image Nice / Un site emblématique : la place Garibaldi

La place Garibaldi à Nice, tout le monde la connaît, c’est un des lieux  des plus appréciés des niçois qui surpasse même la place Masséna et ses curieux « penseurs » perchés   que l’on verraient  plutôt au Musée d’Art  Moderne et  Contemporain à quelques centaines de mètres plus au nord. Qu’en penseraient aujourd’hui les créateurs du Consiglio d’Ornato?

Garibaldi c’est autre chose, surtout depuis sa rénovation complète il y a quelques années, une réussite, que personne ne conteste, complétée in fine par la restauration de la façade de la chapelle de Notre-Dame de l’Assomption  plus connue sous le nom de chapelle des Pénitents Bleus encore appelée à tort par certains vieux niçois «la chapelle italienne».

La place Garibaldi aujourd'hui
La place Garibaldi aujourd’hui

Il faut dire que cet endroit avait bien besoin d’un sérieux coup de jeune. Depuis 1706, date à laquelle le maréchal de Berwick, obéissant aux ordres de Louis XIV avait mis à bas  tout le système défensif de Nice, on découvrait là un grand terrain vague envahi de tout ce que la ville ne voulait plus, en particulier des vestiges lapidaires de l’ancien château non récupérés par les riverains. On était sur la place Pairolière, voisine de l’ancienne porte éponyme qui tirait elle-même son nom du quartier dont il reste aujourd’hui la rue Pairolière  anciennement rue des chaudronniers («pairoulié» en nissart).

Cette place Pairolière avait la particularité d’être la charnière entre la campagne au nord et la ville qui ne demandait à cette époque qu’à se développer à l’est comme à l’ouest. C’était d’autre part le débouché de la Route Royale Nice-Turin, ancien chemin Ducal crée  par le roi Charles-Emmanuel 1er en 1612 et rendu «carrossable» c’est-à-dire utilisable désormais en 1780 par des véhicules à quatre roues grâce à la volonté de S.M. le roi Victor-Amédée III. L’ancienne route du sel voyait enfin sa capacité adaptée au trafic exigé par les besoins de l’époque d’autant plus que le creusement du port de Nice dans l’anse de Lympia à partir de 1750 sous la direction de Nicolis de Robilante permettait alors d’accueillir beaucoup plus de navires marchands que dans le petit port Saint-Lambert, ensablé, devenu totalement inadapté à une activité portuaire moderne.

La place Pairolière, plaque tournante entre le nouveau port et la future route de Turin devait nécessairement être remise à niveau. Pis encore, de par sa position au débouché de la Route Royale, à l’entrée nord de Nice elle se devait d’être la vitrine de la ville, d’offrir une image de marque irréprochable de celle-ci au voyageur venant de Turin surtout, on peut s’en douter, si celui-ci pouvait être le prince de  Piémont-Sardaigne en personne!

Dès 1760, on commence à parler du projet de rénovation de ce site, des plans sont tirés et en 1780, les choses bougent sérieusement sous l’impulsion des consuls niçois et du roi  S.M. Victor-Amédée III.

Antonio Spinelli, architecte tessinois est pressenti pour transformer cet ancien terrain vague en un lieu de prestige. Il a été choisi non en fonction de ses diplômes (il n’en a pas) mais pour son expérience professionnelle. Il a été formé sur le tas et, en 1780, il a déjà derrière lui pas mal de réalisations régionales. Il prévoit une place monumentale à la mode turinoise, bordée d’immeubles à arcades bâtis dans le même style (immeubles à programme) aux façades ornées de trompe-l’œil à la mode ligure.

Il veut créer une place au goût baroque où l’on pourra rassembler la population, organiser de grandes fêtes, des parades militaires, un lieu où pourront se montrer à leurs sujets les autorités civiles et religieuses et, bien sûr, le roi lui-même lors de ses visites à Nice.

Spinelli se met vite au travail et commence par faire débarrasser le futur chantier de tout ce qui n’a rien à faire là, au grand dam quelquefois de certains propriétaires riverains qui freinent des quatre fers mais qui devront s’incliner devant l’autorité.

A une époque où la ferveur religieuse était intense on considéra aussi qu’il serait de bon ton de prévoir un lieu de culte sur la future place et le meilleur endroit où le placer ne serait-il pas en face du débouché de la route Royale, accueillant ainsi religieusement le voyageur venant de la capitale du Piémont? L’idée retenue, il restait à la mettre en pratique car le terrain prévu appartenait aux moines augustins et jouxtait leur couvent. Ces religieux  demandaient d’autre part l’autorisation de bâtir pour leur compte un grand immeuble de rapport à cet endroit, autorisation qui leur fut accordée en un premier temps par S.M. le roi de Piémont-Sardaigne.

La porte de Turin
La porte de Turin

Pour tout compliquer, Spinelli dans ses travaux, se vit obligé de prévoir la démolition d’une ancienne chapelle votive, chère aux niçois, consacrée à N.D .du Bon Secours, appelée aussi N.D. de Sincaïre du nom du bastion sur lequel se joua le sort de la cité le 15 août 1543 lors du siège Franco-Turc où s’illustra la célèbre bugadière Catherine Ségurane. Pour remercier le Ciel d’avoir sauvé Nice, les consuls niçois, fidèles à leur vœu firent ériger et consacrer en 1552 ladite chapelle.

Celle-ci va donc devoir être démolie mais il fallait impérativement la remplacer pour ne pas se par- jurer, d’où l’idée d’un «arrangement» avec les moines augustins auxquels on concèdera finalement deux barres d’immeubles séparés par une chapelle dédiée à N.D. de l’Assomption, édifice considéré comme étant le remplaçant de l’ancien sanctuaire devant être démoli et dont le terrain va être donné aux augustins en échange de celui de la nouvelle chapelle. Tout le monde était d’accord.

Mieux encore, la confrérie des Pénitents Bleus qui voulait déménager depuis quelques années suite à la vétusté de ses locaux  du vieux Nice et qui ne savait où aller va être relogée dans la nouvelle chapelle moyennant une participation financière de sa part. On faisait ainsi d’une pierre deux coups.

A partir de 1782, les travaux commencent, achevés en 1784 et, en avril de cette année, les confrères Bleus s’installent dans leur nouvel oratoire dont une partie d’ailleurs est construite avec les pierres provenant de l’ancien sanctuaire. La façade de l’édifice est néo-classique et l’intérieur qui a donné beaucoup de soucis à l’architecte est  baroque tardif. Le lieu de culte est situé en étage pour  gagner

la place correspondant à la largeur de la galerie voûtée située au-dessous. La façade qui porte trois boulets d’artillerie (allusion au siège de 1543) va recevoir un balcon, le seul autorisé sur cette place Royale, équipé d’une rambarde armoriée offerte par le souverain en 1859.

La Route Royale, va s’appeler la rue Victor, c’est l’avenue de la République actuelle et sera ornée à partir de 1786 d’une porte monumentale, de style très baroque placée au niveau de la rue Barla actuelle, une œuvre de l’architecte piémontais Pietro Bonvicini. Cette porte ornementale dite Porte de Turin avait aussi une fonction très lucrative puisqu’elle abritait un octroi! Ce beau monument va être toutefois démoli en 1848 car il gênait  (déjà!) la circulation des charrois. Signalons que, côté Turin, existait une porte semblable, la Porta Nuova.

La nouvelle place que l’on va nommer Vittoria  sera terminée au moment de l’entrée des troupes révolutionnaires françaises menées par le général  Danselme en fin septembre 1792.

En 1793, on plante un arbre de la Liberté au centre de la place que l’on rebaptise très originalement «Place de la République», on s’en serait douté! Elle deviendra plus tard, Empereur oblige, «Place Napoléon»  puis, à la Restauration Sarde (1814) elle va reprendre son nom de «Vittoria» jusqu’au Rattachement de 1860 où elle deviendra «Place Napoléon III » jusqu’en 1870. Ouf ! En 1871, on la baptisera enfin définitivement du nom du Héros des Deux Mondes, Giuseppe Garibaldi en hommage à son action  pendant la guerre de 1870 où, à la tête de ses volontaires, il bloquera une armée allemande à Autun. En 1891, une statue monumentale de l’enfant du pays (il est né à Nice en 1807 ), œuvre du sculpteur Eteix  va s’élever au centre d’un grand bassin, au milieu de la place. Pour la petite histoire, on voyait encore il y a quelques années sur cette pièce d’eau une petite barque qui promenait les enfants sous les yeux attendris des parents et de ceux de l’illustre condottiere!

La place Garibaldi en 1904
La place Garibaldi en 1904

Aujourd’hui il n’y a plus de tours de barque, la statue a été déplacée de quelques mètres vers la chapelle des Bleus, le bassin est carré et beaucoup moins profond qu’avant, la voirie a été modifiée et le revêtement du sol de la place est constitué de pavés (chinois) couleur anthracite qui ne fait pas l’unanimité, surtout auprès des piétons âgés. C’est le seul bémol à signaler.

Pour le reste, après les travaux de la ligne «1» du tramway terminés en fin 2007, la place  à fait l’objet d’une réhabilitation complète très réussie. Les façades ont été repeintes, les trompe-l’œil, effacés depuis longtemps, ont été remis en lumière, tout cela formant un très bel ensemble.

Cerise sur le gâteau, la visite de la crypte Pairolière  toute voisine permet aux visiteurs de découvrir le passé médiéval de notre ville dans le cadre de visites guidées et ce sont les travaux du tramway qui traverse la place qui ont contribués à mettre à jour ce véritable musée souterrain. Ceux en cours de la ligne «2»nous réservent sans doute d’autres découvertes aussi surprenantes.

Yann Duvivier
octobre 2013

 

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