Cinéma / Les effets du déclassement social- BLUE JASMINE de Woody Allen

BLUE JASMINE de Woody Allen.
Portrait d’une femme en perdition et fable acerbe sur le déclassement social. Woody Allen de retour au Pays après un périple Européen se penche – au travers de son héroïne dépréssive qui doit refaire sa vie après le scandale de la découverte des trafics de son époux, homme d’affaires – sur les effets de la crise financière et ses ravages dans les rapports sociaux et de classes. Un grand film du cinéaste, sans doute un de ses plus sombres.

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(  Jasmine /   Cate  Blanchett )

Dans la séquence d’ouverture qui se déroule dans l’avion de ligne New-York / San Francisco, on y découvre Jasmine ( Cate Blanchett ) assise à côté d’une vieille dame dont elle fera sa confidente muette durant tout le voyage, déversant sans retenue une flot ininterrompu de mots qui laissent entrevoir la détresse profonde d’une névrose due au drame qu’elle vient de vivre, le suicide de son homme d’affaires de mari en prison, pour fraude financière organisée. Et ce voyage nécessaire pour trouver refuge chez sa sœur en attendant de se sortir d’une situation de déclassement social qui lui est insupportable . Désormais criblée de dettes et sans repaires et d’autant plus inconsciente et impuissante qu’elle refuse de se voir renoncer à ce train de vie «  bling- bling » dans lequel elle s’était laissé enfermer avec volupté. Pas question de devoir se « rabaisser » à trouver un travail subalterne, ni de se vautrer dans la victimisation, une vodka-martini et une grande inspiration pour reprendre le souffle … la revoilà battante en quête « d’un métier d’envergure » !. Décoratrice serait pas mal non ? , d’autant qu’avec ses goûts et son sens de l’habillage vestimentaire de luxe acquis en réflexe Pavlovien d’addiction de classe, elle pourrait réussir sa reconversion de goût …dans l’habillage des appartements.

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( Jasmine/  Cate  Blanchett ,    et  son mari /  Alec Baldwin)

Mais voilà , vouloir être à la hauteur pour ne pas perdre la face n’est pas aussi facile que le pense ( le rêve) Jasmine qui se retrouve plongée dans un monde qui n’est pas le sien .
A cet égard, la confrontation avec , celui modeste de sa sœur caissière , Ginger ( Sally Hawkins, épatante ) et de ses amis, est traitée avec une subtile précision par Woody Allen qui ne perd pas une occasion de mettre en relief tous les éléments des rapports de classes dont il se délecte pour en pointer , à la fois les clichés , mais surtout les aspects les plus durs et cruels du contrecoup qu’ils subissent consécutifs aux effets d’une crise économique qui ne fait qu’amplifier, cynisme aidant, la violence au quotidien . A cet égard l’ influence de l’arrivée de Jasmine qui- aussitôt -dénigre les amis de sa soeur et leur condition -, et tente de peser sur les relations amoureuses de celle-ci est un exemple révélateur. Des tensions qu’il crée sur le couple Ginger / chili ( Bobby Cannavale ), qui , en même temps se répercutent dans les relations de classes pointant que désormais avec l’exemple de Jasmine à l’appui , la crise profonde ne touche pas seulement, les petites gens .

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(Jasmine  avec sa  soeur ( Sally Hawkins)  et  ses  amis .

Woody Allen qui a toujours dans ses films analysé les rapports sociaux et de classe, et le plus souvent sous la déclinaison de la comédie ou de la comédie satirique , y ajoute ici , la note d’une gravité et d’une noirceur qui l’élève à la dimension de la tragédie . Une tragédie dont le vécu dans les deux camps sociaux opposés, se traduit par un coup de projecteur dont le cinéaste s’offre à la fois les dialogues et les situations par un scénario d’une habileté diabolique qui en fait sourdre toute la complexité. Celle qui traduit les réflexes révélateurs des manières utilisées par chaque camp, pour trouver une porte de sortie . Chez Ginger et ses amis qui trouvent dans les bouleversements de leurs quotidiens , la réponse dans ce que les difficultés accumulées de la vie leur ont enseigné , et qui , après s’être un peu égarés , finissent par retrouver les repères d’une dignité que la violence contaminante des coups , leur avait fait perdre un peu , de vue . On devine le faible du cinéaste pour ces gens simples qui ont appris à les affronter, mais in n’en condamne pas pour autant la manière de Jasmine pour tenter d’y parvenir et de s’en sortir.

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Dwight / Peter  Sarsgaard ,   séduit  par  Jasmine

Chez elle , le chemin est rendu plus complexe, et révèle le pouvoir d’addiction à l’argent, en même temps qu’il permet à woody Allen de compléter et approfondir encore les nuances des personnages névrosés ayant recours aux « psys » qui ont habité ses films . Ici ,si on nous dit au détour d’un dialogue que Jasmine en a consulté un , c’est avant tout surtout son parcours pour s’en sortir par elle- même , qui va être lé révélateur de l’Univers qui l’a façonné et provoqué sa chute sociale en forme de descente aux enfers qui la fait vaciller . Son refus de voir la réalité dans laquelle elle se retrouve plongée, en est l’exemple parfait . Tout est bon pour se justifier et refuser d’accepter une situation de victime qui n’est pas digne d’elle , pas question de troquer un statut qui fut le sien, pour un autre . Dans ce combat il y a une force incroyable qui finit par sauver son personnage d’insupportable arrogante, de menteuse et de donneuse de leçon qu’on a envie de gifler !. Et la prestation de Cate Blanchett est époustouflante qui nous fait passer par tous ses états d’âme,  et dont les expressions du visage et du corps traduisent tous les frémissements et toutes les fêlures, d’une femme au bord de la folie , ou , dans le mensonge qui l’enlise . A l’image de cette respiration qu’elle contrôle, son instinct de survie a quelque chose de pathétique. Comme le jeune riche et veuf diplomate , Dwight ( Peter Sarsgaard ), on est séduits .

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Woody  Allen sur  le plateau  de  tournage  avec Cate Blanchett  et Alec Baldwin ( de  dos )

Et la séduction du film tient aussi à son écriture , un scénario parfait et une mise en scène qui le sert par un travail ,sur les Flash-back , et les mouvements de caméra, époustouflant. Un scénario qui est sans doute un des plus beaux et des plus efficaces du cinéaste depuis Match Point ( 2005) dans les dialogues il a le secret , concernant les bons mots. Trouvant son originalité dans la gravité qui s’y inscrit et dans les rebondissements qu’il distille habilement par un suspense entretenu -sur certains éléments de l’histoire et de ses personnages – jusqu’à la révélation finale qu’on vous laisse découvrir. Un suspense que distille de manière tout aussi efficace, un montage d’effets de Flash-back , nous révélant des séquences de la vie de Jasmine avant la chute. Toujours dans la continuité du récit ils viennent se greffer au détour d’un mot ou d’une situation pour éclairer le présent de Jasmine du poids de son passé . D’ une vie faite de soumission à la fois à un univers ( la grande bourgeoisie de l’argent ) et à un homme son mari Hal, aussi menteur en sentiments ( il la trompe ) que sans morale en affaires . Dans les deux registres Alec Baldwin qui l’incarne , donne à ce double mensonge une dimension étonnante , notamment dans le registre de prédateur dont il nous fait pénétrer, tout en finesse, dans les arcanes abyssales  du monde de la financ ,  pour nous en faire percevoir les ravages qu’elles provoquent.
Oui, Blue Jasmine est un grand film de Woody Allen, ne le manquez surtout pas …
(Etienne Ballérini )

BLUE  JASMINE  de  Woody Allen –  2013 –   avec :  Cate  Blanchett, Alec Baldwin, Peter  Sarsgaard , Sally  Hawkins, Bobby  Cannavale, Andrew  Dice  Clay , Louis C.K –

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