Sélectionné à Berlin en février de cette année, Incroyable mais vrai sort après Fumer fait tousser, présenté en Séance de minuit à Cannes en mai dernier. Les 10e et 11e comédies déjantées de Quentin Dupieux.

Exercice périlleux que de résumer le scénario sans gâcher le plaisir du spectateur…
Le film se focalise sur deux couples, ayant chacun un secret très singulier, et l’histoire hors normes qu’ils vivent. D’où le titre Incroyable mais vrai, qui était celui d’une émission télévisée présentée par Jacques Martin au début des années 1980. Alain (Alain Chabat), agent d’assurances « mou du gland », et Marie (Léa Drucker), « coincée », un couple de quinquagénaires sans enfant, veulent enfin être propriétaires et envisagent d’acheter un pavillon défraîchi et trop grand pour eux. L’agent immobilier a un argument de choc pour conclure la visite et les emmène au sous-sol, où se trouve « le clou de la visite ». Sous une trappe, un conduit qui s’enfonce dans les fondations de la maison… Alain et Marie achètent le bien et emménagent. Si ce trou va changer leur vie, il n’a rien à voir avec celui du film homonyme de Jacques Becker, et peu avec celui de The Hole de Tsai Ming Liang, où il représente le passage obligé entre la solitude et l’amour, ou du long métrage de Joe Dante qui mène des ados vers « un monde défendu qui n’aurait jamais du être découvert ». Nous sommes quand même chez Quentin Dupieux…

Alain et Marie découvrent rapidement qu’ils ont pour voisin un autre couple, Gérard (Benoît Magimel), beauf macho, mais ami d’enfance et patron d’Alain, et Jeanne (Anaïs Demoustier), une nymphette un peu gourde qui tient une boutique de lingerie. Au cours d’un dîner mémorable (pour le spectateur), Jeanne meurt d’envie de révéler « un truc dingue » sur leur couple… Au passage, on soulignera que les nouveaux venus dans l’équipe, Léa Drucker et Benoît Magimel, réussissent parfaitement leur intégration face aux « anciens » et habitués Alain Chabat et Anaïs Demoustier.
Voilà pour l’introduction d’un film au ton décalé et loufoque, bien dans l’esprit et l’univers des précédents Quentin Dupieux, que les inconditionnel(le)s soient rassuré(e)s.
Plus rigoureux dans sa conception, Incroyable mais vrai apparaît cependant, à la fois comme une comédie déjantée et un conte philosophique qui aborde des sujets bien réels et contemporains : l’usure au sein du couple, la recherche de la performance à tout prix, la quête de l’éternelle jeunesse et son corollaire, la peur de vieillir.

Une scène de la fin (des fourmis sortant d’une main) est nettement un clin d’œil à un Chien Andalou de Luis Buñuel (et Salvador Dali) et renvoie au surréalisme, mais d’autres références, conscientes ou non, évoquent d’avantage la littérature fantastique. Ainsi, le conduit peut être vu comme le terrier du Lapin blanc (gardien du temps…) d’Alice au pays des merveilles (le rongeur est ici remplacé par un minou errant), Marie croque une pomme pourrie qui pourrait être le fruit empoisonné de Blanche-Neige, et son obsession à redevenir jeune fait penser à un Portrait de Dorian Gray au féminin. Néanmoins, le réalisateur (et auteur-compositeur) ne semble pas prendre un nouveau chemin et demeure fidèle à son cinéma. Tourné après, Fumer fait tousser (sortie dans les salles annoncée pour fin novembre) en témoigne.
Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux avec Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel, Anaïs Demoustier, Stéphane Pezerat (Comédie déjantée – France – 2022 – 1h14 – Date de sortie : 15 juin 2022)
A voir
Teaser 2 du film (Diapahna – Mai 2022)
Teaser 3 du film (Diaphana – Mai 2022)
Entretien Alain Chabat, Quentin Dupieux, Benoît Magimel (Pathé/Gaumont – Juin 2022 – 17mn)
Philippe Descottes