Je me souviens… de Victor Lanoux

Hospitalisé à la suite d’un accident vasculaire cérébral, le comédien, scénariste, dramaturge et producteur s’est éteint dans la nuit du 3 au 4 mai à l’hôpital de Royan. A la télévision Victor Lanoux restera à tout jamais Louis la brocante, mais il a commencé sa carrière cinématographique au début des années 1960.

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Louis la Brocante (Crédit photo France 3)

Je me souviens qu’il a été Louis la Brocante, de 1998 à 2014, sur France 3, le commissaire Modeste Laviolette, dans Les Enquêtes du commissaire Laviolette, de 2006 à 2016, toujours sur France 3, mais aussi Roger Goupil dans Renseignements Généraux, de 1989 à 1995, sur A2/France 2.

Je me souviens que Victor Lanoux, de son vrai nom Victor Robert Nataf, est né le 18 juin 1936 à Paris.

Je me souviens qu’il a été un temps ouvrier chez le constructeur automobile Simca, avant de devenir machiniste au cinéma notamment sur Notre-Dame de Paris de Jean Delannoy.
Je me souviens que c’est sur ce tournage qu’il a voulu passer devant la caméra, devenir comédien et qu’il a suivi des cours par correspondance.
Je me souviens qu’en 1961 il monte un numéro de cabaret avec Pierre Richard. Ce sera le déclic. Il joue ensuite des rôles classiques au théâtre et travaille notamment sous la direction de Roger Planchon et de Georges Wilson.
Je me souviens que Pierre Richard lui donnera un petit rôle dans Je sais rien, mais je dirai tout (1973), film qu’il réalise et interprète, et que les deux comédiens se retrouveront à l’affiche de La Carapate (1978), une comédie de Gérard Oury.

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Pierre Richard et Victor Lanoux (Crédit photo : Borrel / Sipa )

Je me souviens que c’est René Allio qui lui donne son premier rôle marquant en 1965, dans La Vieille Dame indigne, au côté de la comédienne Sylvie et de Jean Bouise.
Je me souviens qu’il a joué en 1973 avec Marthe Keller, Jacques Higelin, Robert Castel et un certain Coluche dans Elle court, elle court, la banlieue, une comédie grinçante de Gérard Pirès.
Je me souviens qu’en 1975 il a interprété le rôle Pierre Lardatte un politicien corrompu dans Adieu Poulet de Pierre Granier-Deferre.
Je me souviens qu’il a été Ludovic, un homme marié qui tombe amoureux de sa cousine par alliance Marthe (Marie-Christine Barrault) dans Cousin, Cousine, de Jean-Charles Tacchella, Prix Louis Delluc 1975.

Je me souviens qu’en 1975, il obtient une double nomination aux César dans les catégories meilleur acteur pour Cousin Cousine et meilleur second rôle masculin pour Adieu Poulet.

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Victor Lanoux et Marie-Christine Barrault – Cousin, Cousine (Crédit photo : Meuro/Sipa )

Je me souviens que dans ce cinéma politique français des années 1970, Victor Lanoux a été un fier à bras, ancien d’Algérie, dans Dupont Lajoie (1975) d’Yves Boisset, un film qui dénonçait le racisme ordinaire et la lâcheté, et qu’il a été un patron assassin dans Un si joli village, d’Etienne Périer, en 1979.

Je me souviens qu’en 1976 Pierre Granier-Deferre a fait de nouveau appel à lui pour incarner Michel Boutros, un militant communiste qui va s’éprendre de l’épouse délaissée d’un diplomate italien, Margot Santorini, jouée par Romy Schneider, dans Une Femme à sa fenêtre.
Je me souviens que cette même année Victor Lanoux est l’un des quatre comparses, avec Jean Rochefort, Guy Bedos, Claude Brasseur, de Un éléphant ça trompe énormément, une savoureuse comédie signée Yves Robert.
Je me souviens qu’il retrouve quelques mois plus tard son personnage de Bouly, le beauf séducteur, dans la suite, Nous irons tous au paradis (1977), toujours d’Yves Robert. Deux comédies cultes qui ont beaucoup contribué à sa popularité auprès du grand public.

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Un éléphant ça trompe énormément (Crédit photo : Nana Productions/Sipa)

Je me souviens qu’il a encore été chef d’un parti politique dans Y’a-t-il un Français dans la salle ? (1982) de Jean-Pierre Mocky.
Je me souviens qu’il a été commissaire de police à plusieurs reprises (La Revanche de Pierre Lary, Une sale affaire de Alain Bonnot, Un dimanche de flic de Michel Vianey, La Triche de Yannick Bellon ou Les Voleurs de la nuit de Samuel Fuller).
Je me souviens également qu’il a été un mémorable Jo, le chef d’une famille de Gitans sédentarisés dans Les Démons de Jésus, le premier long métrage du chanteur et auteur Bernie Bonvoisin, qu’il retrouvera sur le second, Les Grandes Bouches (1996 et 1998).

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Les Démons de Jésus (Crédit photo DR)

Je me souviens que sa carrière au cinéma s’est terminée en 2001 avec Reines d’un jour de Marion Vernoux, mais il était déjà brocanteur et détective en herbe pour le petit écran.
Je me souviens qu’en 2007, pris de malaise sur le tournage de Louis La Brocante, il a été opéré d’un anévrisme de l’aorte. Paraplégique, il entreprend alors une rééducation et reprend son rôle. Il a évoqué cet épisode et ses souvenirs dans un livre Laisser flotter les rubans (2009).
Je me souviens que Victor Lanoux était aussi metteur en scène et auteur de théâtre. Je me souviens qu’en 1973, au moment de la création du Péril bleu, sa deuxième pièce en tant qu’auteur, il avait déclaré au quotidien Le Monde : « Je ne conçois pas le comique sans l’arrière-plan de la mort Je ne conçois rien sans cette conscience. La mort est un clown blanc dont nous sommes les augustes.  »

Je me souviens que ce jeudi matin…

Évelyne Buyle, qui fut Maryvonne, ex-épouse de « Loulou » (LC1) :
« C’est une grande tristesse (…) Il était très très aimé. C’était un acteur immense, un très très très grand talent. Au-delà de ça, c’était un homme droit, courageux. Il a fait preuve d’un courage extraordinaire quand il a traversé sa première épreuve et il a voulu continuer parce qu’il était conscient de ce qu’il apportait au public. Il ne vivait pas pour lui. Il vivait conscient de ce qu’il représentait pour le donner aux autres… »

Jean Rochefort
(RTL) : « Nous avons été quatre pour un film (Nous irons tous au paradis) qui nous avait réunis. Grand acteur, grand grand acteur, bougon, tendre et timide, c’est étrange pour des qualités d’acteur. Nous étions conscients en plus de faire un film de qualité, qui racontait des choses, des modernités »

Guy Bedos : « C’était un très bon camarade, on s’aimait beaucoup et ce sont des souvenirs formidables» c’était la famille, Dabadie, Robert, c’étaient mes potes, ça me ramène à une époque très heureuse de ma vie, je suis bien triste que Victor soit parti. Je suis arrivé à un âge où je perds beaucoup de copains, d’amis, ça me bouleverse d’aller au cimetière pour aller enterrer mes copains avec qui je me suis amusé, avec qui j’ai ri… »

Jean-Loup Dabadie, scénariste (RTL) : « J’ai de la peine, beaucoup de peine évidemment. Moi je croyais que notre fameux quatuor était immortel. Nos quatre amis, nos quatre copains d’Un éléphant ça trompe énormément et de Nous irons tous au paradis, le deuxième film, et puis non l’un d’eux s’est absenté pour un bout de temps. Il commençait tous les quatre à avoir quelques heures de vol comme disait Bouli, le personnage que j’avais écrit pour Victor Lanoux. Tous avaient atteint ce sommet, 80 ans. Mais chaque fois que je les voyais je les trouvais très en équilibre sur leur montagne de vie et puis voilà Victor a perdu l’équilibre ».

Merci pour Tout Monsieur Lanoux. Reposez en paix.

France 3 lui rend hommage ce samedi 6 mai, et diffusera à 20h55 le téléfilm La Femme cachée, puis Enquêtes du Commissaire Laviolette en deuxième partie de soirée.

A lire :

Laisser flotter les rubans de Victor Lanoux – Editions Cherche-Midi (2009)

A voir :

Victor Lanoux et Pierre Richard au cabaret

La bande annonce de Cousin, Cousine

La bande annonce d’Une Femme à sa fenêtre

La bande annonce Un éléphant ça trompe énormément

Un extrait des Démons de Jésus

Philippe Descottes

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