Un jeune délinquant attiré par la religion se présente en prêtre dans un village Polonais pour y officier. il surprend la communauté villageoise par ses serments enflammées bousculant le conservatisme , les haines et l’hypocrisie ambiante. Un film -miroir passionnant sur les maux d’une société et ses dérives. A ne pas manquer…

On découvre, Daniel ( Bartosz Bielenia, magnétique ) 20 ans, dans un centre de détention pour jeunes délinquants pour avoir commis un meurtre à l’âge de 15 ans . La séquence d’ouverture nous plonge dans cet univers où s’y répercute dans des scènes de conflits et de bagarres entre détenus , la violence extérieure qui les y a conduits , offrant le constat accablant de l ‘impuissance de la réponse à y apporter. Au cœur de celle-ci Daniel trouve refuge et consolation auprès du père Thomas l’aumônier des lieux dont la bienveillance et la force des sermons le touchent au point de faire envisager à Daniel , des études de séminariste . Mais le crime commis par celui-ci le lui interdisant , l’aumônier lui laisse entrevoir alors , une porte de sortie et l’encourage à partir se réinsérer dans une région éloignée du Sud du Pays où il pourra être accueilli sur ses conseils , pour y travailler dans la menuiserie d’une petite ville . La loi Polonaise stipulant-en effet -qu’un enfant mineur criminel sera libéré à ses 21 ans afin de lui permettre de se réinsérer dans la société . C’est donc dans cette menuiserie, que Daniel va pouvoir commencer son chemin , arrivé sur les lieux et à la faveur de la rencontre d’une jeune fille, Marta,qui l’interpelle sur les raisons de sa présence, il lui répond « je suis prêtre » !. Et ça tombe bien puisque le prêtre de la paroisse va devoir suivre une période de cure assez longue et il pourra le remplacer. Ainsi débute l’imposture dans les habits de laquelle Daniel va s’immerger dont le cinéaste- et c’est la belle idée de son récit- nous donnera à nous interroger , à voir et comprendre le cheminement et la sincérité de « la foi » de Daniel : « est-ce que le personnage avait un plan préétabli ou est-ce par hasard qu’il devient prêtre ? Est-ce qu’il va à l’église dans le but de fuir l’usine ? Est-ce son rêve caché d’endosser l’habit ou une mystification ? », explique Jan Komasa qui en pose habilement, l’enjeu d’un désir de rédemption.Celui-ci dévoilant petit à petit par les multiples situations que Daniel va devoir affronter, et les raisons d’un cheminement intérieur dont la confrontation avec ses « ouailles » , va devenir le révélateur…

Celui d’un besoin de reconnaissance dont la sincérité de ses injonctions aux fidèles de l’église du village vont se faire porteuses de messages sur la nécessité du pardon et les refus du rejet de l’autre , par exemple . A cet égard sont prodigieuses les scènes de ses sermons où, pour endiguer la peur, la sincérité des mots et de l’improvisation,s’inscrivent comme une étincelle qui fait mouche. Les villageois conquis, comme l’ont été ceux du fait divers inspirateur du film dont le cinéaste explique :« Il y a eu un cas qui a fait la une des journaux en Pologne : un jeune homme s’est fait passer pour un prêtre pendant environ trois mois…la polémique est née du fait qu’il s’était révélé bien plus efficace que son prédécesseur. C’est ça qui est intéressant, c’était quelqu’un qui n’avait pas baigné dans l’Eglise et qui ne se préoccupait pas du dogme officiel, mais les gens étaient satisfaits de son travail » . C’est de cette sincérité là que le cinéaste habille son récit, qui fait du thème classique du passage à l’âge adulte de son héros en perte de repères , une approche passionnante et originale de son cheminement . Celui d’une reconstruction dont il a été privé comme possibilité d’échapper à cet isolement qui le détruit , et dont est victime aussi cette communauté villageoise qu’un drame a enfermée dans le repli engendrant divisions , fractures et autres rejets comme effets auxquels viennent s’ajouter ceux consécutifs aux effets et conséquences de la rentrée du pays dans l’Union Européenne . Comme le souligne le cinéaste : « les gens se sentent exclus de la marche du monde, de la révolution numérique, ils se sentent abandonnés et se tournent vers une politique conservatrice. Ils s’opposent aux changements, deviennent intolérants envers les étrangers, aujourd’hui ils ont tendance à être nostalgiques du passé. L’avenir leur fait peur », souligne-t-il . Et c’est ce constat là, qu’en parallèle du cheminement de Daniel , le film brosse en forme de constat implacable . Celui que lui permet de traduire avec force, la confrontation,qui, après l’effet de séduction, va opposer Daniel à ses fidèles et à l’origine de laquelle , le drame de cet accident nocturne ayant causé la mort de huit jeunes gens rentrant de leurs festivités . Le chauffeur responsable de l’accident devenant dès lors le « paria » du village , auquel le curé d’alors avait refusé qu’il soit enterré, comme les autres !…

Daniel , face à la haine qui s’est installée va chercher à comprendre et démêler les fils d’un ressentiment qui s’est tissé et a conduit à la division d’une communauté jadis paisible. Au cœur de la chapelle qui les réunis pour les offices , il va tenter en faisant recours à la religion et a ses préceptes fondamentaux « pardonne à ton prochain…pardonner c’est aimer.Aimer quelqu’un malgré sa faute », leur dira Daniel en prêche , en appelant à la raison contre la haine. D’autant que ses multiples investigations lui feront découvrir la vérité ( qu’on vous laisse découvrir …) que presque tout un chacun refusera de voir , aveuglé certes, par la douleur de la perte. Seule Marta , dont le frère a été une des victimes l’aidera, lui donnera quelque précisions et le fera rentrer en contact, notamment, avec la veuve du chauffeur, terrée chez elle par les menaces incessantes dont elle est l’objet ! . Mais pour Daniel , ses injonctions et prêches ou autres tentatives , à l’image de cette séquence de thérapie cathartique collective réunissant les familles des disparus hurlant leur colère, seront vaines!. Les mots justes de ses sermons d’hier ne portent plus la souffrance aveugle ne leur permet plus accès, alors, impuissant face à la haine sa capacité à faire face et à redonner espoir vacille , même la jeunesse vers laquelle il se tourne n’est plus réceptive. Son vain appel aux consciences qu’il interpelle se heurte à un mur , celui d’une réalité à laquelle il fait barrage. Terrible constat même si , ici et là , quelques petites lumières s’inscrivent à l’image de celle de Marta qui le soutiendra , ou celle de la bouleversante femme du « paria » qui sera sensible au paroles de Daniel et aura le courage de faire front aux auteurs de lettres d’injures et autres comportements abjects. Mais la guérison de la communauté sera encore longue à se dessiner, la fracture est trop profonde souligne la mise en scène qui enferme et traque sublimement les personnages dans ses plans fixes magnifiques . Les rendant proches du spectateur témoin de leur enfermement et d’une certaine sensation d’oppression. Tandis que le constat – à l’image de cette scène qui se fait écho de l’affrontement de Daniel avec le maire du village image du libéralisme triomphant et dominateur qui veut imposer sa loi- y fait contrepoint. La mise en scène change dès lors son regard , laissant place à la peur , au chaos auquel la séquence finale ( la fuite de l’un des personnages… ) filmée caméra à l’épaule , renvoie à la violence traumatisante de la première séquence . Puissance évocatrice et force implacable d’un état des lieux. La parabole religieuse qui s’y inscrit par le biais de Daniel immergé dans la campagne villageoise Polonaise semble s’inscrire, à sa manière, dans le prolongement de la démarche du personnage mystérieux du Théorème ( 1968) de Pier Paolo Pasolini, y introduisant disait-il : « l’authentique qui vient bouleverser les vies »…
(Etienne Ballérini)
LA COMMUNION de Jan Komasa – 2020- Durée : 1h55.
AVEC : Bartosz Bielenia, Eliza Rycembel, Aleksandra Konieczna , Tomasz Zietek, Leszek Lichota, Lukasz Simblat , Lidia Bogacz …
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