Un dadaïste argentin du début du siècle dernier disait : Je ne descends plus dans la rue, il n’y a que des artistes. Je crois que l’on pourrait dire cela encore maintenant. La personne dont je vais vous parler –au demeurant ce n’est pas la première fois- peut vraiment revendiquer ce qualificatif. Elle n’a pas d’égo, ce qui signifie qu’elle ne se prend pas pour le nombril du monde. Ce n’est pas l’égo démesuré qui fait l’artiste. Et un artiste, c’est quelqu’un qui dans se pratique, cherche, change d’angle, se diversifie, bref évolue.
Souventes fois vous ai-je parlé de Lazaza, elle exposait jusqu’alors à la Cave Romagnan. Là, elle s’installe jusqu’au 30 octobre à la librairie Altitudes, à Nice. Immense espace dont elle occupé un vaste mur. La vingtaine d’œuvres qui y sont accrochées ne représente que ses travaux des deux derniers moi. Même Schubert ne composait pas a cette vitesse.
Mais, chez Lazaza, vitesse n’est pas précipitation. Elle utilise, je devrais dire elle magnifie, crayon, pastel, acrylique et chaque fois crée une émotion, une sensation nouvelle. Avec elle, on ne se pose pas la question un peu superfétatoire du « est-ce de l’abstrait ? Ne l’est-ce pas ? » Comme l’écrit le poète, « Une lune est abstraite si je me l’imagine »
Sur l’un de ses travaux, encollé sur une toile, en relief, une série de formes produites par des cordes, enroulées, disposées en rectangle, « l’enroulement » étant la source matricielle. Je pense aux solarisations de Man Ray et à la formule d’Isidore Ducasse, comte de Lautréamont « Beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie » Au demeurant, Lazaza ne nie pas l’influence du dadaïsme dans son œuvre.
L’un m’émeut particulièrement : sur une toile d’une teinte « jaune passé » au fusain – en fin je le pense- comme les ruines d’un village, je pense immédiatement à Oradour-sur-Glane. C’est bien le regard qui fait l’œuvre. Ce que le peintre a voulu faire ne me concerne pas, moi, regardant : pour moi, c’est bien Oradour-sur-Glane. Pour mon voisin, c’est autre chose. Quant à celui-là, il passera devant sans s’arrêter.
Beaucoup de noirs et blancs dans cette « mostra ». Je préfère le mot italien à la réductrice « exposition », il signifie « mettre quelque chose en évidence ». Beaucoup de noirs et blancs, donc, mettant en valeur les « couleurs lazaziennes » (voir photo). Une série, en noirs et blancs, s’appelle « Apparitions » : on a en effet le sentiment que la forme représentée surgit du néant, elle a un coté « alien ». L’aliénation est une dépossession, nous sommes dépossédés de l’illusion du réel
Un autre se présente comme deux à-plats d’encre noire entre lesquels semblent émerger des éléments de calligraphe. L’abstractivité de l’ensemble implose en nous l’insoutenable légèreté de l’évidence.
Chez l’artiste, la couleur est un langage. Je sais que cela peut paraître une tautologie d’écrire cela, mais rappelons que le langage est la capacité d’exprimer une pensée et de communiquer au moyen d’un système de signes doté d’une sémantique. Manifestement, c’est le mouvement qui structure la couleur. L’intensité, la nervosité de son écriture est langage.
.Et je dirais que le mouvement est l’essence, le cœur de la problématique lazazienne. Ce que l’on pressent des œuvres qui nous sont ici présentées serait l’écriture dans la peinture : la couleur, son intensité, la nervosité de son écriture est langage, Un perpetuum mobile. Cette nervosité, cet enthousiasme sont gage chez Lazaza de cette véracité. Lazaza s’exprime avec vie, avec vigueur, avec vie-gueur.
Jacques Barbarin
L’Or d’un sens et du relief Librairie Altitudes
4 rue du Lycée- 06000 Nice – France Tel : 06-10-63-46-32 – 04-93-87-04-68