Sélection officielle – En compétition

Boy from Heaven (Walad Min Al Janna) de Tarik Saleh (Thriller/Drame – Suède, Danemark,Finlande, France, – 2h06mn)
Réalisateur suédois d’origine égyptienne, Tarik Saleh avait été remarqué en 2017 avec l’excellent Le Caire Confidentiel, un polar prenant pour point de départ le meurtre d’une jeune chanteuse de variétés dans un hôtel de luxe, au Caire en 2011, à la veille des manifestations de la place Tahrir qui déboucheront sur la Révolution égyptienne…
Avec Boy from Heaven, il accède pour la première fois à la Compétition officielle. Il nous emmène à nouveau au Caire. Dans le précédent, le tournage avait eu lieu au Maroc. Cette fois, c’est en Turquie et dans la mosquée Süleymaniye d’Istanbul qu’il s’est déroulé.
Adam (Tawfeek Barhom), simple fils de pêcheur quitte son village natal pour intégrer la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’Islam sunnite. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l’institution meurt soudainement. Selon le règlement, il va falloir en élire un nouveau. Zizo, un étudiant, le mentor d’Adam, est bientôt assassiné. L’inspecteur Ibrahim (Fares Fares, déjà inspecteur dans Le Caire…, méconnaissable) est chargé d’enquêter…
Ce thriller fait penser à la fois Au nom de la rose, de Jean-Jacques Annaud, pour l’enquête monacale, mais aussi à Habemus papam (2011), de Nanni Moretti, pour l’élection du dignitaire religieux. Mais, comme dans Le Caire Confidentiel, il tient compte de la réalité politique. En Egypte, où le maréchal Sissi a succédé à Hosni Moubarak, « pouvoir » s’écrit au pluriel. Il y a le religieux et le politique, celui de l’État (avec l’armée). A son insu, l’ingénu Adam se retrouve au cœur d’une lutte de pouvoirs implacable dans laquelle tous les coups sont permis… Celle qui touche l’institution religieuse, confrontée à une guerre de succession, entre conservateurs voire ultras et modérés, mais aussi aux ambitions d’un tartuffe (prêchant la vertu… et « grand pécheur » par adultère, accro au McDo de surcroît !). Et puis, il y a celle qui concerne, en interne, l’État (et ses services – comme la Sûreté) qui entend bien jouer sa carte dans cette élection. On comprend mieux le pourquoi de l’impossibilité de Tarik Saleh de tourner dans la capitale égyptienne.
Adam (« le garçon du paradis » du titre, également surnommé « Ange ») peut-il compter sur Ibrahim ? A-t-il les épaules (ou les ailes) assez larges ?N’est-il pas un agneau pré-désigné au sacrifice (au nom de la religion ou de la raison d’Etat) ?
Les réponses en allant découvrir Boy in heaven, thriller ou enquête policière, tournée presque en huis-clos (d’où quelques longueurs sur la durée) lors de sa sortie dans les salles prochainement (nous aurons l’occasion d’y revenir).
Boys from Heaven de Tarik Saleh, avec Fares Fares, Tawfeek Barhom, Mohammad Bakri, Sherwan Haji (Thriller/Drame – Suède, Danemark, France, Finlande- 2h06mn – Date de sortie dans les salles : novembre 2022)
La bande annonce du film (Vostf – 1mn25)
La conférence de presse (Festival de Cannes – Vostf – 37mn)
Cannes Première

La nuit du 12 de Dominik Moll (Drame/Policier – France/Belgique – 1h54)
De Dominik Moll on se souvient de Harry, un ami qui vous veut du bien (récompensé par quatre César en 2001) et de Leming (2005) présentés à Cannes. Son « dernier film », Seules les bêtes (2019), était l’adaptation du roman noir éponyme de Colin Niel. Changement de décors avec La Nuit du 12, on quitte la Lozère et le causse Méjean pour Saint-Jean-de-Maurienne et Grenoble. De nouveau, le réalisateur (et Gilles Marchand, son scénariste habituel) s’est inspiré d’un livre, des deux derniers chapitres de 18.3. Une année à la PJ de Pauline Guéna.
La disparition inquiétante d’une femme et une enquête de la gendarmerie qui patauge étaient au cœur de Seules les bêtes… La nuit du 12 en question, Clara rentre seule chez elle après une fête entre copines. Sur le chemin, elle est agressée par un individu encapuchonné qui l’arrose d’essence et allume un briquet. Elle meurt brûlée vive. Yohan (Bastien Bouillon, qui était gendarme dans Seules les bêtes), fraîchement promu chef de groupe à la PJ de Grenoble, est chargé de l’affaire. Il fait équipe avec Marceau (Bouli Lanners). Dans les premières minutes du film, un intertitre indique que sur les 800 enquêtes annuelles menées par la police, 20 % restent irrésolues. Celle de La Nuit du 12 est l’une d’entre-elles. Ainsi, le spectateur est prévenu d’emblée. Il n’y aura pas de coupable. Dominik Moll le fait néanmoins pénétrer au cœur d’une enquête qu’il va suivre pas à pas emmené par le duo hétéroclite (mais très convaincant) Bastien/Bouillon/Bouli Lanners. Si l’on réduit le film à une simple intrigue policière, ce ne sont pas les suspects qui manquent, ils ont tous une ou des raisons d’avoir provoqué la mort de Clara. Une tache ardue pour des policiers sous pression et en manque de moyens (humain et financier). Mais La Nuit du 12 n’est pas qu’un polar à la française. Il est aussi un film féministe qui pose des questions sur la masculinité. Le réalisateur : « (…) les personnages masculins sont confrontés à la violence d’autres hommes envers des femmes. Nous souhaitions montrer ce que ces violences leurs renvoient de leur propre masculinité et de leur propre violence ». Les suspects ou les flics du commissariat sont machistes ou misogynes. Clara passait pour une fille facile, alors… « elle a bien cherché ce qui lui est arrivé » ! Quant aux flics du commissariat, ils sont machistes. A l’opposé, les femmes apparaissent peu de temps à l’écran, mais leur apport est déterminant. Nanie, la copine de la victime, recadre Yohan : « Clara a été tuée (…) parce qu’elle était une femme ». La juge charge Yohan de reprendre l’enquête à laquelle il avait dû renoncer. Quant à Nadia, la nouvelle enquêtrice, elle questionne Yohan sur le fait que ce sont des hommes qui commettent les crimes et que « ce sont majoritairement des hommes qui sont chargés de les résoudre ».
La Nuit du 12 de Dominik Moll avec Bastien Bouillon, Bouli Lanners, Johann Dionnet, Théo Cholbi, Mouna Soualem, Anouk Grinberg (Policier/Drame – France – 2022- 1h54 – Date de sortie : à déterminer).
La bande annonce du film (Haut & Court – Mai 2022 – 1mn50).
Site officiel du Festival de Cannes
Le Festival de Cannes sur France.tv
Philippe Descottes