La fête a commencé hier soir sur la croisette . Le défilé sur le tapis rouge a perpétué le « rituel » , il y avait du beau monde pour l’ouverture de la Compétition avec le film d’Asghar Farhadi , Everybody Knows ( Todos Lo saben ) et son trio de Stars : Penelope Cruz, Javier Bardem, Ricardo Darin. La foule des curieux en contrebas aussi venus voir leurs idoles , et celle des cinéphiles avides eux d’émotions et de découvertes , prêt à engranger les images à s’ en faire déborder les paupières … Jusqu’au 19 Mai.
EVERYBODY KNOWS d’Asghar Farhadi .( Compétition )

Le cinéaste habitué de la croisette et primé( prix du scénario ) pour Le client en 2017, était donc de retour et en lice pour une prestigieuse Palme 2018, tant convoitée.. Cette fois-ci c’est vers le ciel Espagnol qu’il s’est tourné , pour y explorer et revisiter sous d’autres aspects , les thématiques de son œuvre : la passion , le passé, le contexte social… auquel ses personnages se trouvent confrontés . Ici , c’est Laura ( Penelope Cruz ) vivant en Argentine auprès de son mari, Alejandro ( Ricardo Darin ) et qui à l’occasion du mariage de sa sœur cadette , revient dans son pays l’Espagne , où elle va retrouver sa famille dans une petite ville proche de la Capitale Madrid . D’emblée dès les premières séquences de ces retrouvailles, par de petits indices le cinéaste laisse percevoir ce qu’elle révèlent des relations d’hier , dont le présent est encore marqué. Le titre Espagnol du film « tous le savent » étant déjà un indice , laissant même entendre que ce qui se sait du passé , va même au delà du cercle familial , et des amis . Habile mise en place pour le spectateur d’emblée « titillé » par la curiosité de découvrir « ce que chacun sait »…que lui ne sait pas!. Installant un « suspense » débordant le double cadre intime ( familial ) et collectif ( la ville ) pour le tourner vers un regard extérieur ( le spectateur ) pris à témoin . La dimension chorale du récit , comme celle universelle qui s’y attache , en devient passionnante par l’identification que sa mise en scène suscite . Dès lors il offre à ce portrait de groupe et de relations familiales sur lesquelles un pèse un lourd passé dont les braises ne sont pas éteintes … et pouvant rallumer le feu !… des passions et des haines . Celles que la disparition à l’issue de la fête , de la fille de Laura , Irène ( Carla Campra ) va réveiller . Et les masques vont tomber. D’autant que cette jeune fille au caractère assez rebelle , pourrait jouer ( profiter?) de la situation . Comme peuvent le laisse penser les indices laissés sur son lit ( coupures de presse ) faisant écho justement à un fait divers lié au passé. Dès lors les hypothèses de la d’une blague , d’une fugue ou d’un possible enlèvement avec demande de rançon , sont toutes envisageables …

Le suspense ainsi installé à son comble , interpelle même sur le « dilemme » ( faut-il prévenir la police?) , et faire en sorte que la situation ne se dégrade encore plus , et risque de se retourner contre Irène . Déjà dans A propos d’Elly ( 2009) , le cinéaste explorait au cœur d’un groupe d’étudiants en droit , le thème de la mystérieuse disparition d’Elly lors d’un Week-end au bord de la mer Gaspienne . On le retrouve donc ici dans un cadre géographique et social différent qui va surtout mettre en évidence tout un contexte d’intérêts familiaux en jeu, qui vont finir par avoir des répercussions psychologiques , irréparables . Personne ne semblant exempt de tous reproches …y compris même la communauté de la petite ville , qui pèse sur la famille rendant, par moments l’atmosphère irrespirable . Ce sont les « cendres », d’une braise et d’un lourd passé et de conflits de classes et d’intérêts , dont les séquelles pèsent , sur le présent. La question des terres et de l’héritage , comme celle des serments rompus et ( ou ) de ceux sacrifiés , revient comme un boomerang . De la même manière que s’expliqueront les raisons du départ de Laura en Argentine, et ses liens avec Paco ( Javier Bardem) son ami d’enfance qui dirige aujourd’hui , une entreprise viticole . Celles des relations entre les membres de la famille et Laura ( sa nièce , son beau -frère ou sa sœur aînée … ) dont les des enfants de chacun , sont pour certains , sous influence du vécu d’un passé difficile . S’y ajoutent , les « on dit » de la communauté Urbaine , et le « ressenti » de certains amis de la famille . Amours et passions , rapports d’argent , de pouvoir et ( ou ) de transgression sociale …
La mise en scène d’Asghar Farhadi et son montage impeccable décortique tout cela, par petites touches qui dissèquent individus , cadre et contexte social . Mais aussi le poids des regrets et autres jalousies qui ont miné la passé, et réaniment les tensions qui continuent à faire s’entre -déchirer les uns et les autres . La responsabilité de chacun étant au bout du compte en question, suggère le cinéaste … sur les choix qui ont étés faits … et , peut-être , le seront , encore . A l’image de l’indice final ( les chaussures boueuses …) concernant l’enquête … le cinéaste laisse les possibilités ouvertes . Le récit porté par le jeu d’un trio de comédiens en tête d’affiche très investis ( auxquels il faut ajouter la belle prestation de Barbara Lennie, dans le rôle de Béa ) , nous entraîne au cœur de ce drame familial et intime , et fait mouche ! . le film Sort aujourd’hui sur les écrans , on vous invite vivement, à le découvrir …
(Etienne Ballérini )
Le programme de ce Mercredi 9 Mai 2018 :
– Yommédine de A.B Shawsky ( Compétition)
–Leto de Kiril rebrennikov ( Compétition )
-Donbass de Sergueï Loznitsa – Un Certain Regard )
-Rafiki de Wanur Kahiu ( Un Certain Regard )