image Cinéma / La Danza de la realidad de Jodorowski

Il y a des films qui ne peuvent, non pas s’expliquer, mais s’éclairer si l’on ne connaît pas le parcours, à la fois de vie et artistique, du réalisateur. Ainsi en est-il du réalisateur Alejandro Jodorowski et de son film, La Danza de la realidad.

Affiche de  La Danza de la realidad
Affiche de La Danza de la realidad

Il est né le 7 février 1929. Ses parents viennent de Russie se réfugier au Chili car ils ont fui les pogroms. À l’âge de quatre ans, le premier mot qu’il a lu est « œil ». Son monde se nourrit du cirque, de l’ésotérisme, de la spiritualité, de la psychanalyse

Les univers qu’il développe sont en général des univers de science-fiction, voire des mondes fantastiques. Ses histoires se caractérisent par la présence de nombreuses métaphores et symboles, auxquels il mêle souvent une description sociale ; l’on pense par exemple aux révoltes contre la dictature dans L’Inca, la reconstitution de la colonisation du Mexique par les conquistadores (des crapauds dans La Montagne sacrée) ou encore la description des bas-fonds d’une grande ville et des religions populaires dans Santa sandre.

M’étant séparé de mon moi illusoire, j’ai cherché désespérément un sentier et un sens pour la vie. Cette phrase est emblématique du film de « Jodo » : bien que les faits et les personnages soient réels, nous sommes dans ce que j’appelerais une autobiographie de l’imaginaire. Le titre se comprend alors mieux : Jodorowsky fait danser la réalité au rythme de sa fantaisie. Le brouillage de piste – ou son intense clarification- est accentué par le fait que le film a été tourné dans la petite ville chilienne de Tocopilla, où il est né. C’est de là où tout a commencé, c’est là où cela doit se faire… peut-être pour mieux en partir ?

La danza de la réalidad
La danza de la réalidad

Et il est vrai que toutes les pistes abordées – le cirque, l’ésotérisme, la spiritualité, la psychanalyse…- se retrouvent dans les situations, les images (n’oublions pas le premier mot qu’il ait lu ; œil) les couleurs

Jodorowski signe la mise en scène, le scénario et le décor : à tout instant on sent une symbiose ; ce ne peut être que la même personne qui effectue ces trois données. Avec une image proche de l’enluminure, due à Jean-Marie Dreujou (pour mémoire, l’image de Deux frères)

Dans les dialogues du film, l’une des phrases est importante pour la compréhension de l’œuvre : tout ce que tu seras, tu l’es déjà. Tout ce que l’on voit su l’écran  peut se lire au diapason de cette phrase, sorte de prophétie.

Bien sûr, on peut lire le film sous l’angle du mysticisme. Jodorowsky avait répondu lors d’une interview sur cette fameuse question de l’existence de Dieu :

Un mystique du XIXe siècle à qui on posait cette question avait répondu : « Je ne crois pas en Dieu ». On lui avait alors rétorqué qu’il était impossible qu’un mystique ne croie pas en Dieu, et il avait eu cette réponse : « Je ne crois pas en Dieu, je le connais ».

Ce film, comme une fresque extravagante, nous fait humer un fumet fellinien. Le personnage de la mère, cantatrice frustrée, qui chante son rôle, semble sortie d’un film de Jacques Demy. Les miséreux, les gueux, les pestiférés, exilés à la périphérie des villes semblent sortis du Buñuel de Terre sans pain ou de Los Olvidados . Certains mouvements de foule, la scène d’ouverture, la révolte des pauvres, font penser à 1900, de Bertolucci.

Mais on ne peut limiter une forte personnalité comme Jodorowsky à ces quelques références : pour évoquer son univers, il faudrait parler de « réalisme fantamagorique » un peu comme l’univers de James Thierrée au théâtre.

Même les étoiles connaissent l’auteur de  La danza de la realidad : l’astéroïde découvert en 2005 par l’astronome Jean-Claude Merlin vient d’être officiellement baptisé 261690 Jodorowsky.

La danza de la réalidad
La danza de la réalidad

En tout cas, si la voûte céleste le connaît, ce n’est pas le cas des cinémas à Nice : le film est sorti nationalement le septembre, sauf dans cette petite bourgade. Au demeurant, les cinéphiles ont toujours eu du mal pour voir ses films, dans ce qui est – paraît-il- la cinquième ville de France.

Celui qu’il faut féliciter, par contre, c’est Edouard Waintrop. Ce grand cinéphile est délégué général de la quinzaine des réalisateurs, qui présentait dans sa dernière sélection, Les Apaches, Magic  Magic, et La danza de la realidad. Trois films que nous vous avons présenté dans ce blog.

Jacques Barbarin

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