Niché au cœur de la vieille ville d’Antibes, le théâtre de 101 places, tout de rouge vêtu des fauteuils aux murs, est devenu une institution, en effet jusqu’à cette année il était le seul à proposer des pièces classiques et modernes (depuis, Anthea a ouvert ses portes au printemps) et depuis près de 20 ans il a conquis les spectateurs par son programme éclectique.

Tous les ans, Antibea propose de beaux textes classiques sans oublier les auteurs contemporains, une programmation très calculée par le maître des lieux, Dominique Czapski « …j’ai eu beaucoup de chance que le public adhère à mes choix, programmer Antigone, Britannicus, Phèdre, Andromaque et bien d’autres n’est pas évident comme JP Sartre, Margueritte Duras, les Confessions de St Augustin, J Becket ou Oscar Wilde…bref, j’ai toujours voulu que les spectateurs découvrent tous les chemins de ce patrimoine culturel ce qui n’empêche pas des soirées plus légères, des lectures, des rendez vous avec des écrivains et dramaturges. Quand vous savez que Israël Horovitz vient ici parce qu’il aime notre travail et qu’il dialogue avec la salle, il y a de quoi ressentir une petite fierté…pour ce début de saison, nous allons accueillir le grand Georges Banu* qui vient présenter son livre Les Voyages des Comédiens, lui aussi se déplace parce qu’il veut voir l’une de nos créations le Journal d’un Fou de Gogol…vous voyez, à Antibes, on ne pantoufle pas ! »

C’est vrai, Dominique Czapski est sans cesse en recherche, il sait désormais qu’il peut toujours aller plus loin dans ses propositions et pourtant ce n’est pas facile de présenter, par exemple, Théâtre et Révolution (s) II, quand avec le premier volet, il a fallu s’accrocher mais il est trop fort ce Dominique, la semaine suivante, il vous remet la sauce mais plus douce avec par exemple pour cette fin octobre avec son fidèle compagnon l’écrivain Renaud Dumesnil, il propose une « Jubilations Gastronomiques » et puis…hop il repart avec un auteur qu’il adore Henrik Ibsen pour une pièce déjà montée par la Cie Antibea, Hedda Gabler « on a comme çà des coups de cœur, je ne peux m’empêcher de programmer une œuvre de ce dramaturge norvégien, peut être que je me retrouve dans ses propos, dans ses personnages qui veulent atteindre leur objectif par tous les moyens, dans ses réflexions sur les conflits humains, les déchirements familiaux, les combats pour les libertés au sein d’une puissance sociale, bref…c’est un peu un raccourci de présentation mais nombreux de nos concitoyens devraient s’intéresser à ses écrits, ils sont toujours d’actualité » .
Cette pièce a été vraiment le point fort d’une reconnaissance internationale pour le dramaturge d’ailleurs le cinéma ne s’y est pas trompé et de nombreux théâtre l’ont programmé notamment l’Odéon en 2005 avec une Hedda Gabler jouée par Isabelle Huppert, mais revenons à cette saison automnale, comme tous les ans, afin de satisfaire le public anglais très nombreux à Antibes, une soirée leur sera consacrée avec une production Théâtre CLWYD, l’Education de Rita. D’autres belles soirées avec Phèdre de Jean Racine et Les Fourberies de Scapin de Molière jouées par une troupe niçoise Série Illimitée sont au programme, autre troupe niçoise celle de la Trompette du Bocal pour une œuvre de Maupassant Les Contes Grivois.

L’un des grands chouchous de Dominique c’est Harold Pinter, comme Ibsen il était aussi très politisé, il faut se souvenir de ses critiques envers Thatcher et Blair et ses positions dans les conflits mondiaux : Kosovo, Afghanistan, guerre du Golfe, etc. « c’est sûr que je suis intéressé par le personnage Pinter dans ses combats politiques mais j’aime aussi ses dialogues dans le théâtre, ce langage de l’absurde, ces passages qui déroutent, qui semblent anodins, au premier degré…Non, je crois qu’il a été l’un des plus grands dramaturges de ces dernières années ». Il faut rappeler que Harold Pinter, avant de décéder en 2008, avait reçu le prix Nobel de littérature en 2005, donc, ne manquez pas Le Retour écrit en 1964, ce sera le cadeau d’Antibea avant Noël, il sera interprété par les comédiens formés par Dominique, le « Boss » qui, à chaque programmation nous rappelle quelques beaux propos autour du théâtre, pour les 3 mois à venir, vous pouvez méditer un petit texte du philosophe allemand du 19ème siècle, Johann Gottlieb Fichte, un homme fasciné par la révolution française que beaucoup surnomme, le Robespierre allemand « pour le véritable artiste : garde toi d’être, par intérêt personnel ou passion de la gloire présente, l’esclave du goût corrompu de toute époque »
Jean Pierre Lamouroux
*Georges Banu, roumain né en en 1943, professeur au Centre d’Etudes Théâtrales, il a animé plusieurs débats dont le théâtre face à la querelle des nominations et A quoi sert la critique ?
Théâtre Antibea : 04 93 34 24 30 – http://www.theatre-antibea.com
Un peu trop classique à mon goût.
Mais Pinter, à ne jamais manquer, dans l’absolu – un auteur au regard très acéré sur les petites manipulations qui vous tuent … spécialistes des rapports de force de « convention », pleins d’ambiguïté.