Agriculteur dans la vallée de la Roya , Cédric Herrou face au flot des migrants, prenant le chemin de celle-ci . Animé par le désir de leur porter aide et secours , les accueille dans sa ferme . Accusé de « délit de solidarité » , il se battra , afin d’obtenir que la devise de la « fraternité » républicaine , soit reconnu . C’est ce parcours de solidarité et de la main tendue , que le cinéaste nous décrit au quotidien dans ce documentaire remarquable et émouvant. Sélection officielle au Festival de Cannes 2018 . Primé par « l’oeil d’or » du Documentaire . .

Sur la route qui mène de Vintimille en territoire italien à Breil -sur – Roya , il y avait jadis avant que l’Union Européenne n’abolisse les frontières au sein de celle-ci , au lieu dit Fanghetto les postes de frontière Italiens et Français à franchir, permettant d’accéder à la partie de la vallée devenue Française en 1946, suite aux accords négociés à la fin de la seconde guerre mondiale . Dès lors , relève Michel Toesca « La vallée de la Roya dans l’extrême Sud-Est de la France est Italienne au sud et Française au nord puis de nouveau Italienne. Une enclave Française en territoire Italien dans laquelle viennent se perdre des migrants qui pensent aller vers Paris, alors qu’ils se dirigent vers Turin » . C’est bien au cœur de ce «piège », que les migrants se sont retrouvés chassés par le démantèlement des camps de Vintimille et la fermeture des frontières, en 2015. Celle de Menton fermée , il ne reste plus que la vallée de la Roya et sa partie Française … pour se rendre en France via l’enclave et par la longue route des cols ( Brouis et de Braus, via Sospel ), permettant de revenir sur Nice , où ils seront rattrapés par les contrôles !. Dès lors , la solution de survie pour les hommes, femmes et enfants exténués était de trouver, refuge et accueil . C’est le réflexe de Cédric Herrou et de quelques autres âmes solidaires qui ont suivi son exemple auxquelles les associations se joindront , était de porter secours à ces malheureux qui deviendront au fil des jours, de plus en plus nombreux . Il va falloir s’organiser, se mobiliser . L’association » Roya Citoyenne « , puis médecins du monde et des avocats permettront de mettre en place une stratégie avec des bénévoles offrent leur aide. La Vallée 2 ) va se retrouver au centre de la médiatisation d’un débat sur le sujet qui divise les populations dont certains politiciens utilisent les braises du réflexe de rejet , à dessein …

Les tensions se font plus vives et attisent la haine . Cédric est accusé de « favoriser l’entrée illégale d’étrangers et de terroristes sur le territoire national » !, il est montré du doigt par l’extrême droite et certains élus locaux . Les autorités préfectorales ne se privent pas de montrer la main forte lorsque à l’afflux de migrants ( plus de 80…),hébergés sur le terrain de l’Agriculteur qui se retrouve contraint de « squatter » une local désaffecté de la Gare SNCF de Breil -Sur -Roya , pour abriter du froid et de la pluie ceux qu’il ne peut accueillir sur son terrain , le soient sur celui-ci. Crime de lèse-majesté !. En réponse à son appel au secours , on enverra 200 Gardes Mobiles pour démanteler le squat …et le mettre en garde à vue !.A Nice, sur la place du Palais de Justice la foule viendra le soutenir , consécutivement au procès qui lui sera intenté, pour « aide à l’immigration clandestine » . Il tiendra bon dans sa lutte contre le « délit de solidarité » qui lui est intenté , remportant une première victoire avec l’ordonnance du tribunal administratif condamnant le préfet pour « atteinte grave au droit d’asile » , ce dernier , ayant refusé de prendre en considération les demandes d’asile notamment , les enfants mineurs ou femmes enceintes , consécutivement aux fait cités -dessus. Mais le bras de fer continuera avec la surveillance accrue sur les lieux de passage et la propriété de l’agriculteur, par l’armée et la police, cameras de surveillance à l’appui . L’enclave de la vallée devient une prison en plein -air et en état de siège interdisant aux migrants d’en sortir . Tous les chemins de montage pour se rendre à Nice pour demander droit d’Asile, sont surveillés…même la Sncf s’y associera, leur refusant refusant l’accès de ses trains, pour s’y rendre !. Michel Toesca a suivi au jour le jour, ces péripéties dans le détail et nous en livre des moments d’une rare intensité sur un état des lieux , où l’humain est au coeur des réflexes ,et du « que faire ? » lorsqu’il y a un problème , là où je vis …

Le plan d’ouverture aérien partant de la mer et de vintimille , nous entraînant lentement, libre comme une oiseau , au dessus de l’enclave des frontières de la vallée , est magnifique . Accompagné par ces courts témoignages constatant l’immense afflux – « jamais vu ! » dit l’une d’elle, se posant les questions sur ce qu’il reflète d’un état du monde qui le provoque, et le bouleversement qu’il entraîne . Il nous plonge au cœur du sujet, et du réflexe :« fermer les yeux et laisser faire …ou tenter d’aider ces malheureux qui ont fui leurs pays et sont dans le besoin… » . Le réflexe de Cédric Herrou et de ceux qui ont croisé leur route a été de ne pas fermer les yeux et de secourir ces vies en danger, sans calcul et sans penser aux conséquences. Mettant ainsi habilement ainsi en parallèle la double clandestinité qui s’y reflète au centre du débat sur le « délit de solidarité ». Le regard du cinéaste documentariste évoque la parenté d’un « élan naturel » de Cédric Herrou , avec les héros des films du grand cinéaste humaniste Frank Capra , dont « l’aspect humain et la droiture » , les conduit a s’engager ( comme celui de Mr Smith au Sénat, et de La vie est belle …) , envers et contre tout . Cette parenté est forte , car elle renvoie à l’ approche cinématographique du cinéaste, la dimension d’un choix ,accompagné d’une esthétique ( caméra à l’épaule …) en immersion réaliste au cœur des situations , offrant au film sa vraie dimension Politique : « Libre , est au cœur d’un combat. L’action de filmer ce combat s’inscrit à mes yeux comme un acte de création et de résistance » , dit-il . Celui-ci permettant de mette en évidence les aspects de cette double illégalité qui s’y révèle . Les solutions illégales improvisées par les habitants de la vallée, pointant dès lors , celle de l’état Français bafouant lui , illégalement , la notion d’état de droit …

C’est donc au quotidien de cet état d’urgence que Cédric Herrou et l’association Roya citoyenne ont spontanément répondu pour tenter de sauver des vies , chevillés à des valeurs humanistes simples. Et il nous donne à voir et comprendre ce que leur renvoie les superbes scènes de ces migrants dont les regards de reconnaissance en disent long , comme leurs implication dans le centre d’accueil qu’est devenu la ferme de l’agriculteur qui s’est ouvert à eux , au coeur duquel ils participant aux tâches ( repas , ménage …) quotidiennes . A la description des multiples démêlés avec la préfecture , la police et la justice , et les difficultés matérielles et financières pour répondre et faire face à un flux qui ne cesse d’augmenter, la solidarité extérieure viendra aider Cédric . La belle idée du film, au delà du rôle de Cédric, est de donner la parole à ces migrants qui racontent leur parcours , comme l’illustre la magnifique scène qui en dit long de ce jeune Kenyan racontant le sien , chaotique qui lui a fait fuir son pays et les terroristes de Boko- Haram . Et il y a enfin ces hommes et ces femmes qui s’investissent pour apporter la pierre à l’édifice de la solidarité , à l’image de cette jeune infirmière qui , en dehors de ses heures de travail et prenant sur ses congés , viendra sur le domaine pour soigner les maux des migrants et leur donner conseils . Au cœur de l’improvisation et des multiples difficultés et tracas , l’espoir du lendemain subsiste dans ces cœurs qui ont trouvé la main tendue , qu’une fête improvisée et ses chants et danses viennent concrétiser . Le beau travail de montage d’une matériel de plus de 200 heures auquel la monteuse Catherine Libert a apporté sa collaboration , que la belle bande musicale de Magic Malik accompagne de ses sonorités , contribuent à la réussite du film .
Un film nécessaire comme réponse au repli et au rejet d’une Europe qui se barricade derrière ses « peurs » , le film lui renvoie les gestes d’un « accueil » fondé sur des valeurs bien plus rassurantes…
(Etienne Ballérini)
LIBRE de Michel Toesca – 2018- Durée : 1h 40.
AVEC : Céric Herrou, les centaines de migrants accueillis, les bénévoles, les associations dont « Roya citoyenne », Médecins du monde, Emmaüs, la Region Centre Val de Loire…
LIEN : Bande -Annonce du film : Libre de Michel Toesca .
(11) de nombreux directeurs de salles de cinéma dans notre région ont subi des pressions pour renoncer à la distribution du film . L’information concernant celles-ci-ci donnée par Cédric Herrou lors de l’émission » On N’est pas couchés » dont il était l’invité , se confirme. On veut donc saluer ici , ceux (le cinéma d’Antibes qui a organisé une avant-première ) et le cinéma Pathé Masséna à Nice qui l’a programmé dès sa sortie, ce 26 Septembre . Pour les autres , il n’est jamais trop tard pour changer d’avis et défendre la liberté d’expression … plutôt qu’une certaine forme de censure .
(2) On vous renvoie également, à l’article publié sur notre site et consacré au livre Bande dessinée roman graphique » Humains , La roya est un fleuve , signé Baudoin et Toub’s – Lien , cliquez ici:
[…] Yann Demange (2014). Retour en Irlande du Nord dans les années 1970 – Ciné+ Premier.Libre de Michel Toesca (2018). Quand la solidarité est un délit… OEil d’Or du documentaire […]
[…] suite aux mesures de confinement. Pour son distributeur, Jour2Fête (le distributeur de Félicité, Libre, La Chute de l’Empire américain, Papicha notamment), comme pour d’autres, se posait la […]