Un maire au long cours… et à court d’idées. Une brillante normalienne philosophe appelée a son secours pour le stimuler. Vocation , éthique, séduction et mensonges … la comédie du pouvoir et ses enjeux objet d’un habile décryptage des coulisses et des mots ,au service de celui-ci . Une mise en abîme réjouissante et stimulante …

On avait apprécié , Le Grand jeu ( 2015 ) premier long métrage du cinéaste qui nous avait fait découvrir son talent de conteur et où ,déjà , la question politique y était au cœur explorée sous la forme du thriller . Il y décortiquait et interrogeait via le genre, la « défiance » vis à vis de l’univers du pouvoir, où , influences des « lobbies » , manipulations , trahisons et autres coups bas sont le lot, destinés à déstabiliser l’adversaire et manipuler l’opinion publique . Ici , Nicolas Pariser change de registre et opte pour la forme de la comédie à l’influence Rohmérienne ( il a été un de ses élèves ) pour nous faire pénétrer dans un cadre plus quotidien , celui qui a trait à la gestion d’une grande ville , en l’occurrence Lyon à laquelle le maire socialiste , Paul Théraneau ( Fabrice Lucchini) s’est consacré avec dévouement. La Politique est pour lui une « vocation » , mais après trente ans d’activité intense …un coup de mou : « …j’ai toujours eu des idées … et puis je me suis réveillé un matin je n’avait plus d’idées …je n’arrive plus à penser et n’ai plus d’idées, vous allez m’aider, il faut que vous me fassiez penser » , dit-il à Alice Heiman ( Anaïs Demoustier ) la jeune Normalienne qu’il a engagée dans ce but. Les prochaines échéances électorales et surtout un projet ambitieux destiné a redorer le blason de la ville fêtant ses 2500 ans… voire , une future possible candidature présidentielle comme objectif destiné à couronner son indéfectible engagement au service de la chose publique et de l’état!. La tâche se révèle ardue pour Alice , qui découvre un monde qu’elle ne connaît pas , mais dont le décalage et le recul de son regard neuf, vont devenir, la matière même du film se muant avec elle , scrutateur des coulisses et de la marche de la politique ,au service d’une ville et de ses citoyens …

Une « approche » du quotidien d’une gestion municipale avec toutes les réunions sur la fonctionnement administratif en interne du bureau du maire avec ses assistants , les réunions du conseil municipal , celles en extérieurs concernant les problèmes de sécurité et d’aménagement de la ville . Et aussi , les obligations publiques ( inaugurations, concerts , vernissages, commémoration …) . Alice prise dans le tourbillon , regarde, écoute , prend des notes et rend compte régulièrement au maire de ce que lui inspirent ces moments du « théâtre » de la vie politique publique . Un mot fort , lui vient « modestie » qui surprend l’élu de la ville . Mais dont elle a perçu , ce qu’il révèle d’une forme de fonctionnement où « l’apparat et la parole » deviennent les révélateur de cette distance et du décalage qui a fini par se concrétiser en défiance, entre élus et population . Celle-ci devenue de plus en plus perceptible ces dernières années. Nicoals Pariser en osmose avec Alice, mais aussi avec ses personnages , se mue en scrutateur des comportements sans jamais s’en faire juge. C’est l’idée forte du récit et c’est ce qui , au bout, en fait la force , lui permettant dès lors d’aborder frontalement tous les possibles de ce qui constitue la nature d’un « cadre humain » , au service de la chose publique . La mise en abîme en devient passionnante au fil des séquences , lorsque les termes d’un certain langage politique sont mis à l’épreuve du réel , se révélant obsolètes , démodés et ( ou ) sonnant creux , comme le reflète cette phrase du maire : « l’être transcendant de Lyon, est de gauche » faisant écho à la « binarité » ( gauche-droite ) sur laquelle a, pendant des années fonctionné , le débat et combat Politique dans notre pays . Les temps changent et il faut s’adapter aux nouvelles formes de communications modernes, mais suffit-il d’être obsédé par les formules -choc , pour faire le bon « buzz » ? . Il ne suffit pas d’un « habillage » , pour faire moderne, et pallier le vide qui s’y reflète ….

Trois séquences – clé , se font révélatrices à plus d’un titre de cette incapacité politique à « recoller » au réel , à se défaire des communicants , ne plus manier la langue de bois et redevenir décisionnaires . Gros chantier , comme le relève la scène où la déclaration du maire au journal Lyonnais Le Progrès reprend ses envolées verbales fumeuses sur le thème « économie et écologie » déchaîneront les lazzis à son encontre sur les réseaux sociaux . De la même manière qu’il ne suffit pas de créer un « logo » pour inviter au civisme , comme le pensent certains spécialistes de l’équipe de communication municipale . S’y ajoute , la séquence ayant trait au projet « Lyon 2500 » grand chantier futur du maire devant faire l’objet d’une grande consultation populaire , et qui sous influences extérieures , sera réduite à une démonstration de « visuels » en comité réduit. Suscitant la réaction d’Alice fustigeant l’emprise du « marketing visuel » , suivie par un libraire furieux de s’être vu refuser l’aide municipale pour « sauver » sa libraire , l’une des plus anciennes de la ville , lieu de rendez-vous et de diffusion de la culture traditionnelle . Ce dernier pestant envers « cette engeance politique » déconnectée de la population . La troisième séquence qui prolonge la réflexion sur la désaffection populaire envers la politique , trouve sa concrétisation dans les scènes ayant trait au « chantier » personnel du maire et son avenir national et présidentiel , qui va le confronter à son parti . Le texte écrit avec Alice qu’il va soumettre au congrès qui doit approuver sa candidature , est un petit bijou en forme de pamphlet sur le reniement des valeurs et la nécessité de renouer avec celles-ci et les idéaux fédérateurs . C’est à l’épreuve de vérité qu’il mettra son parti , lui tendant la perche. A l’image d’Alice , qui tout au long du parcours cherchera , elle , habilement à offrir au maire , les livres ( Rousseau , Mussil …) dans le but de l’aider à réajuster son engagement et le faire recoller au réel . On vous laissera découvrir l’accueil réservé, au « sursaut » de son discours se voulant refondateur .

Nicolas Pariser nous offre, un film- constat passionnant sur les coulisses de la politique qui en dit long sur l’état des lieux , et surtout , sur l’analyse de la défiance à laquelle elle s’est exposée . Constat lucide et terrible où, en point d’orgue , est pointée : « la métamorphose de l’élite nationale en banquiers laquais de la mondialisation !». Le cinéaste en pointe les maux, avec les superbes mots de ses dialogues ( 8 Mois d’écriture …) mis en valeur par a mise en scène dont les images ( gros plans) scrutent les personnages, leurs vulnérabilités ou sursauts . Du beau travail … servi par deux comédiens au meilleur de leur forme . Fabrice Luchini au service de son personnage et, enfin sobre . Anaïs Demoustier , directe , observatrice et toute en nuances et subtilités découvrant un monde qu’elle ne connaît pas avec une décontraction bluffante ….
( Etienne Ballérini)
ALICE ET LE MAIRE de Nicolas Pariser – 2019 -Durée : 1h 43 –
AVEC : Fabrice Luchini , Anaïs Demoustier , Nora Amzawi, Léonie Simaga, Antoine Reinatz, Maud Wyler, Alexandre Steiger, Pasal Reneric, Thomas Chabrol, Thomas Rohrtais .
LIEN : Bande -Annonce du Film : Alice et le Maire de Nicolas Pariser .
LIEN : Critique : Le Grand jeu de Nicolas Pariser : https://ciaovivalaculture.com/2015/12/19/cinema-le-grand-jeu-de-nicolas-pariser-2/
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