AYA DE YOPOUGON de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie .
La vie quotidienne des Adolescentes d’Abidjan dans les Années 1970. La bande dessinée adaptée au cinéma par ses créateurs. Une « Saga Africa » féminine savoureuse toute en clins d’oeil , bons mots , portraits et petites notes sociales . Chaleur !…
Si vous ne connaissez pas la Bande dessinée, le film produit par l’équipe de Le Chat du Rabin de Joann Sfar, qu’en ont tiré ses auteurs vous donnera envie … c’est bien le moins qu’ils pouvaient faire !. Nous voici donc images animées et quelques « pubs » d’époque qui font la pause entre deux « conciliabules », et/ou « disputes » qui en disent long sur les mentalités dans une contrée où la parole est une manière de se libérer. Et Aya, la narratrice, et ses copines Adjoua et Bintou, ne manquent pas de la pratiquer quotidiennement avec leurs mots-codes remparts complices qui leur permettent de faire face à tous les débordements. Qu’il s’agisse des sollicitations des dragueurs, les « genito » ( play -boys) des pistes de danse prêts à tout pour arriver à leur fins, ou encore, pour se préserver de la curiosité familiale, comme du qu’en dira-t-on.
Bref pour Aya et ses copines qui ont l’âge de rêver au Prince charmant et à se laisser emporter dans le tourbillon, c’est pas toujours simple. Car le danger menace ces Cendrillons Africaines qui veulent sortir, s’amuser et aller courir les « môgôs ».
Comment résister à l’appel des pistes de danse des bars de nuit et au rêve d’y rencontrer le Prince charmant ?. Il y a aussi l’envie et l’insouciance de la jeunesse propice à se laisser aller à défier les tabous et une certaine société de pouvoir et d’argent qui s’affiche sans vergogne et fait miroiter au soleil ses villas et ses palaces de luxe.
Au cœur de l’Afrique enchantée et de ses couleurs qui éclatent, les fruits de cette jeunesse vivante et vibrante vont aussi éclater et se heurter au réel . Le danger qui guettait de se faire « enceinter » par le premier venu franchi par Adjoua, va mettre le feu au poudres et révéler les tensions familiales et sociétales qui en découlent. Mensonges et rapports de force et de classes qui se défient et se radicalisent forment le fil rouge prétexte d’un récit qui se plaît , avant tout, à individualiser de jolis portraits de personnages qui, à l’image d’Aya et ses copines, deviennent emblématiques à la fois d’un groupe social et ( ou ) familial. A cet égard est savoureux celui des deux familles- celles d’Adjoua et de Moussa le fils du grand fabriquant de bière Africaine – contraintes de s’entendre pour raison majeure de paternité …
Ainsi au delà des couleurs, des parfums , du langage , de l’humour et des traits réalistes qui, habilement, évitent les clichés véhiculés habituellement sur l’Afrique , les auteurs ont cherché avant tout a traduire ce bouillonnement de la vie quotidienne d’une communauté où se côtoient les religions et les couches sociales. Une communauté qui se retrouve confrontée à ces mêmes maux quotidiens et universels des rapports avec la vie familiale ( couple, enfants) , sociale et professionnelle. Au cœur de celle -ci, Aya et ses copines, sont porteuses d’un certain désir d’émancipation confronté au respect des valeurs et coutumes , et au delà d’elles , il y a leurs mères détentrices de cette force motrice que représente la femme Africaine pour faire évoluer sa condition.
De la même manière que d’autres portraits, comme celui d’Hervé le garçon amoureux d’Aya ou celui de Félicité la bonne d’Aya , reflètent une certaine réalité et symbolisent le courage et la volonté de vouloir se sortir de leur condition . Hervé, celle des milliers d’enfants de familles pauvres qui ne peuvent les élever et qui se retrouvent souvent objets serviles de familles d’accueil qui les exploitent. Et Félicité, la bonne, qui apprend à lire et a écrire pour espérer un jour un autre avenir. Enfin, le portrait en miroir de Moussa Sissoko l’incapable enfant de riche et de son père chef d’ entreprise, homme de pouvoir, symbole de cette génération d’hommes d’affaires héritée du colonialisme , et qui en perpétue les valeurs et les méthodes .
Des notes réalistes au cœur d’une , enjouée et sympathique, animation Française qui sous le soleil, le rire , les bons mots , les frasques , les palabres, et les chansons qui décline la petite musique d’une imagerie animée fruit des qualités d’un travail effectué dans les studios spécialisés .
(Etienne Ballérini )
AYA DE YOPOUGON de Marguerite Ebouet et Clément Oubrerie.
Avec les voix de : Aïssa Maïga, Jacky Ido, Tella Kpomahou, Tatiana Rojo.