Cinéma / GABRIEL ET LA MONTAGNE de Fellipe Barbosa.

Le second long métrage du jeune cinéasre Brésilien relate le parcours d’un ami d’enfance , Gabriel Buchmann, dont le périple autour du monde vécu avec  frénésie en quête existentielle et approche curieuse des autres, s’est tragiquement terminé sur le térritoire Africain lors de son excursion sur la mont Mulanje au Malawi . Présenté à la Semaine de la Critqiue , Cannes 2017 .

Gabriel ( Joao Pedro Zappa) à la découverte de l’Afrique

Le cinéaste Brésilien né en 1980, s’est fait une belle réputation avec ses courts métrages et documentaires présentés dans de nombreux festivals internationaux , et a été  célébré dés son premier long métrage , Casa Grande (2015 pour lequel il a été consacré son dans son pays ( meilleur film , meilleur réalisateur ) et remporté de nombreux prix dans les grands festivals internationaux ( New York, San Sébastian, Rotterdam, Taipei,  le festival cinémas d’Amérique Latine de Toulouse ) . Son second film , dédié à son ami s’inscrit aussi dans la continuité thématique de son œuvre débutante consacrée à l’exploration de la société et des contradictions face auxquelles les individus se retrouvent confrontés , comme s’était le cas du jeune héros de son film ,Casa grande . Refusant une certaine tonalité misérabiliste, il préfère dit-il explorer « d’autres possibilités et expériences qui permettent d’y faire face ». Comme c’est le cas de la quête de son ami Gabriel,  s’inscrivant à l’opposé des clichés dans une démarche qui lui permette de se situer au cœur « d’un lien unique au monde, à la recherche de proximité entre les différentes classes et les différentes origines ethniques » . Le tour du monde et les derniers 70 jours de l’itinéraire Africain  de son ami d’enfance évoqué ici, en est l’illustration parfaite par la soif , la passion et l’énergie avec laquelle elle est vécue par Gabriel ( Joao Pedro Zappa , excellent ) dans l’approche du continent et des habitants vers lesquels il va à la découverte, refusant de s’y inscrire dans les clichés du « touriste » lambda . Sa quête est avant tout une quête d’absolu et un besoin de se sentir en « fusion » , aussi bien avec les paysages qu’avec les populations et les individus qu’il croise  » la beauté et la vérité  sont partout« , dit-il …

Gabriel , au pas  de course , à la conquête des populations Africaines 

Fellipe Barbosa construit très habilement son film , le débarrassant d’emblée du suspense vers lequel il aurait pu par un récit linéaire , le conduire à la tragédie finale . Celle-ci , la mort en 2009  par hypothermie sur la montagne Mulanje de son ami, il choisit de l’inscrire dès les premières images qui , en même temps qu’elles l’immortalisent dans sa quête d’absolu , l’élèvent au dessus de la tragédie par cette soif même chevillée au corps, d’une autre approche du monde pour tenter d’ y atteindre cet « inaccessible »…qui le conduira à sa perte . C’est ce besoin irrépressible de chaque instant ,  magnifiquement rendu par la sur-énergie dont Gabriel fait preuve , comme l’illustrent de nombreuses séquences où , à l’image d’ un athlète il défie le record à battre . Voulant se rendre au sommet du Kilimandjaro il se fixe la barre de quatre jours, que personne n’a jamais pu réaliser , pour l’atteindre … il mènera durant l’escalade , pour y parvenir, la vie dure à son guide, et victorieux … s’y photographier, enrobé du drapeau Brésilien!. Il est incroyable ce Gabriel , au point qu’il laissera sa trace dans les mémoires de tous ceux qui l’ont approché , y compris ceux avec lesquels il a pu avoir quelques désaccords , mais qui  lui  reconnaissent sa détermination et disent le « respect » qu’il leur inspire . C’est la belle idée du cinéaste que d’intégrer tout au long de son récit du voyage de Gabriel , les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé  et partagé quelques heures ou quelques jours en sa compagnie. Le cinéaste est allé sur place dans les différents pays , pour retrouver ceux qui l’ont  guidé et  accompagné dans sa quête,  et y recueillir « in vivo » leurs  mots  et les intégrer dans sa fiction . Documentaire et fiction qui s’installent et s’entremêlent  alors au cœur du film , offrent au fil des séquences et des confidences , la possibilité de l’identification au spectateur qui a le sentiment de se retrouver dans l’intimité  à ses côtés, en compagnon de voyage …

Caroline Abras
Gabriel en compagnie de son amie Marina ( Caroline Abras )

Un compagnon de voyage , certes,  parfois difficile à suivre toujours mû par son énergie incroyable , et ce  don de séduction et de persuasion  comme  une seconde nature qui le rend irrésistible . dans son  approche  des  autres,  des différentes communautés et  partager leur quotidien , culture et traditions  pour se les approprier et s’en enrichir . Mais aussi,  y trouver,  au travers de sa quête candide , le bien-être nécessaire dans ce partage lui permettant de pouvoir s’inscrire dans le monde , et en éloigner le poids des fantômes qui l’habitent et le hantent . Ceux dont sa quête frénétique va finir par révéler , ses blessures : l’échec de ses ambitions étudiantes    ( son examen d’entrée à Harward ) , la mort de son père , son inadaptation au  monde globalisé  de l’argent  qui exploite et annihile toutes les énergies et libertés et ne fait que répandre la misère et la désespérance .  Son désir de s’en détacher , se  consacrer et  s’engager dès lors dans des activités ayant une portée sociale et solidaire . Son voyage Africain est devenu pour lui son objectif : l’immersion nécessaire . Comme il cherchera à le faire comprendre à son amie, Cristina ( Caroline Abras ) , venue le rejoindre pour quelques étapes de voyage en sa compagnie . Le désir de Gabriel est si fort qu’il lui arrive de se montrer à la fois buté et intransigeant …pour laisser ensuite la place au clown qui séduit les enfants qu’il croise sur son chemin et partage les jeux ( le football , bien sûr…dont il porte à l’occasion les maillots de clubs , ou de l’équipe nationale ), qui lui permettent de se fondre dans les mentalités et les  populations auxquelles il emprunte les habitudes vestimentaires, et pour lesquelles il  devient l’étranger que l’on aime accueillir         ( séquences de partage magnifiques ) , chez soi …

Gabriel , , au sommet de la montagne

Le film dit aussi la «  soif » d’idéalisme , de  ( ou , comment?) , devenir un citoyen du monde et les difficultés que l’on rencontre, à se débarrasser des « carcans » de ses  origines                   ( bourgeoises ) , en allant  côtoyer la pauvreté . Soif de découverte et d’expériences pour Gabriel , sont les étapes possibles en forme de  portes de sortie ( ou d’échappatoires…) dans lesquelles il s’immerge ( la séquence où il s’initie au rituel guerrier Maasaï au Kenya … et des sandales en caoutchouc qu’on lui confectionne ) pour se sentir renaître  au monde . Parfois, au risque de provoquer le danger pour les autres ( ses guides ) , et pour lui-même   ( ce qui lui sera fatal… ), il s’obstine avec une certaine arrogance autoritaire , pour rejeter les conseils de prudence des autochtones, en faisant valoir … son point de vue . Le portrait qui n’élude pas cet aspect , comme reflet  négatif  à ce qui peut le rendre attachant et  parfois naîf  … mais irrésistible , et surtout authentique dans sa manière d’être au monde , et  y vivre de la manière dont  il l’a « toujours rêvé », écrit-il à ses parents.  C’est par  cette  approche   que le cinéaste a  souhaité le décrire   :  « Gabriel étudiant en sciences économiques ,  a voulu faire des recherches sur la pauvreté en Afrique et côtoyer les gens sur place . Cette façon de voyager était aussi une manière pour lui de se sentir vivant. Il voulait embrasser le monde. D’un côté, il rencontrait les habitants de ces pays ; de l’autre il gravissait des montagnes. Un geste très symbolique de beauté, de paix et de quête de Dieu. Quand je dis Dieu, je pense à une forme de spiritualité. Gabriel cherchait à vivre et il a trouvé la mort. C’est très ironique. Il lui aura fallu mourir pour devenir immortel. J’espère le faire renaître par le biais du cinéma. J’ai d’ailleurs filmé l’ouverture du film comme une résurrection : on découvre le corps sans vie de Gabriel et la scène suivante, il surgit d’un coup dans le cadre. Il renaît … » , conclut le cinéaste.
Un superbe portrait à ne pas manquer .

(Etienne Ballérini)

GABRIEL ET LA MONTAGNE de Fellipe Barbosa – 2017- Durée : 2h 10.
Avec : Joao Pedro Zappa, Caroline Abras , et dans leurs propres rôles : Alex Alembe, Lenny Siampala,John Goodluck, Rashodi Athuman, Tonny Lesika, Rhoshinah Sekeleti, Luke Mpata,Lewis Gadson …

Lien : Bande -Annonce du film Gabriel et la Montagne de Fellipe Barbosa

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