Sur fond de retour au pays , après un long tour du monde , deux enfants prodigues retrouvent le domaine familial. La mise en vente de l’héritage, va les confronter à leur amis d’enfance. Le premier long métrage du comédien, nous propose au coeur de la campagne Orléanaise , une superbe « confrontation » générationelle , sur l’état des lieux de la France d’aujourd’hui …

La séquence d’ouverture nous met en présence, via un dialogue par Skype et téléphone portable deux frère et sœur , enfants prodigues en question, Pascal ( Pascal Reneric ) et Pauline ( Pauline Lorillard ) , échangeant de New -York et du Mexique leurs dernières destinations au vu de leurs difficultés pécunières la nécéssité de revenir « à la maison » . L’argent qui leur a été laissé en héritage par leur père dilapidé jusqu’au dernier centime .. .ils n’ont plus le choix . Les voilà donc , revenus au pays confrontés à devoir , assumer les responsabilités . Mais le domaine qu’ils avaient laissé dont ils ne peuvent plus payer les traites et qui va être mis aux enchères , est convoité par Emmanuel ( Emmanuel Matte ) un de leurs amis d’enfance, d’origine modeste mais qui a fait son chemin dans le développement de maisons de retraite. Ce dernier voudrait l’acquérir « au meilleur prix » afin de pouvoir poursuivre , l’expansion de celles -ci . Le temps qui a passé, va raviver les jalousies et les rancoeurs entre les amis d’enfance, dont la donne des rapports de force a désormais changé, et qui vont se déchirer dans une « guerre » des mots et des idées …

La thématique des enfants prodigues déjà présente dans le court métrage Ce qu’il restera de nous (2011) du comédien-cinéaste , on la retouve ici comme forme de réflexion qui en prolonge le questionnemet sur « l’héritage idéologique » dont elle se fait l’écho. Celui dont les comportements des uns et des autres va s’en retrouver influencé , cherchant à se libérer du poids . La belle idée du récit et du film , c’est cette scène se déroulant sous le regard d’un monument avec sa croix en haut d’une bute , symbolisant la présence et le poids « écrasant» du père. On y voit juste sous celle-ci , Emmanuel accompagne d’un autre ami Laurent , s’en prendre à Pauline à son frère , visitant juste en dessous les champs de leur terre et s’émerveillant de les voir si bien entrenus par ceux à qui ils en ont laissé temporairement l’usufruit. « les voilà : cou-couille et con-con, !.. ces bourgeois qui jouent au péquenots. Ils sont nocifs pour la planète …et ce père qui leur a rien appris …ce con là , il a fallu qu’il fasse des mômes !. C’est des connards , Je vais te dire … il y a un paquet de pays ou un paquet d’époques , ces mecs là on leur aurait coupé la tête ! ». Mots, suivis de crachats sur le monument . Mais la symbolique du rejet et de la colère rejaillit au bout du compte sur tout le groupe dont l’héritage qui leur a été laissé par « les pères » ne leur a pas donné les armes « pour vieillir sans abandonner leur rêves » . Pris, dès lors au piège d’une mouvement sociétal « décidé pour eux », explique le cinéaste …

C’est ce malaise perpétué par une certaine forme de globalisation mondialisée et d’éducation, cherchant à faire croire à la réussite comme remède aux conflits sociaux et à la violence. Mais le prétendu remède à la rancoeur sociale , n’est-il pas de nature à l’attiser encore un peu plus? . Les mots qui l’expriment par la bouche d’Emmanuel , en est l’exemple via lequel Vincent Macaigne pointe le mensonge qui a servi d’alibi , comme il le souligne « On nous a élévés en nous répétant que nous sommes des enfanst gâtés , ou plutôt en nous disant qu’il n’y aurait plus de conflits , que la « méritocratie » allait tout régler . C’est une illusion (….) cette violence on la sent très puissament en France aujourd’hui. Le pays est profondément divisé . Et rien en semble en mesure de pouvoir calmer ça. Le manque d’espoir d’exister crée des radicalismes de toutes sortes . Et je voulais montrer ça.. . » . Et les séquences magnifiques qui illustrent ces ressentis et ces rancoeurs trop longtemps retenues par la violence des « joutes » verbales , font écho justement à cette réalité à laquelle le pays est confronté dont les deux camps , celui de l’ex- prolo Emmanuel et du fils de riche , se renvoient les responsabilités . Tandis que n’ont plus droit au chapitre , les laissés pour compte que sont Laurent ( Laurent Papot ) et Joséphine ( Joséphine De Meaux ) les employés prolétaires, auxquels s’ajoute dans la rue (scène bouleversante ) le sans -abri qui dit, et pleure son désespoir . Puis , au cœur de ce constat de classe il y a aussi celui « générationnel » qui s’y ajoute avec les « vieux » des maisons de retraite. Et c’est là que la « subtilité » du comédien-cinéaste dans le choix de faire « entendre » cette violence par le choix des mots et des dialogues , fait mouche !.

Inspiré d’Anton Tchékhov et sa pièce la Cerisaie dont « les craintes , peurs et espoirs sur le passage d’une époque à une autre , et les frottemenst entre ses classes sociales » , ont suscité chez le cinéaste l’ écho recherché pour son regard sur les mutations modernee et les violences qu’elles engendrent aujourd’hui . Le choix de la violence des dialogues et des invectives , comme forme théâtrale reflet d’une réalité, lui permettant d’interpeller le spectateur et de prolonger le dialogue. Celui-ci basé sur un choix de structure de travail permettant de le mettre en valeur par une appoche à la fois réaliste et sincère d’un ressenti à faire partager . Le choix d’un travail de « troupe » éfféctué avec ses compagnons comédiens et camarades du conservatoire ( qui ont, si besoin, mis la main dans le « camboui » technique ) , et en toute liberté – à la manière John Cassavetes – sans le poids et la préssion de décideurs qui pourraient s’immiscer . La liberté de tournage en caméra numérique et équipe reduite ( le plus souvent tenue par le cinéaste ) d’un récit refusant les schémas classiques et d’un scénario où l’improvisation et l’inventivité restait permise . C’est cette liberté là, qui fait le prix du film et son authenticité. Difficile de rester indifférent . Pas un film-cri , mais un film « pour le réconfort », tel est le but avoué de Vincent Macaigne : « Quand les gens pensent quelque chose très fort, ils en parlent très fort !. Surtout quand ils ne sont pas d’accord ( …) j’aimerais que le spectateur sorte du film divisé en lui-même Ca ne me gêne pas que certains spectateurs se sentent agréssés , tant que ça permet de créer du débat, de la vie ( …) ce n’est pas le moment de la projection qui m’intérresse , mais la résonnance qui suit ( …) .je voulais que le film soit un geste humble, libre et drôle malgré tout, une parole simple, qui nous divise en nous mêmes, mais pas les uns les autres …» . Pari réussi …
(Etienne Ballérini )
POUR LE RECONFORT de Vincent Macaigne – 2017- Durée : 1h 35.
Avec : Emmanuel Matte , Pascal Renéric, Pauline Lorillard , Laurent Papot , Joséphine De Meaux, Laure Calamy ….
LIEN : Bande-Annonce du film Pour le réconfort de Vincent Macaigne
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