La thématique de l’adoption et de la paternité, est au cœur du premier long métrage du cinéaste Italien. Le jeune neveu d’un couple stérile sollicité pour servir provisoirement de père de l’enfant d’une jeune Polonaise, afin de leur faciliter l’adoption . Un récit poignant tout en petites touches, justes et sensibles …

Né à Rome en 1983, le jeune cinéaste Italien , après des débuts de Photographe est passé au cinéma par l’assistanat à la réalisation, s’y révélant par ses courts métrages primés dans les festivals internationaux . Il sera même sollicité par la télévision Italienne en 2005 , pour diriger des épisodes de la célébre série : Commissaire Montalbano. A l’évidence Sole , son premier long métrage est une sorte d’aboutissement thématique et stylistique, dont étaient porteurs ses premiers essais courts . Il y abordait déjà , en effet, l’ approche intimiste d’une Jeunesse confrontée aux drames familiaux comme dans Sofia ( 2008 ) où il est question d’autisme . Mais aussi , par les documentaires ( Le fil d’Ariane / 2012 et Alive, Histoires de Survivants / 2014 ) y décrivant les jeunes vies bouleversées par l’exil , les violences faites aux femmes , la prostitution et l’abandon d’enfants ( Cargo / 2012 et Valparaiso / 2016 ). Une approche crue de la violence quotidienne et des formes de soumission mercantile qu’elles générent dont on retrouve l’écho , ici, dans Sole son premier long métrage , porté par la composition formelle et stylistique d’une mise en scène épurée , que complète une direction d’acteur prodigieuse dans la gestuelle expressive et les non-dits suggérés par les regards, les gestes ou les dialogues réduits à l’essentiel de la plus simple expression . On est, dès les premières images littéralement happés par cette approche , via laquelle le cinéaste nous expose l’enjeu cité du « deal » à la limite de la légalité , auquel l’exposera son oncle . « en italie, la maternité de substitution ou la maternité pour autrui est illégale. Mais il existe de nombreux moyens pour la détourner, c’est ce que j’ai appris lors de l’écriture du film…» , dit-il. Et c’est , ce qui l’a poussé à explorer les arcanes de ce « trafic d’enfant », qui en résulte afin d’en mesurer les enjeux et les ressentis personnels des individus qui y sont confrontés . C’est la belle idée de son récit , explorant les motivations du couple stérile prêt à tout pour assouvir le désir d’enfant , et de ce jeune couple fictif devant servir d’alibi et dont le vécu quotidien, va être bouleversé : « Ermanno parcequ’il doit faire semblant d’être père … et Léna déterminée à vendre sa fille , tous deux qui se retrouvent confrontés à des conflits émotionnels… », souligne le cinéaste. Dès lors ces conflits et leur vécu , seront au cœur de son récit , avec tout ce qui s’y joue de ressenti, qui va mettre chacun à l’épreuve …

Ermanno ( Claudio Segaluscio, prodigieux) sous emprise de son oncle qui ne lui octroie qu’une petite compensation financière … pour service rendu !. Ce dernier et sa femme qui marchanderont cyniquement le prix à payer pour l’enfant, et qui seront omniprésents à la surveillance quotidienne d’ Ermanno et de Lena ( Sandra Drzymalska ) la jeune Polonaise de 22 ans enceinte de l’enfant qu’elle ne veut pas garder. Le couple stérile , lui imposant examens et scanners de contrôle d’évolution de la grossesse , ainsi que la signature des documents de reconnaissance de paternité par Ermanno . En l’attente de la future adoption , le couple va mettre en place la stricte procédure d’installation dans un appartement où Ermanno et Lena vont loger, en attendant la naissance de l’enfant et en assurer la garde … jusqu’à ce que la procédure d’adoption ait lieu . Le quotidien de la grossesse de Léna sous surveillance, puis celle -ci avançant et l’imagerie par scanner révélant que ce sera une petite fille et qu’elle est en bonne santé ! …elle portera le nom de Sole ( Soleil ) . Et sa naissance prématurée , qui va quelque peu bouleverser la donne complétée par un allaîtement maternel que Léna devra prolonger : sa fille refusant, le biberon de substitution !. Le délai d’adpotion donc provisoirement repoussé irritant l’oncle et sa femme. Les tensions qui s’installent entre Ermanno et son oncle lui refusant l’aide financière provisoire supplémentaire pour les dépenses de cette période, réveillant entr’eux dès lors les vieilles rancoeurs et tensions. Cet oncle toujours aussi rigide et distant …qui n’a jamais été présent pour son neveu livré à lui-même , y compris après le suicide de son père ! . Ermanno alors, se braque humilié de se sentir utilisé … et si peu considéré ! . Ce soutien moral auquel il n’ a jamais eu droit et qui l’a fait basculer dans la petite délinquance et devenir addictif aux machines à sous !. Alors , grâce à l’arrivée de la petite Sole et le quotidien prolongé par les circonstances, va imperceptiblement changer la donne . La défiance de départ et les rares échanges avec Lena ( les sorties d’Ermanno en solitaire , Lena restant le plus souvent enfermée …) , vont petit à petit , avec la promiscuité , et puis surtout avec l’a rrivée et la présence de Sole ouvrir des brèches. Est-ce la présence cette nouvelle petite âme dont il est le père provisoire … auquel l’infirmière à l’hôpital, lui a dit : « prenez- là dans vos bras, elle a besoin de sentir votre présence ! … » . Une injonction et un geste ont-ils rallumé la petite étincelle .?… à l’évidence de voir cette petite âme , rassurée lorsqu’il la prend dans ses bras et qui cesse de pleurer !, voilà qui éveille en lui le sentiment de compter pour quelqu’un !. Magnifique séquence. Et Léna la mère de Sole qui lui a été imposée par le « deal » , et qu’il regardera désormais avec un peu moins de défiance avec la présence de la petite dont il leur faut tous deux s’occuper. La superbe scène de la panne de lumière, où c’est à celle de la flamme de la bougie, qu’Ermanno et Lena ensemble pour le première fois , vont donner à Sole, son bain !. Imperceptiblement les distances s’estompent, à l’image de cette lumière du jour et du bleu de la mer qui se reflète sur les murs intérieurs d’une maison… qui reprend lumière et vie : Les regards d’Emanno et Lena ne se fuient plus , une attirance imperceptible et muette, semble alors , se nouer …

Et cette vie, s’y insinue presque par effraction… mais sans doute pas ! Car, n’est-ce pas le sel de la vie qui tout à coup avec Sole s’immiscera malgré eux , au cœur des solitudes de l’orphelin italien et de la jeune migrante Polonaise , que le destin d’un enjeu d’adoption à réunis ? . Carlo Sironi en esquisse un magnifique portrait sensible en forme de voyage intérieur bouleversant, porté par les deux protagonistes exceptionnels dans ce qu’ils transcrivent de ressenti, de frémissements et d’émotions retenues qui semblent parfois les submerger, et les dépasser . Ce « vibrato intérieur » dans lequel chacun les tient enfermées et cherche à garder encore , par pudeur, le secret de l’ immense soulagement intérieur ressenti. Les esquisses de regards, de gestes ou de dialogues balbutiés , en laissent parfois échapper par inadvertance des signes . C’est alors, l’admirable mise en image et en perspective de la mise en scène, qui s’approprie en leur nom, l’expression des non-dits de leurs coprs en mouvement au cœur de ses cadrages , des espaces et de leur lumière, offrant le complément visuel émotionnel concocté par le magnifique travail de Gergely Poharnok , le directeur de la photographie. Le soleil que la petite fille si bien nommée, a fait entrer dans les vies de ce « couple de circonstance » , est celui de l’espoir et d’une sorte de retour à la vie qu’il illumine et ouvre , à un possible futur . Et cette histoire « …entre deux personnages qui ne savaient pas ce qu’était l’amour dans le sens le plus élévé du terme : vont apprendre à s’occuper l’un de l’autre », le cinéaste l’habille d’une réflexion sur la parentalité et de ce que représente : fonder une famille, l’élargissant aux liens d’affection qui peuvent se nouer aussi hors de liens biologiques. A l’impact des images d’une mise en scène dont on a souligné ci-dessus les qualités, il y ajoute celle des émotions générées par leurs solitudes respectives. Celles de la pudeur mélancolique du ressenti «… d’un sentiment d’abandon qui l’accompagne dont ce manque d’appartenance que ressentent Ermanno et Léna , qui est peut-être le même … pour beaucoup de jeunes d’aujou’hui! » , dit-il . Le cadre de la banlieue de cette ville balnéaire et de ce quartier de Nettuno et son architecture intemporelle lui offre une dimension universelle , qu’accentue le choix minimaliste des dialogues , enveloppant cette « pudeur » des émotions et du ressenti amoureux , qu’Ermanno et Léna essaient de cacher : « Le cinéma a ce pouvoir magique de faire ressentir au spectateur, ce que les personnages ne disent pas… », relève le cinéaste qui joue admirablement sur ce rapport , que le choix du format de l’image ( 1 : 1. 33 ) enfermant dans son cadre étroit , Ermano et Léna, prisonniers de leurs vies . Un regard fort et puissant porte son film, qui a conquis les spectateurs et les différents jury de nombreux festivals internationaux qui l’ont couronné de leurs prix ( Venise,Toronto, Montréal , et ceux de Munbai en Inde, de Pinhyao en chine, et de Villerupt et Montpellier en France) . Alors n’hésitez pas à vous laisser séduire à votre tour. Sole est un grand film, premier long métrage signé par un metteur en scène pétri de talent, et à suivre . Ne le manquez surtout pas !…
(Etienne Ballérini)
SOLE de Carlo Sironi – 2020 – Durée : 100 minutes
AVEC : Sandra Drzymalska, Carlo Segaluscio, Barbara Ronchi, Bruno Buzzi, Marco Felli, Orietta Notari , Vitaliano Trevisan …
LIEN : Bande -Annonce du film SOLE de Carlo Sironi – Les Valseurs Distribution-