Il fallait probablement un brin de folie pour réunir, plus de cinquante ans après le 1er volet, Un Homme et une Femme, un duo mythique dans une troisième époque. Avec Les plus belles années d’une vie Claude Lelouch rend néanmoins un bel hommage à toute une génération et au Cinéma.

Plus de cinquante ans après Un homme et une femme, Grand Prix à Cannes en 1966 (et non Palme d’Or comme on peut encore le lire fréquemment. La précieuse récompense n’a été remise au goût du jour qu’en 1975) et plus de trente ans après Un homme et une femme : Vingt ans déjà, également présenté à Cannes, en 1986, mais hors compétition, Claude Lelouch (81 ans) prend le pari et le risque de tourner un troisième volet et de réunir à nouveau Jean-Louis Trintignant (88 ans) et Anouk Aimée (87 ans). « Il n’est pas question de la suite d’un film qui aurait marqué les esprits, commente le réalisateur. Je me suis dit qu’il fallait que ce film intéresse même ceux qui n’ont pas vu Un homme et une femme. Qu’il se suffise à lui-même, qu’il soit autonome et libre. Il fallait absolument que ce film soit compact, entier ». Une idée folle, il en convient lui-même. Dans un entretien (*) il déclare : « L’intelligence nous disait à tous de ne pas le faire. Au début, ils ne le souhaitaient pas. Anouk et Jean-Louis ne voulaient pas toucher à ce beau souvenir. Ils se rappelaient que le public n’avait pas accroché à Un homme et une femme : Vingt ans déjà… ». Malgré son retour devant la caméra grâce à Michael Haneke, sous la direction duquel il a tourné Amour et Happy End, Jean-Louis Trintignant n’envisageait plus de tourner. Anouk Aimée et le cinéaste ont cependant fini par le convaincre.

Dans les toutes premières images des Plus belles années d’une vie (Sélection officielle 72e Festival de Cannes – Hors compétition), un lent mouvement de caméra se termine par un gros plan fixe, long et bouleversant, sur le visage d’un vieil homme au regard fuyant puis songeur, muré dans sa solitude, et qui ne participe pas aux activités organisées pour les pensionnaires de cette maison de retraite spécialisée. Ce vieillard c’est bien entendu Jean-Louis Trintignant, alias Jean-Louis Duroc. L’ancien « coureur automobile mais aussi coureur », cloué dans son fauteuil roulant, sa « voiture de course », est atteint de la maladie d’Alzheimer. Bougon, solitaire, il attend la fin. S’il perd la mémoire, il se souvient pourtant d’une femme qu’il a beaucoup aimée il y a longtemps, « la femme de sa vie mais (il )n’était pas à la hauteur ». Anne Gauthier (Anouk Aimée) n’est plus scripte. Elle a quitté le monde du cinéma et tient une boutique en Normandie. Un jour elle reçoit la visite d’Antoine, le fils de Jean-Pierre, qui souhaiterait qu’elle revoit son père pour l’aider à aller mieux…

Dès les premières images, le ton est donné. L’émotion affleure pratiquement à chaque scène, la mélancolie et la nostalgie sont omniprésentes. Pour cette troisième époque, dédiée à Pierre Barouh, Samuel Hadida (coproducteur) et Francis Lai, décédés il y a peu, Claude Lelouch réunit non seulement un duo mythique, mais aussi Antoine Sire et Souad Amidou, les enfants qui couraient sur la plage de Deauville dans le 1er volet, tandis que Nicole Croisille (82 ans) chante en duo avec Calogero. Le cinéaste demeure attaché à ses thèmes, la vie, l’amour, le temps qui passe et s’en donne à cœur joie avec les mots d’auteur, à commencer par le titre du film tiré d’une citation de Victor Hugo « Les plus belles années d’une vie sont celles que l’on n’a pas encore vécues », et les aphorismes (« Ils font venir des clowns tristes pour nous faire mourir de rire », « La mort c’est l’impôt de la vie », « On est fidèle tant qu’on n’a pas trouvé mieux », « Il est plus facile de séduire 1.000 femmes que de séduire 1.000 fois la même »). Il demeure fidèle à son cinéma, recycle des séquences du 1er film et même son court métrage C’était un rendez vous (1976), un plan-séquence de près de neuf minutes, dans lequel il traverse Paris à toute vitesse, au petit matin, au volant d’une voiture pour rejoindre le Sacré-Cœur, lieu d’un rendez-vous amoureux.
Si Claude Lelouch jongle avec habileté dans le film entre le présent et le passé, le rêve et la réalité, il a su aussi se servir de faits réels dans sa conception. Ainsi c’est une rencontre avec Annie Girardot, alors atteinte d’Alzheimer, qui lui a donné l’idée du film. Et comment ne pas penser à Jean-Louis Trintignant lecteur de poèmes, anéantie par la mort de tragique de sa fille Marie et malade du cancer en voyant Jean-Louis Duroc réciter du Vian et du Prévert, qui n’attend plus grand chose de la vie et handicapé pour se déplacer.

Nostalgique et mélancolique, Les Plus belles années d’une vie rend un bel hommage à une génération qui est en train de s’éteindre et au cinéma d’hier. Cependant, il offre aussi de beaux moments de tendresse, de bonheur, dont celui de revoir le couple Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée, toujours belle, mais aussi d’humour, comme cette escapade mouvementée en 2CV, vers Deauville, des deux anciens amants.

Un film testament ? D’adieu ? Les Plus belles années… est le 49e film de Claude Lelouch qui précise (*) : « Ce n’est pas une fin. C’est une mise au propre de 60 ans de tarvail. Je voulais aussi faire un hommage au présent. Le passé et le futur sont jaloux de lui car il n’a pas le temps de vieillir». Le 50e, La vertu des impondérables, tourné avec un portable, est annoncé pour la rentrée, tandis que le tournage du 51e est prévu pour le mois d’août.
(*) Entretien accordé à François-Pier Pelinard Lambert – Le Film Français du 18 mai 2019
Les Plus belles années d’une vie de Claude Lelouch (Comédie dramatique – France – 1h30)Avec Anouk Aimée, Jean-Louis Trintignant, Marianne Denicourt, Monica Bellucci, Antoine Sire et Souad Amidou
Voir également :
– La bande annonce et présentation des Plus belles années d’une vie (Metropolitan Film)
– Extrait de la bande originale (enregistrement) Nicole Croisille/Calogero – Musique Francis Lai (Metropolitan Film / Calogero)
– Je me souviens de… Un homme et un Femme
Philippe Descottes
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