Une chanson dont les paroles d’une chanson réveillent les souvenirs . Un homme emporté dans le tourbillon d’un imaginaire foisonnant, part à la recherche de la femme qu’il jadis aimée. Après Kaili ( 2016 ), Le second long métrage du jeune cinéaste chinois, porté par une mise en scène hypnotique époustouflante , est un vrai plaisir des sens et des yeux …
Le chilien Roberto Bolano inspirateur et Eugène O’Neil l’Anglais à l’origine du titre du film, et la voix sensuelle de cette chanteuse qui vient raviver l’imaginaire des souvenirs du héros , Luo ( Huang Jue ) dont la mémoire se peuple soudain , de fantasmes et de rêveries ravivant le passé et les souvenirs enfouis, dans les limbes du temps. Ou peut-être , deviennent -ils des échappatoires destinées à le propulser, dans une sorte de fuite -refuge?. Celle-ci pouvant être motivée par les raisons de son retour dans sa cité natale , Kaili , ville d’une province du Sud Chinois où le font revenir le décès de son père, et le souvenir de cet ami assassiné sur les raisons du meurtre duquel , le mystère persistera . Mais la chanson et la voix qui réveillent la torpeur triste de Luo , laisse peut-être entendre que la vraie raison est , sans doute, toute autre . Celle d’une romance douloureuse ravivée envers une femme jadis aimée, qu’il avait voulu soustraire à un mari violent . Celle-ci , Wan ( Tang wei) dont le souvenir lancinant le hante, devient le phare dominant qui semble l’entraîner, vers cette quête éperdue dans la nuit . Le spectateur qui voit tous ces éléments s’interpénétrer, au cœur d’une approche parallèle dont seul, le mental du héros est à même de déterminer les raisons des chemins qui tout à coup , prennent, ceux de l’inattendu que l’imaginaire habille d’une dimension énigmatique . L’imprévisible investissant l’espace d’un imaginaire flirtant avec une chronologie narrative devenant dysfonctionnelle . La maîtrise de la mise en scène qui l’habille de ses plans-séquences ( dont celui , époustouflant de la seconde c partie), où les dérobades d’une autre femme rencontrée , semblent relever le défi d’une enquête sentimentale devenue illusoire . Relevant du même défi lancé lors de la parti de Ping-Pong , à Luo ce jeune garçon rencontré au bout d’un long tunnel . défi dont le Celui , où le résultat détermine l’enjeu , ouvrant des portes aux possibles , auxquelles de le cheminement de l’imaginaire , est lié . Mais , peut devenir aussi l’illusoire d’une autre ( possible ?) destinée … à laquelle les « lunettes 3D » avec lesquelles le héros dans la salle de cinéma s’invite à goûter l’illusion, d’un voyage que celle-ci procurent …

On le voit, tous les possibles qu’ouvre l’imaginaire créatif que le cinéma permet d’explorer sont invités , et en spectateur , nous entraînent dans les interstices de la quête avec laquelle, le héros à du mal à composer, pour se sortir de l’ornière . La thématique du Psychose d’Alfred Hitchocock qui s’invite, ouvrant les perspectives du polar où l’héroïne aimée , ici en question, serait le mobile d’un crime. Tandis que dans l’atmosphère d’intempéries sans cesse menaçantes , et d’espaces qui s’ouvrent à l’imaginaire ( tunnel , hôtels…place objet de festivités ) les silhouettes féminines, se décomposent ( ou recomposent ) au rythme d’une histoire racontée et inventée à son logeur , par le pensionnaire désargenté en guise de paiement du loyer . Tout ( journal , livre , objet photo ou air de musique …) va servir d’objet à son imagination vagabonde , pour satisfaire et captiver le logeur . Celui-ci , comme le spectateur payant d’une place de cinéma , dont le cinéaste dans la seconde partie du récit , pose d’ailleurs Luo ,lui aussi , dans une salle de cinéma chaussant les lunettes 3D , et qui va ,en avoir pour son argent. Magnifique séquence-miroir, Luo entraîné dans une plongée spectaculaire , via un télébenne qui le propulse dans un univers en forme de parcours sans cesse renouvelé , l’invitant , après le vertige de la descente , vers des ruelles en forme de labyrinthe , qui vont le faire vagabonder ( ou se perdre ?..) dans des salles de jeux multiples dont la victoire donne le droit d’accès à des portes, ouvrant à d’autres imaginaires ( enjeux? ) pouvant peut-être faire aboutir sa quête . Et dont, l’addiction à la magie qu’ils ouvrent pourrait se prolonger dans la quête insatiable d’une vérité, tout aussi labyrinthique, que le circuit dans lequel elle s’inscrit . Le cinéaste, l’inscrivant dans ce que le cinéma et la mise en scène- cet art du vrai et du faux-qui s’organise par le montage pour prendre sens …et aussi , comme chez certains cinéastes dont Bi Gan revendique la paternité ( Antonioni , Tarkovski , Wong Kar -waï , Hou Hsiao Hsien …) , d’un cinéma dont le moteur de la créativité est « boosté », par l’imaginaire …

La force hypnotique de son cinéma tient dans cet interstice de l’imaginaire et du mystère dans lequel son personnage se glisse. Le réalisme des « décors » aménagés ici dans une ancienne mine abandonnée , au cœur de laquelle le plan-séquence d’une virtuosité exceptionnelle , renvoie son écho à celui , foisonnant du héros …à moins que de ne soit le contraire ! . On le voit , le cinéaste s’amuse à brouiller les pistes , en amoureux du cinéma, il privilégie tous les possibles invitant le spectateur à le suivre , et naviguer entre réel et imaginaire. Ouvrant une sorte de défi au cinéma des Blockbusters dont l’imaginaire parfois s’épuise, dans les boursouflures des « effets spéciaux » , auxquels ,Bi Gan , renvoie la dextérité époustouflante d’un travail incantatoire et poétique, qui fait mouche ! . Car, il est question ici de tenter de « pénétrer » au cœur même de l’imperceptible et de l’insaisissable, dont le mouvement de l’imaginaire cherche à percer le secret , et y naviguant vainement !. Pas étonnant que Luo s’y perde !… le temps et l’espace , c’est bien connu n’ont pas de substance . Vertige intégral !. Un film sacrément stimulant , par la manière dont le cinéaste réussit à faire sourdre l’émotion pure et nous entraîne dans sa poésie inventive . On se laisse emporter , on est subjugués … car , au delà , c’est la matière même de la création cinématographique , que le cinéma de Bi Gan , explore .
(Etienne Ballérini)
UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT de Bi Gan – 2019- Durée : 2 h23.
AVEC : Tang Weï, Huang Jue,Lee-Hong Chi, Sylvia Chang, Luo Feiyang, Chen Yongzhong….
LIEN : Bande-Annonce du film Un grand voyage vers la nuit, de Bi Gan.
[…] Damien Chapelle et Anthony Bajon (vu dans Au nom de la Terre). Canal + Emotion à 23h10. Jeudi 4 Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan (2018). OCS City à 20h40 Burning de Lee Chang-dong (2018). Ciné+ Club à 22h20 Vendredi […]
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