Cinéma / Disparition : Jerry LEWIS , le clown au grand coeur

Humoriste, scénariste, comédien et réalisateur, le « pitre » génial créateur à l’égal des plus grands ( Chaplin, Keaton , Harold Lloyd, Harry Langdon , Laurel et Hardy…) qu’il admirait,  en plus de 60 film  il s’est hissé au niveau des maîtres admirés. L’homme de génie avait aussi un grand cœur, créant en 1966 le téléthon , faisant un remarquable travail auprès   de l’association pour la dystrophie musculaire. Il s’est éteint à l’âge de 91 ans dans sa maison de Las Vegas…

Jerry Lewis au Festival de Cannes 2013 ( Crédit Photo ;: Philippe Prost )
Jerry Lewis au 66ème Festival International du film de Cannes 2013         ( Crédit Photo Philippe Prost )

Né le 16 mars 1926 à Newark dans le New Jersey de parents Russes Juifs , artistes de music-hall . Lors de leurs tournées c’est chez les grands parents que le petit Jérôme Levitz passe son temps et qu’un beau Dimanche de 1931 avec les dix cents donnés par son grand-père , va au cinéma et voit le premier film de sa vie , Le Cirque de Charlie Chaplin . Comme il le raconte dans son livre de souvenirs «  Docteur Jerry et Mister Lewis » ( publié  aux  éditions Ramsay / 1987 ) , et , c’est la révélation :«  il est fabuleux ! , il fait des choses avec son corps et son visage . Il se tient droit comme un automate , fait virevolter sa canne tout en montant à la corde , jaillit de la cage aux lions et grimpe  à un poteau – Je n’ai jamais rien vu d’aussi drôle. Je hurle de rire en voyant la scène où il est pendu au milieu de centaines de miroirs déformants le montrant sous des dizaines d’angle différents . Mais même en ce moment , je souffre de la triste réalité de ma propre vie . J’ai le sentiment que je préfèrerais vivre dans un monde d’illusionnistes où je pourrais être qui je veux – un soldat, un marin , un médecin, un avocat – n’importe qui . Bien sûr …je peux devenir un clown . Je peux le devenir , je le sais » . Le ressenti de ce jour où Jerry Lewis  exprime admirablement ce que sera la « matrice » de son comique dont ses pitreries se feront l’écho , via le « miroir déformant » des milles déguisements et transformations qu’il fait subir à son corps ….

Dean Martin et Jerry Lewis, Un  » duo  »  triomphal de  dix ans …

L’ école et les représentations théâtrales de fin d’année seront des occasions d’expérimentation pour y tester – avec succès – sa capacité à faire rire ses camardes . Dès lors sa destinée semble tracée .. . et même précipitée par  cette altercation avec le directeur de son école qu’il frappe pour avoir tenu des propos Nazis et racistes. Le racisme insupportable pour le jeune Jerry  qui dit «  le racisme ça commence quand on regarde  de travers quelqu’un qui porte une cravate rayée… « . A 16 ans il décide de partir pour New-york , de prendre un agent et se consacrer à l’école du spectacle  pour  s’y tester en se produisant un peu partout où on veut bien l’accueillir. Un an  sur les planche de fortune , qui lui permet de « peaufiner » personnages et gags et tester un public d’inconnus. Un choix qui va s’avérer positif , il s’installe à Manhattan et son nom commence à circuler dans le milieu du spectacle qui lui ouvre les portes . Le soirées , les boîtes de jazz , les rencontres ( Duke Ellington…) du monde de la musique qu’il a toujours aimée et duquel il se rapproche . Dans le but de trouver un partenaire pour un « duo » musical qui pourrait lui permettre de créer une sorte de «  complicité comique inter-active »  avec  un partenaire lui permettant d’apporter une certaine originalité aux sketches. En 1946 , c’est la rencontre du « crooner  » Dean Martin ,qui lui en fournit l’idée . Leur collaboration durera dix ans et s’avèrera triomphale par la complicité et l’inventivité débordante de l’un et de l’autre au sein des spectacles  millimétrés,  mais où tout pouvait se produire et finir par déraper , comme dans les «  duo »   de Laurel et Hardy…

Jerry Lewis dans Le Zinzin d’Hollywood …. 

D’ailleurs, au vu de leur triomphe sur scène , le cinéma et la télévision  s’emparent du duo. Les shows télévisés feront le bonheur des spectateur du petit écran qui se précipiteront dans les salles pour voir le « duo » se déchaîner dans d’autres aventures cousues -mains,  signées par des cinéastes qui y mettront leur savoir-faire . Ma bonne amie Irma  de George Marshall ( 1949) ,  et Le soldat récalcitrant ( 1950 ) et La polka des Marins (1952 ) signés Hal Walker . Puis , aussi , Le cabotin et son compère ( 1952 )  , Parachutiste malgré lui ( 1952 ), Amour délices et Golf ( 1953) ,  c’est pas un vie Jerry ( 1954) , un Pitre au pensionnat ( 1955 ) , Un Vrai Cinglé de Cinéma ( 1956 ) tous signés Norman Taurog . Autre pépite  de  leur   collaboration :  Artistes et Modèles (1955) de Frank Tashlin.  Puis , c’est en 1956,  que  Jerry Lewis et Dean Martin , ‘vont y mettre  fin , après  dix années de succès ininterrompu . Sans doute la lassitude  de l’habitude , et la crainte de ne pouvoir se renouveler avec la même énergie… .un peu de jalousie aussi ,celle  d’être le  faire-valoir de l’autre . Dans la biogaphie citée  ci dessus , Jerry Lewis  explique «  c’est en tournant mon treizième film un Pitre au Pensionnat que je compris que Dean et moi ce n’était plus ça, l’équipe se désagrégeait (…) peut-être nos difficultés venaient-elles de ce problème insoluble que tout «  faire valoir »   affronte à un moment où a une autre » , explique -t-il . Leur treizième film ensemble ne se révéler pas porte-bonheur . Le couple se séparera ,  l’année suivante ….

Une scène de Docteur Jerry et Mister Love

Jerry Lewis va faire désormais carrière solo, et surtout passer l’étape de la mise en scène comme suite logique à celle de l’écriture des scénarios de nombreux de ses films jusque là . C’est aussi ,  la suite logique d’une collaboration avec des cinéaste dont Frank Tahslin et Norman Taurog,  surent par leur talent mettre en valeur ses idées de gags et de situations comiques.  Franchir le pas de la mise en scène c’était  aussi pour Jerry Lewis , faire la  preuve de sa capacité à maîtriser totalement son art de la comédie à l’image de maîtres comme Chaplin et Keaton qui y ont fait leur preuves , et qu’il admire . C’était la marche à franchir pour inscrire au sommet son génie inventif. Et il ne la ratera pas  .Quatre ans après la séparation avec Dean Martin et quelques films encore….en tête d’affiche sous la direction d’autres cinéaste , dont les désopilants Trois Bébés sur les bras (1958) et Le Kid en Kimono  ( 1958) signés Frank Tashlin , il passe à l’acte et  va aussi proposer une autre facette de son personnage.

Un des déguisements dans Les Tontons Farçeurs ..;

Celui d’un homme désormais adulte, mais resté «  inadapté » au monde qui l’entoure dont il va fustiger les comportements  dont ils se rendent coupables . Le dingue du Palace (1960 ) , en est l’exemple où, en groom d’un grand hôtel de Miami, il va subir et être la victime des bassesses du personnel comme des clients , auxquels  la tonalité  de l’image en noir et blanc, offre le véritable écho des comportements mesquins . Ainsi commence sa « décennie » magnifique où il va sublimer son art du comique par une mise en scène au cordeau  mettant  en valeur toutes ses idées comiques . Utilisant les espaces , les tonalités, les cadrages , et les décors pour créer une adéquation parfaite au déroulement de l’action et des gags qui s’y enchaînent . En perfectionniste,  il utilisera même ( … en novateur, ce qui deviendra avec le temps, un mode de travail habituel lors des tournages …) une caméra vidéo – témoin,  sur le plateau de tournage pour contrôler , à chaud, le résultat de la séquence et faire les éventuelles modifications . De la même manière qu’il va élargir les tonalités de son art , y incluant une certaine gravité sous-jacente, et un regard sur le monde où la dérision y fait miroir…comme le montre Le superbe Zinzin d’Hollywood , et  son revers de la médaille de l’usine à rêves  Hollywoodienne …

Jerry Lewis et Robert De Niro dans La Vlase des Pantisn de Martin scrosese…

La décennie des chef-d’oeuvre est en route. Le Tombeur de ces Dames (1961), Docteur Jerry et Misetr Love (1963) , énorme succès mondial , Jerry Souffre douleur (1964), Les Tontons Fraceurs ( 1965 ), Trois sur un Sofa ( 1966), Jerry grande gueule ( 1967 ) , autant d’oeuvres dans lesquelles il excelle dans les trouvailles de ses déguisements, comme prétendant tuteur
d’une petite fille et riche héritière convoitée , dans Les Tontons farceurs ou de son exploration de l’image du double Docteur Jerry et Mister Love , inspirée de Dr Jekyll et Mister Hyde . Le déguisement, comme forme d’exploration de l’âme humaine confrontée a la déception amoureuse dans Trois sur un Sofa. Victime d’un accident en Mars 1965 lors d’une cascade , il se blesse grièvement aux vertèbres et il en subira longtemps les séquelles et les souffrances qui vont le diminuer et sans doute influencer sur la suite de sa carrière . Pourtant, après avoir pensé au suicide pour en finir avec la douleur , il refait surface et trouvera les raisons de se battre au travers du Téléthon … et , en continuant de tourner . Mais son Ya Ya Mon Général (1970) fable anti-Nazie sera un échec critique et public , amplifié par le projet d’un autre film , Le jour où le clown pleura (1972)  autre fable sur les camps de concentration où un clown est utilisé par les nazis pour faire rire les enfants que l’on mène aux chambres à gaz . Film  resté inachevé et inédit pour des raisons de difficultés de production puis de droits. Jerry Lewis qui s’était beaucoup investi en souffrira et restera longtemps inactif.  En 1980 il reviendra avec Au boulot …jerry ! , suivi de T’es fou Jerry (1983) qui,  malgré des qualités ,  seront aussi des échecs commerciaux. Mais sa  célébrité reste toujours vivace et intacte auprès du public , son admiration pour la France où il viendra souvent durant les années 1980 pour un spectacle à l’Olympia,   puis  pour y lancer les Téléthon Français,  et  aussi  être invité à la cérémonie des Césars pour y  remettre à Louis De Funès le César d’honneur … et y recevoir des mains de Jack Lang , la Légion d’honneur en 1984. ..

Jerry Lewis et Vincent Gallo dans Arizona Dream d’Emir Kusturica …

Au delà des honneurs , la décennie le remettra en selle comme comédien sous la direction de nouveaux cinéastes  cinéphiles  admirateurs : Martin Scorsese était de ceux là qui lui offrira dans La valse des pantins ( King of comédy / 1983 ) un rôle à contre-emploi aux côtés de Robert de Niro et  Liza Minnelli. C’est ensuite un autre grand admirateur Emir Kusturica qui le convie pour un autre rôle magnifique aux côtés de Johnny Depp et Faye Dunnaway dans Arizona Dream (1991) . Puis ce sera Funny Bones ( Les drôles de Blackpool ) , un joli hommage au cinéma burlesque réalisé par Georges Fawkes en 1995.  En 2013 , Jerry Lewis était venu au Festival de Cannes pour y présenter Max Rose de Daniel Noah dans lequel il jouait un de ses dernier rôles. Son dernier ce sera celui dans le Casse de Benjamin et Alex Brewer (2016 ) dans lequel il joue le père de Nicolas Cage .
Inspirateur de nombreux comédiens qui revendiquent son influence comme Jim Carey , et de nombreux autres qui l’admirent à l’image de nos Français Michel Leeb ou Pierre Richard . Sans oublier  les nombreux cinéastes qui on admiré son travail, et le placent parmi les plus grands, comme c’est le cas de  Jean- Luc Godard .

Le clown au grand cœur a tiré sa révérence , on en est sûrs qu’au paradis des artistes l’accueil des siens, va le réchauffer éternellement . Et nous,  cinéphiles orphelins à qui il a légué  ses films , son humour et ses gags absurdes , on continuera à déguster ses grimaces et à faire vivre sa présence dans nos cœurs en revoyant de temps en temps ses films pour lui manifester nôtre  immense respect . Merci Monsieur Lewis pour avoir éclairé nos vies , et comme l’a déclaré Pierre Richard à l’annonce de votre disparition «  Les grands comiques ne devraient jamais mourir comiques ne devaient jamais mourir, le rire et la mort sont irréconciliables . Je pleure un grand clown » . Nous aussi …

( Etienne Ballérini )

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