Cinéma / UN AMOUR IMPOSSIBLE de Catherine Corsini.

Le nouveau film très attendu de la cinéaste de La belle saison (2015), adapté du roman Autobiographique de Christine Angot. Coup de foudre et liaison-passion tumultueuse empoisonnée par les rapports de classe, humiliation, malaise et violence, aveuglement et culpabilité. Mère et fille en subissant la toxicité et le non-dit qui les éloigne. Une adaptation sobre et sensible …

Synthétisée en un peu plus de deux heures sur une quarantaine d’années, l’histoire de cet amour impossible est un sorte de défi d’écriture que la cinéaste avec sa co-scénariste ( Laurette Polmans) ont réussi habilement à relever. A la fois par le choix d’un travail sur les raccourcis de la temporalité et d’une concentration thématique sur les temps forts de l’histoire d’amour tumultueuse, les coups dont la mère va se relever en élevant seule sa fille et les conséquences d’une « reconnaissance » paternelle longtemps refusée au cœur de laquelle s’installera, l’inceste. Un choix qu’accompagne une mise dont la forme classique de la fresque amplifié par sa teneur romanesque ( on pense  aux films de   Douglas Sirk , ou de Jane Campion ) et, la dimension de la gravité. Celles des conséquences des rapports toxiques qui s’y révèlent subtilement et le mystère de l’aveuglement qui s’installe , en même temps que de manière presque imperceptible , notamment dans les rapports mère-fille , se fait jour l’évolution d’une condition féminine dont la cinéaste a voulu, que son héroïne, Rachel soit porteuse « La vie de Rachel contient le monde, elle raconte quelque chose de social et politique sur les époques qu’elle traverse ».Une dimension qui sera complétée par l’évolution en parallèle de sa fille emportée par le tourbillon du tumulte parental, dont les superbes dernières séquences, viendront concrétiser, quarante ans plus tard , enfin, le réveil des consciences sur le non-dits d’une condition féminine dont l’envol émancipateur, est en train de bouleverser la donne, à laquelle Rachel (Virginie Efira, impeccable et émouvante , offre une magnifique dimension à la fois de droiture et de soumission aveugle…

Rachel( Virginie Efira) et Philippe ( Nils Schneider ) et leur petite fille – Crédit Photo : Le Pacte  Distribution-

Dans les années 1950 , la rencontre en forme de coup de foudre entre Rachel et Philippe (Niels Schneider, inquiétant ) au bal à Châteauroux, ponctuée par la chanson de Dalida       «  notre histoire c’est l’histoire d’un amour éternel et banal.. », où la belle jeune fille d’origine modeste rencontre ce jeune Bourgeois avec qui  elle va vivre une forte  passion charnelle. Celle-ci va pourtant se révéler très vite sous domination d’un philippe qui va y installer, les limites de sa liberté et la distance, écartant le mariage qu’elle souhaite et qui pour lui ne peut se faire  « que dans le cadre de sa classe sociale ». Soumission et humiliation, Rachel va les subir jusqu’à cette journée programmée où Philippe scelle l’adieu par un dernier rapport amoureux non protégé , avant de partir retrouver ses « affaires » et construire son futur au sein de la classe bourgeoise à laquelle il appartient . Dès lors cette enfant fruit de leur amour, dont il décline l’invitation d’assister à la naissance, et ne voudra pas la reconnaître. Il ne souscrira qu’à des visites « espacées », ravivées par des rapports sexuels avec Rachel , laissant espérer à celle-ci, déterminée à vouloir assurer l’avenir de sa fille de le faire céder sur cette « reconnaissance paternelle » qu’il persiste à refuser. Au fil de ces retrouvailles  où la soumission et l’emprise se perpétue lors des séquences,Philippe subtilement ,en prolongera un jour , l’humiliation avec son aveu » je me suis marié   » qui fait s’effondrer Rachel.  Puis  le lien malgré tout entretenu qui se dirigera sur la petite fille en train de grandir et sur laquelle il installera son emprise, jouant sur sa soif de connaissances et l’ouvrant aux différentes formes d’art et de culture. Le « bascul » s’installe, par la « reconnaissance paternelle » qu’il finira par accepter et se prolongera par un « droit de visite » au père , qui peut désormais se permettre de reporter aussi sur sa fille reconnue et devenue « sa » propriété , la même soumission, à laquelle fut contrainte sa mère…

Rachel ( Virginie Efira) et sa fille adolescente ( Estelle Lescure)- Crédit Photo: Le Pacte Distribution-

Dès lors, fille et mère prisonnières de ce Philippe,froid manipulateur qui se joue d’elles, utilisant son charme de voyou-pervers, sachant qu’il peut « jouir » de cette dépendance sentimentale dont il utilise habilement les ressorts. Ceux qui vont lui permettre d’installer un climat doublement destructeur au cœur des rapports mère-fille, qui finiront par s’y briser. Inscrivant au cœur de ceux-ci, le tabou de l’inceste, comme forme ultime du mépris. Confrontée au non-dit de la mère «  qui ne l’a pas vu venir »,  à celui de  la fille…qui le lui reprochera!. Conduisant à la rupture du « lien » mère-fille dont on a pu mesurer au fil du temps le sacrifice de la mère , acceptant toutes les humiliations afin de la protéger, installant de forts rapports de complicité , entr’elles. Mais à chaque retour des visites chez le père, la distance qui s’inscrit dans les silences fille-mère,  et le malaise de la jeune adolescente (Estelle Lescure) ) dont la révolte, semble lui renvoyer à la figure la soumission maternelle et la culpabilité, comme forme de déni insupportable . Les tensions qui se multiplieront jusqu’à la rupture. Jusqu’à ce que l’adolescente devenue adulte (Jehnny Beth) dans une superbe séquence de retrouvailles souhaitées et d’explications franches, y apporte  la dimension de l’espoir.  Et surtout celle d’une réalité dont l’origine des souffrances vécues, trouvent leur source dans « le mépris de classe et la violence sociale » dont elles explique à sa mère, qu’elles  en ont été toutes deux victimes . Un constat qui fait écho , aux souffrances dont les cicatrices restées profondes renvoient à celles des femmes qui – aujourd’hui – libèrent leur parole grâce aux avancées sociales et à la modernité d’aujourd’hui qui permet d’affronter les tabous d’hier, et de dénoncer les abus. Le choix de situer la scène dans un lieu public est d’ailleurs révélateur; de la même manière que l’est  le traitement de  l’inceste jamais montré afin de nous permettre de comprendre  la position de la mère. La force du film est dans le constat et dans la mise en scène refusant le sentimentalisme, ainsi que dans le choix de la sobriété des dialogues et des mots «  j’ai voulu mettre la sécheresse de l’écriture de Christine Angot au service du récit de cinéma », dit la cinéaste. Choix que renforce l’emploi de la voix-off  qui résonne et  finit toucher à l’intime du spectateur.  Pari réussi…

( Etienne Ballérini )

UN AMOUR IMPOSSIBLE de Catherine Corsini – 2018- Durée ; 2h 15-

AVEC : Virginie Efira, Niels Schneider, Estelle Lescure, Jehnny Beth, Iliana Zabeth, Coralie Russier, Gaël Kamilindi, Simon Bakhouche, Catherine Morlot, Pierre Salvadori, Disdier Sandre…

LIEN : Bande -Annonce du film : Un Amour impossible de Catherine Corsini.

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2 commentaires

  1. J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.

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