Né à Paris dans le XIVe arrondissement, Michel Audiard (décédé le 28 juillet 1985) aurait eu 100 ce vendredi 15 mai.
Dialoguiste et scénariste (mais aussi réaliasteur et romancier), Michel Audiard est le digne successeur de Jacques Prévert, Jean Aurenche, Charles Spaak et Henri Jeanson. Dans la préface de l’ouvrage qu’il a édité, Audiard par Audiard (2005), René Chateau écrit : « En plus de trente ans de carrière, cet exceptionnel auteur a donné au métier de dialoguiste ses lettres de noblesse. Jean Gabin, Lino Ventura, Alain Delon, Bernard Blier, Belmondo, Annie Girardot, Mireille Darc, Maurice Biraud, et bien d’autres lui doivent leurs plus belles répliques. Sa verve et son sens inné de la repartie reflètent à eux seuls tout l’esprit de la langue française. De l’élégance à la gouaille, du cynisme à l’humour, Michel Audiard faisait parler les mots comme personne. Il se définissait lui-même comme un « orfèvre en imbécillité », puisant son inspiration dans des remarques entendues au comptoir des bistrots aussi bien que dans son immense culture littéraire. C’est peut-être dans ce mélange si particulier que réside le secret de son alchimie verbale ».
Outre les répliques, un chapitre reprend des textes de ses chroniques, portraits ou polémiques et une sélection de ses propos, extraits de différents entretiens. Certains révèlent ses côtés obscurs.
Nous vous proposons une (petite) sélection d’une trentaine de répliques (ou d’extraits de dialogues) pour une trentaine de films. Certaines sont très connues et devenues « cultissimes », beaucoup le sont moins voire même pas du tout (…comme plusieurs longs métrages) :
– A vingt ans quand on joue à la grande aventure, il y a tout de même des petites minutes d’émotion, c’est naturel. Ils s’amusaient comme ils s’aimaient – sans regarder leurs montres. Ils avaient l’éternité devant eux. A cet âge, l’éternité, c’est l’affaire de quelques minutes.
Louis Jouvet (Une Histoire d’Amour de Guy Lefranc – 1951)
– Les têtes d’assassins, on ne les reconnaît qu’une fois dans le panier… et encore, pas toujours.
Raymond Souplex (Garou-Garou Le Passe-Muraillede Jean Boyer – 1951)
– Autrefois tu n’aurais remarqué personne
– Tu m’aimais.-
Mais depuis je t’ai épousée.
Dany Robin/François Perier (Elle et Moi de Guy Lefranc – 1952)
– Une amitié pour être bien trempée doit l’être dans le sang des autres
Le narrateur (Les Trois Mousquetaires d’André Hunebelle – 1953)
– C’est à vous tout ça ? Un jour vous ferez du cinéma, mon petit.
– Ça m’étonnerait, je ne suis pas comédienne.
– Raison de plus.
Henri Vidal/Une barmaid (Série noire de Pierre Foucaud – 1955)
– Autrefois les femmes tenaient la maison, repassaient le linge et briquaient les cuivres. Aujourd’hui elles votent et lisent la Série noire. Résultat !
– Résultat ?
– Résultat… au marché, ces dames se font refiler des pommes blettes !
Jean Gabin/Jeanne Moreau (Gas-oil de Gilles Grangier – 1955)
– J’ai vingt-trois ans, des yeux noirs, la forme du visage ovale. Je ne suis plus vierge mais mon casier judiciaire l’est encore. Tu sauras le début en regardant mon passeport et le reste en me prenant dans tes bras. C’est tout simple, non ?
Nadja Tiller/Jean Gabin (Le Désordre et la nuit de Gilles Grangier – 1958)
– C’est une amoureuse née.
– Pourquoi ne dis-tu pas franchement une idiote ?
Michèle Morgan/Daniel Gélin (Retour de manivelle de Denys de La Patellière – 1958)
– N’oublie pas ce qu’a dit le médecin : cinq gouttes. La posologie ça s’appelle. Et de la posologie au veuvage, c’est une question de gouttes !
Bernard Blier (Archimède le clochard de Gilles Grangier – 1959)
– Un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche.
Maurice Biraud (Un Taxi pour Tobrouk de Denys de La Patellière – 1961)
– On pardonne aux jolies femmes de se regarder dans les glaces… et on blâme un homme intelligent de s’écouter parler… Pourquoi ?
Michèle Morgan (Les Lions sont lâchés d’Henri Verneuil – 1961)
– On est gouverné par des lascars qui fixent le prix de la betterave et qui ne sauraient pas faire pousser des radis.
Jean Gabin (Le Président d’Henri Verneuil – 1961)
– Dans la vie il y a deux expédients à n’utiliser qu’en dernière instance : le cyanure ou la loyauté
Jean Gabin (Le Gentleman d’Epsom de Gilles Grangier -1962)
-Monsieur Esnault, si la connerie n’est pas remboursée par les Assurances Sociales, vous finirez sur la paille
Jean-Paul Belmondo (Un Singe en Hiver d’Henri Verneuil – 1962)
– Dans la vie, pourquoi ne pourrait-on pas tout avoir ? Puisqu’il y en a qui n’ont rien !… Ça rétablirait l’équilibre.
Louis de Funès (Carambolages de Marcel Bluwal – 1963)
– Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît
Lino Ventura (Les Tontons flingueurs de Georges Lautner – 1963)
– Ton père et moi tu nous feras mourir de chagrin.
– Tant mieux comme ça on retrouvera pas l’arme du crime
Germaine Montero/Alain Delon (Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil – 1963)
– La vérité n’est jamais amusante. Sans cela tout le monde la dirait.
Lino Ventura (Les Barbouzes de Georges Lautner – 1964)
– Quand les types de cent trente kilos disent certaines choses, les types de soixante kilos les écoutent.
Jean-Paul Belmondo (Cent mille dollars au soleil d’Henri Verneuil – 1964)
— Moi je dis et je prétends que le mariage c’est ce qui différencie l’homme de la bête.
— Vous devez confondre avec le rire. C ‘est pourtant pas la même chose.
Jean-Paul Belmondo/Claude Rich (La Chasse à l’Homme d’Edouard Molinaro -1965)
– Ce que tu peux être con ! T’es même pas con, t’es bête. Tu vas jamais au cinoche, tu lis pas, tu sais rien. Si ça se trouve, t’as même pas de cerveau. Quand on te regarde par en dessus, on doit voir tes dents.
Georges Géret (La Grande Sauterelle de Georges Lautner – 1967)
– La dialectique, c’est avec ça qu’il m’a eue Alfred, la dialectique et les manières. Rien que sur sa façon de passer les portes, il y aurait des livres à écrire, c’est pas comme, il y en a qui vous les foutent dans la gueule, lui, il passe devant bien sûr et il vous la tient : « Pardon Madame »… une classe folle !
Marlène Jobert (Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des Canards sauvages de Michel Audiard – 1968)
– Quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner.
Jean Gabin (Le Pachade Georges Lautner -1968)
– Autrefois on cantonnait les loufs dans des réserves, un peu comme les Indiens d’Amérique… À Charenton… À Perray-Vaucluse… Maintenant on les met dans des boîtes, des cabanons roulants. Production annuelle : trois millions de voitures ! Le plus grand asile de France !
Jean Gabin (Sous le signe du Taureau de Gilles Grangier – 1969)
– C’est sous un eucalyptus qu’Antoine m’a sautée la première fois. La deuxième fois, c’était sous un pommier au Touquet. Après, c’était un peu partout. J’connais tous les arbres de la forêt de Fontainebleau. Jamais plus, je ne grimperai aux arbres !
Michèle Mercier (Une Veuve en Or de Michel Audiard – 1969)
– Il y a des aristocrates et des parvenus dans la connerie comme dans le reste.
Jean-Pierre Marielle (Comment réussir quand on est con et pleurnichard de Michel Audiard – 1974)
– Taxi ! Taxi ! Au secours !
– C’est pas ma direction.
Ornella Muti (Mort d’un pourri de Georges Lautner – 1977)
– Je sais bien que t’as pas buté l’autre imbécile, mais t’en as fait flinguer d’autres. Si on ajoute à ça le racket, la drogue et les putes – ça fait une jolie carrière quand même ! Et les vingt ans que tu vas prendre, c’est un peu la médaille du travail qu’on va te remettre.
Jean-Paul Bemondo (Flic ou Voyou de Georges Lautner – 1979)
– Vous savez quelle différence il y a entre un con et un voleur ?
– Non.
– Un voleur de temps en temps, ça se repose
Jean-Paul Bemondo/Georges Géret (Le Guignolo de Georges Lautner – 1980)
– La justice, c’est comme la Sainte-Vierge, si on la voit pas de temps en temps, le doute s’installe
Philippe Noiret (Pile ou Face de Robert Enrico – 1980)
– Si vous mettez la moitié de mes michetons au placard et que vous butez l’autre moitié, je vais me retrouver à poil, moi !… Enfin, c’est une image.
Marie-Christine Descouard (Le Professionnel de Georges Lautner – 1981)
– Les médiocres se résignent à la réussite des êtres d’exception. Ils applaudissent les surdoués et les champions. Mais la réussite d’un des leurs, ça les exaspère.
Michel Serrault (Garde à vue de Claude Miller – 1981)
– J’ai oublié de vous dire… M’attendez pas devant. Le personnel sort par l’entrée des artistes.
– A quoi je vous reconnaîtrai ?
– Les poubelles sont en plastique jaune, moi en plastique bleu.
Isabelle Adjani/Michel Serrault (Mortelle randonnée de Claude Miller – 1983)
— Vous connaissez le poète allemand Henrich Heine. Au moment de sa mort il a dit : « Dieu me pardonnera parce que c’est son métier».
— Ce n’est malheureusement pas le mien. Vous tuez, Dieu pardonne, moi j’enquête.
Charlotte Rampling/Michel Serrault (On ne meurt que deux fois de Jacques Deray – 1985)
A voir également :
Gros plan sur Michel Audiard (1976 – 26mn – Les Archives de la RTS)
Michel Audiard : Portrait (2015 – 5mn16 – Entrée Libre)
Michel Audiard à Apostrophes (1978 – 11mn – INA Culture)
Jean Gabin, Michel Audiard, une histoire d’amitié (1970 – 10mn42 – INA Stars)
Michel Audiard à propos de l’écriture d’un film et d’un roman (1980 – 7mn31 – INA Stars)
Les livres sur Michel Audiard
Philippe Descottes
[…] le monde éclate de rire », que Michel Piccoli l’appelait le « mélancomique » et que Michel Audiard a dit de lui : « Le môme Dabadie, il est bien le seul à ne m’avoir jamais fait les […]
[…] (1976). Policier avec Jean-Paul Belmondo et Bernard Blier. Scénario signé Félicien Marceau et Michel Audiard. Musique : Francis Lai. France 5 à 20h55 La tour de Nesle d’Abel Gance (1955). […]
[…] Le Figaro 5 verbes rares (et irrésistibles) de la langue française (14/5) (lien) La Montagne "La" covid et le vilain "cluster" (14/5) (lien) Alternatives économiques De quoi la distanciation sociale est-elle le nom ? (14/5) (lien) Ciao viva la culture Michel Audiard aurait eu 100 ans ce vendredi 15 mai : Quelques répliques (14/5) (lien) […]