L’EXTRAVAGANT VOYAGE DU JEUNE ET PRODIGIEUX T.S SPIVET de Jean Pierre Jeunet
Adapté du roman de Reif Larsen par le réalisateur de La cité des enfants perdus et d’Amélie Poulain dont T.S Spivet ( Cliquez ci pour voir la bande annonce du film ) semble d’ailleurs être le petit frère de la jeune Amélie . Jean-Pierre Jeunet nous embarque , une fois de plus dans le monde de l’enfance qu’il affectionne. Le merveilleux y côtoie la poésie et l’aventure ou l’insolite , en même temps que la gravité s’y installe au cours d’un périple où l’Amérique se découvre aux yeux du jeune héros pourtant hanté par un lourd secret familial …
C’est dans le l’état du Montana que vit la famille Spivet. Il y a le père ( Callum Keith Rennie ) qui semble s’être figé dans un passé immuable « en retard de cent ans … » , dit la voix -off , dont son lieu de repos, en forme de musée , est rempli des vestiges du Far-West des cow-boys d’hier . Il y a la mère ( Heléna Bonham Carter ) qui collectionne les insectes espérant trouver la pièce rare . Et puis, leurs trois enfants : la grande sœur Gracie ( Niamh Wilson) mal à l’aise dans ce monde de « ploucs » qui rêve de devenir star et d’Hollywood. Et Layton( Jakob Davis) le frère jumeau dizygote si dissemblable de T.S. Layton, c’est le casse–cou qui multiplie les exploits physiques et qui tire sur tout ce qui bouge avec sa winchester . Au milieu de tous , il y a nôtre T.S ( épatant , Kayle Catlett) le surdoué de la famille doté d’une imagination sans bornes , une sorte de « Léonard de Vinci du Montana » , dit-on . Il faut dire qu’il s’y entend en inventions de toutes sortes , comme celle la roue à aimants , ou encore, de cette fameuse machine à mouvement perpétuel qui va le rendre célèbre !…
( le jeune prodige , T.S Spivet / Kayle Catlett )
Jean-Pierre Jeunet nous plonge d’emblée dans l’univers de cette famille de « zarbis » dont il nous fait partager les passions et le quotidien de chacun , et dont il résume en une magnifique séquence comme une scène de « duels » , celle du repas familial et des échanges de regards, illustrant une cohabitation qui ne manque pas de sel . Et puis un jour , le drame survient, Layton dont T.S devait mesurer l’impact des ondes de choc du tir de la carabine, tombe victime de la balle… quelque chose se dérègle dans la famille Spivet qui se mure désormais , dans le silence. Et puis, voilà qu’un appel téléphonique prévient T.S qu’il vient d’être désigné lauréat de l’Académie du prestigieux Prix Baird du Musée Smithsonian de Washington . Personne ne se doute que le génial inventeur est un enfant !. T.S Spivet ne veut pas rater l’opportunité, et part à l’aventure…
( T.S Spivet et ses expérimentations )
Et , c’est en vérité , à un voyage inattendu que nous invite le cinéaste dans le sillage de son héros. En effet, le parcours du Montana jusqu’à la bonne ville de Washington D.C , devient pour T.S Spivet un double voyage ,où , au coeur de l’ivresse de l’ouverture au monde et aux autres , vient s’inscrire le fantôme d’une douleur qui ne veut pas s’effacer.
Si l’aventure fait feu de tout bois lors du trajet , mouvementé , qui le mène à la capitale et à l’Académie qui doit le distinguer , le voyage initiatique parsemé de rencontres et de mésaventures, est habité par le fantôme du frère jumeau protecteur et par la lecture du journal intime “piqué” à sa mère . Puis arrivé au musée et dans le monde de la Culture soumis aux règles de la communication qui s’empare de son cas , voilà notre enfant surdoué contraint de s’exhiber dans un monde de rapaces qui ne cherchent qu’à l’exploiter (la séquence du show télé , la sous- secrétaire de l’institut / Judith Davis, qui se prend pour son agent) . Et , dans ce tourbillon qui l’emporte , c’est la blessure qui ne s’était pas refermée qui vient rattraper le jeune aventurier…
(Spivet et sa mère / Helena Boham Carter , sous les feux des projecteurs )
Dès lors , c’est dans la cohabitaion du merveilleux et de la gravité que le film trouve sa vraie originalité portée par une mise en scène qui fait écho , par ses trouvailles esthétiques et visuelles , à cette double quête dont T.S Spivet va porter le poids, et qui va lui permettre de trouver les réponses nécessaires … pour grandir. Jean-Pierre Jeunet dans l’exercice de cette double confrontation n ‘hésite pas à faire sourdre -au coeur de la bizarrerie et du merveilleux de l’univers qui ( trans) porte ses personnages – les sentiments et les émotions dont ils sont envahis intérieurement. A l’image de son héros dont le côté obsessionnel de sa quête qui fait écho à sa culpabilité, a quelque chose de bouleversant, comme l’illustre la belle scène de son discours final, où il finit par l’avouer. C’est d’ailleurs cette émotion que , subtilement , le cinéaste inscrit dans les non-dits et les silences intérieurs de ses personnages et qui finit par en dire long sur leurs douleurs et leurs solitudes intérieures qui offre au film une dimension mélodramatique inattendue . Il y a dans ce regard là, et dans cette pudeur qui habite l’espace de l’imaginaire et du merveilleux, quelque chose de magique qui s’installe imperceptiblement, comme une sorte d’empathie qui n’a rien de fabriqué , et qui fait mouche.
Car finalement T.S Spivet et cette famille d’inadaptés au monde qui se réfugient dans leurs univers , ne sont-ils pas un peu nos frères dans le mal-être qu’ils expriment . Qui d’entre nous n’a jamais eu un jour le sentiment de ne pas être à sa place …et d’être un de ces enfants de la cité perdue?.
(Etienne Ballérini )
[…] de Ladj Ly (2007).Documentaire tourné pendant les émeutes de 2005. Canal+ à 22h45. L’extravagant voyage du jeune et profigieux T.S. Spivet de Jean-Pierre Jeunet (2015 – 1h45). A 10 ans,TS Spivet a mis au point une machine au mouvement […]