Avec Quai d’Orsay, Bertrand Tavernier touche pour la premièrefois le genre de la comédie pure. Inspirée des bandes dessinées du talentueux Christophe Blain, l’histoire s’attache à suivre les premiers pas d’Arthur Vlaminck (Raphaël Personnaz) recruté par le ministre des Affaires étrangères pour écrire ses discours ou plutôt préparer « ses éléments de langages ». Il découvre alors les couloirs du ministère et son univers très particulier fait de jalousie, rancunes, de guerres d’égos ou portefeuilles.

Ce sont des codes qu’il faut apprendre et un tourbillon qu’il faut saisir au vol sous peine d’être laissé sur le côté, aplati derrière une porte. Thierry Lhermitte, qui a rarement été aussi bon, campe un ministre en mouvement perpétuel, librement inspiré de de Villepin s’écoutant parler avec un plaisir non dissimulé, ne jurant que par les citations d’Héraclite, et brassant de l’air a un tel point que son passage provoquent des bourrasques de vent faisant s’envoler toutes les feuilles des bureaux. Ce running gag, comme celui des portes qu’il ouvre et ferme à faire trembler les murs grossissent les traits d’un personnage très BD tout à coup. Mais c’est fait avec un tel sérieux que la caricature fonctionne à plein régime sans que cela pèse sur un récit mené tambour battant.
On sait Tavernier passionné par le cinéma américain. Il est évident que le cinéma comique d’un Billy Wilder l’a inspiré dans sa manière d’aborder les effets comiques, les personnages et de donner un tel rythme à son film. Comment ne pas voir non plus l’art d’un Ernst Lubitsch derrière ses portes qui s’ouvrent et se ferment, ses personnages qui s’échappent pour réapparaitre ailleurs.

A cela, Tavernier a aussi apporté son regard sur ce monde politique qui ne parle que par formules et effets de style. Le cinéaste a ajouté une valeur humaine en miroir. Le combat que mène la femme d’Arthur (Anaïs Demoustier), institutrice dans une école, pour empêcher l’expulsion d’une élève sans papier. Cela semble bien loin des enjeux géopolitiques que doit évoquer le ministre dans ses éléments de langage. Pourtant, cette lutte est juste à côté et elle sera résolue mais comme une chose futile que l’on gère sur un coin de table ou dans les toilettes sur un bout de papier glissé dans la poche !
Si certains pensent que les stéréotypes sont nombreux, que la caricature est grosse, ils se trompent sans doute. Tavernier a montré ce film à des personnes des ministères qui ont trouvé cela… un peu en dessous de la réalité. C’est dire. On sent une application à chercher un réalisme dans des situations parfois totalement ubuesques.

La réussite du film tient aussi au soin apporté aux dialogues, extrêmement percutants et bien sentis qui font encore une fois penser à la manière dont Lubitsch les intégrait comme une composante essentielle de sa mise en scène. A cela, il faut ajouter la qualité des seconds rôles qui « tiennent » aussi le film en commençant par le fabuleux directeur de cabinet qui ne s’énerve jamais et interprété par un génial Niels Arestrup, la conseillère spécialiste de l’Afrique (Julie Gayet), celui des Etats-Unis (Thierry Frémont) ou encore un prix Goncourt venant donné des conseils sur les discours (excellent Didier Bezace)
Il y a dans Quai d’Orsay un réel plaisir de cinéma non feint de part du réalisateur mais aussi des acteurs, de réaliser une comédie intelligente et populaire dans la plus grande tradition des comédies américaines à succès des années 40. C’est réussi car le plaisir chez le spectateur est aussi au rendez-vous.
Julien Camy
Je lis beaucoup de bonnes critiques sur ce film. Du coup, je vais sûrement me laisser tenter, moi aussi 🙂
Thierry Lhermitte, Niels Arestup, Didier Besace, Bertrand Tavernier et sa science du cinéma américain (l’inénarrabilité du running gag), le plaisir de tous à jouer, notre plaisir à voir, tout cela donne un goût de revenez-y
[…] ne pouvant avoir d’enfants et qui se tournent vers l’adoption à l’étranger. Quai d’Orsay ( 2013 – Prix du Meilleur second rôle pour Niels Arestrup) adapté de la bande dessinée de […]