Gilles Porte ) , le second film en solo de la comédienne, nous offre un nouveau portrait sensible d’un couple pas comme les autres au cÅ“ur de la vie quotidienne des petites gens où les envolées poétiques et les notations comiques, viennent enrichir le regard d’un récit où la question du handicap , de la différence et du rapport à la vie et à l’amour, est au cÅ“ur. Un film juste et sensible qui ressemble à la comédienne…

Yolande Moreau est un personnage ( de Théâtre et de Cinéma ) qui dégage de prime abord une humanité et une tendresse palpables qui ne laissent pas indifférents, comme peut l’être à la fois son univers foutraque et poétique qui distille une empathie et finit par vous entraîner dans son sillage. Elle sait ( héritage de la Période Deschiens ? ) vous entraîner au cÅ“ur de ce quotidien rempli de ces petits riens du quotidien qui dérivent vers l’absurde , ou bien , au cÅ“ur de ces moments où l’on se retrouve désemparés pour affronter les peines et les douleurs , comme le regard des autres. Ce sont tous ces instants d’une vie des petites gens qui se déroule avec ses contraintes et ses petits ou grands drames qui viennent tout à coup remettre en question les schémas et les préjugés, comme les cadres dans lesquels les individus finissent par se laisser emprisonner. Car le bonheur est fragile ….

Yolande Moreau
C’est ce qui arrive à Henri ( Pippo Delbono , remarquable ) patron de Bistrot dans un petit bled du Nord , et qui se démène au four et au moulin avec sa femme, Rita ( Lio) pour que l’affaire tourne correctement . En dehors des clients venus d’ailleurs , il y a les habitués qui sont devenus des amis et entretiennent le relationnel et la convivialité nécessaire dans ce lieu de rendez-vous où l’on vient y donner individuellement sa philosophie de la vie ( de comptoir) , mais aussi parfois , s’épancher et se confier autour de quelques verres dont la modération n’est pas toujours contrôlée … surtout quand le chagrin s’en mêle.
Comme l’illustre magistralement la magnifique scène qui réunit les amis d’ Henri , Bibi ( Jakie Béroyer) et René     ( Simon André ) aux obsèques de sa femme disparue soudainement et dont la douleur ne trouve pas d’autre expression que d’être noyée ( dégrisée?) dans les chants ( le « ti amo » d’ Umberto Tozzi  ) et l’alcool jusqu’à l’oubli ( épuisement ) . Il faut voir les trois amis dans la nuit , raffermir leur amitié et se la jurer éternelle … c’est ainsi qu’ils comblent et partagent le vide laissé par la disparue .

Mais Yolande Moreau ne va pas s’inscrire dans cette logique, car pour elle, le vide se doit d’être comblé et la vie ne doit pas permettre des arrêts définitifs , mais ouvrir des perspectives. A l’absurdité du chaos éthylique, il va y avoir l’écho de la vie qui va reprendre ses droits avec l’apparition d’un « papillon blanc », symbolique et pourtant bien réel . Ce papillon il a le visage d’une jeune handicapée mentale légère, et un nom Rosette ( Miss Ming ) qui dans le cadre de travaux d’insertion va être proposée comme serveuse dans le bistrot d’Henri . Et ce « papillon blanc » va bouleverser la vie non seulement d’Henri , mais aussi de toute la communauté villageoise . Superbe personnage que Yolande Moreau va sortir , pourrait-on dire de son chapeau, pour faire bifurquer son récit hors des sentiers battus. Ceux vis à vis desquels la morale est impuissante , car sur eux elle ne peut avoir de prise . Comment en effet peut-on « normaliser » les ressentis et le sentiments , voire les rêves d’une autre vie et d’ autres possibles vers lesquels Henri et Rosette, vont s’évader  vers d’autres paysages et perspectives ( l’achat du camion de frites ).

On vous laissera découvrir la manière dont les choses vont évoluer et dans leur sillage, les préjugés qui vont être mis à l’épreuve d’un récit qui nous y entraîne avec ses personnages au coeur de ces espaces de liberté qu’ils se créent ( la belle scène de l’envol annuel des pigeons ). Et surtout de l’habileté avec laquelle Yolande Moreau évacue l’hypocrisie pour mettre au cÅ“ur de son récit l’humanité et la pureté des sentiments faisant face à l’absurdité d’une certaine dignité morale revendiquée par ceux-là même qui lui brisent les ailes . Le « papillon » en question qui veut voler de siennes s refusant l’enferment , la cinéaste le libère dans ces espaces ( superbes paysages des plages du Nord ) ou mentaux ( rêves ) qui sont autant de refuges . De la même manière que le récit fustige les effets de l’imaginaire ( soupçons ) des bien-pensants « diabolisant » une situation qui les dépasse et dont ils fabriquent le scénario rêvé de leurs propres manques ….

Yolande Moreau distille son beau fluide réparateur de la poésie d’un monde inaccessible à ceux dont les oeillères ne laissent percer aucun rayon de lumière et de vie . Et c’est dans de magnifiques séquences servies par une mise en scène dont les moindres détails sont maîtrisés pour ne laisser place à aucune ambiguïté ( morale , justement ) qu’elle offre le plus belles envolées poétiques à ses héros dont la liberté des rêves et des désirs exprimés « je suis quelqu’un et j’ai des désirs et des envies , moi aussi! » dit Rosette . Quand la mer monte …et que le flot de la poésie d’un regard plein de tendresse et d’honnêteté envahit l’écran , on a tout simplement envie d’applaudir…
(Etienne Ballérini)
Humaine, touchante et jamais larmoyante – une grande Yolande Moreau, intelligente et sensible … comme ses films!
Une grande dame tout simplement…
Je me demande si les scènes de Colombophilie ne sont pas une allusion au film « Les convoyeurs attendent », film franco-belge-helvétique de Benoît Mariage réalisé en1999 (quinzaine des rélisateurs 2000). « Les convoyeurs attendent » est une expression Colombophile utilisée en Belgique Les convoyeurs sont chargés d’amener les pigeons sur le lieu du lâcher mais si la météo est mauvaise, le lâcher est retardé. Pour prévenir les propriétaires des oiseaux, la radio signale « les convoyeurs attendent ».
D’autre part, le prénom « Rosette » n’est -il pas une une référence à Rosetta, film des frères dardennes
Très pertinent, foi de belge 🙂
Toujours à l’affût et perspicace , mon Barbarin! … à propos de Rosette et de la référence aux Dardenne ,j’ai
failli l’écrire … et j’aurais dû, car le crois que c’est évident. Comme tu l’as vu on a dépassé les 10 000 Clics : champagne et Bière
à Gogo au Ketge ?!!! Bises
Merci beaucoup !…
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