Entrepôts, lieux de stockages, berges ou routes désertes… Le cadrage très précis de ces photographies impose des grandes carcasses métalliques, ces palettes qui s’empilent au-dessus de ce canal ou encore cet escalier perdu dans l’immensité d’une façade. Il est difficile pour le spectateur de savoir ce qu’il distingue. Il est intrigué par ces lieux normalement ignorés, oubliés par le passant.
Mais là où tout le monde passe, Olivier Roche s’est arrêté pour comprendre cette présence/absence ressentie devant ce type d’endroit. Ce malaise exprimé par cette neige qui ne recouvre pas vraiment le sol, cette bâche déchirée, ce ciel gris… qui sont autant d’éléments accentuant l’ambiance fantomatique des images. Des lieux qui ne savent pas vers où aller comme nous ne savons pas où regarder. Paysages insondables naviguant entre deux temporalités, ni friches industrielles, ni zones d’activité. Ces lieux déserts ne sont donc pas totalement abandonnés mais portent avec eux la tristesse d’un abandon certain, de leur sens d’abord. Et le photographe semble avoir été fasciné par ces endroits immenses que produit notre société industrielle puis qu’elle laisse ainsi sur le bord de la route, vides de signification.
Surtout, les photos à la fois floues et nettes jouent habilement et avec beaucoup de sensibilité sur cette sensation bizarre d’être face à des lieux dans un espace-temps différent mais bien ancrés dans notre quotidien. C’est bien la force et l’originalité de ces images de choisir, non pas un point de vue réaliste pour saisir le temps qui passe – vision déjà vue, mais de prendre une forme quelque peu « imaginaire ».
Comme d’autres endroits plus « nobles », ces lieux portent avec eux un passé, un présent et un avenir. Une histoire. D’ailleurs à y regarder de plus près, des traces d’activités percent le flou de notre premier regard. Des histoires se racontent ou se figent brusquement dans l’instant photographique. « Voilà ce qu’il reste du dessin des hommes qui se réapproprient la couleur d’une aube ou d’un orage. Et que d’un no man’s land, on sent l’humide d’une brume et la paix équivoque d’un instant figé. Voilà qu’on habite pleinement le vide de sens des images d’Olivier Roche » écrit la poétesse Sophie Braganti à propos de ces photos. En effet, en recherchant ainsi à exprimer par l’image cette absence de signification (Meaningless) éprouvée au regard de ces lieux, l’artiste touche à la frontière ténue qui sépare parfois le passé du futur, le vide de sens du plein de significations, et donc la réalité de la vie de l’irréalité de la mort.
Julien Camy
Meaningless d’Olivier Roche, jusqu’au 31 août 2013
Galerie Art06, 13 avenue Pauliani à Nice
Du mardi au samedi de 14h à 19h.