Pour son 6e long métrage derrière la caméra Albert Dupontel adapte, avec de gros moyens, le roman de Pierre Lemaître, Prix Goncourt 2013, Au revoir là-haut. Un film ambitieux, pourtant très proche des précédents, et magnifique sur bien des plans !

Albert Dupontel et « blockbuster » , ou plutôt « grosse machine », puisqu’il s’agit d’une production française ? L’association semble antinomique. Il est vrai que les habitués de l’artiste, Humoriste, Comédien et Réalisateur, qui auraient vu la bande annonce ou eu quelques échos sur le film, risquent d’être déboussolés dans un premier temps. Au revoir là-haut semble en effet bien éloigné des comédies loufoques, déjantées, mais aussi grinçantes comme Bernie, Le Créateur ou 9 mois ferme. Les premières images emmènent le spectateur dans une tranchée en novembre 1918. L’armistice va être proclamée mais l’odieux capitaine Pradelle (excellente interprétation de Laurent Lafitte) va malgré tout ordonner à ses poilus de lancer un assaut aussi inutile que meurtrier. D’emblée le ton est donné, Au revoir là-haut sera spectaculaire.

Albert Dupontel a-t-il changé de registre ? Se serait-il fourvoyé ? La réponse ne tarde pas à venir, ce sera non. L’histoire met en scène deux rescapés de l’effroyable boucherie de la Première Guerre mondiale, Edouard Péricourt (Nahuel Perez Biscayart) et Albert Maillard (Albert Dupontel), l’un fils de bonne famille révolté, dessinateur de génie mais une « gueule cassée » songeant un temps au suicide, l’autre modeste comptable au chômage une fois démobilisé, qui décident de monter une escroquerie aux monuments aux morts dans la France des Années folles. Ces deux protagonistes et quelques « seconds rôles », comme Madeleine Péricourt (Emilie Dequenne), Pauline (Mélanie Thierry) ou Joseph Merlin (Michel Vuillermoz) rond-de-cuir incorruptible du Ministère, font le lien avec les précédents personnages imaginés par le cinéaste. Les humbles, les marginaux, ces « sans-dents » et « ceux qui ne sont rien » d’aujourd’hui, méprisés et exploités par les puissants.

Comme précédemment, l’impertinence et une critique de la société sont présents.
A propos du roman homonyme de Pierre Lemaître, Prix Goncourt 2013, Albert Dupontel a déclaré : « J’y ai vu un pamphlet élégamment déguisé contre l’époque actuelle. Tous les personnages me paraissaient d’une modernité confondante. Une petite minorité, cupide et avide, domine le monde, les multinationales actuelles sont remplies de Pradelle et de Marcel Péricourt, sans foi ni loi, qui font souffrir les innombrables Maillard qui eux aussi persévèrent à survivre à travers les siècles ».
L’adaptation d’un roman au cinéma soulève souvent la question de la fidélité au texte. Les puristes regretteront les quelques libertés prises par Dupontel avec le texte littéraire de près de 600 pages. C’est l’écrivain lui-même, complice du projet, qui apporte une réponse : « L’adaptation n’a d’intérêt que si le film propose une plus-value par rapport au roman. Et pour cela il est inévitable de changer des éléments, d’en enlever, d’en ajouter. Ce doit être la même histoire mais racontée autrement et par quelqu’un d’autre ! »

En dépit de l’ampleur et du coût du projet, Albert Dupontel signe un film ambitieux, riche en rebondissements, qui ne baisse pas de rythme du début jusqu’à la fin, et magnifique visuellement. Une superbe fresque historique qui oscille entre le comique et la tragédie, le burlesque et le mélo. Le burlesque, autre constante dans l’œuvre de l’artiste.
Contrairement à bien des productions de ce calibre, les mouvements de caméra et les effets spéciaux sont au service de la mise en scène et non l’inverse. On reste impressionné voire « scotché » par le soin apporté, au niveau des costumes et des décors, à la reconstitution de l’époque, de la scène de tranchée du début (dont certains plans ne sont pas sans évoquer Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick) à celles des Années folles. Autre petit clin d’œil à un certain cinéma, avec ces images furtives lors desquelles Albert Maillard ressemble un court instant à Buster Keaton, puis à Charlie Chaplin dans Les Lumières de la Ville.

A l’interprétation de Laurent Lafitte, déjà évoquée, il faut bien sûr associer celle de Nahuel Perez Biscayart (acteur révélé cette année par 120 Battements par minute, mais ici méconnaissable) au visage caché derrière les masques étonnants de Cécile Kretschmar (induisant un jeu proche de la gestuelle de la Commedia dell’arte), d’Albert Dupontel, toujours maladroit et lunaire, de Niels Arestrup en patriarche austère, aigri mais presque bouleversant, et des douces et émouvantes Emilie Dequenne et Mélanie Thierry.
Le pari s’annonçait très risqué, Albert Dupontel l’a brillamment relevé.
Au revoir là-haut de Albert Dupontel (Comédie dramatique – France – 2017 – 1h57). Avec Albert Dupontel, Nahuel Perez Biscayart, Niels Arestrup, Laurent Lafitte, Emilie Dequenne, Mélanie Thierry.
A voir :
- le site officiel d’Albert Dupontel
- la bande annonce du film (Gaumont)
- Au revoir là-haut de Pierre Lemaître
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