Cinéma / SAGE FEMME de Martin Provost.

Le cinéaste de jolis portraits de femmes , Violette (2008 ) et Séraphine (2013 ) , avec son nouveau film nous en propose deux autres . Caractères trempés -séparés par des fâcheries familiales – qui se retrouvent quarante ans après. Une jolie comédie dramatique , au regard réaliste et empreinte de romantisme .

l’Affiche du Film.

Un coup de fil et une voix connue qui résonne et qui fait resurgir un passé douloureux pour Claire ( Catherine Frot ) , en même temps que la curiosité. Rendez-vous accepté et dans un lieu public pour l’entourer d’un peu de distance. Le visage empreint d’une certaine rage retenue , Claire s’y rend pour retrouver celle dont celle n’a pas oublié la voix , Béatrice ( Catherine Deneuve) qui fut la maîtresse de son père qu’elle a abandonne sans crier gare . Une trahison qui a entraîné la mort de ce dernier et détruit la vie de famille, ce que Claire n’ a jamais pu lui pardonner !. Autour de la rencontre houleuse , les raisons ( la maladie ) de la revenante , Béatrice, résonnent comme un appel au pardon . Le cinéaste y inscrit une sorte de fable au cœur de laquelle , la rigidité de l’une se retrouvant confrontée à l’insouciance de l’autre , vont s’insinuer de nouveaux enjeux possibles . « tout oppose Claire et Béatrice , mais peu à peu cette opposition devient source de complémentarité , d’échange, de sagesse » , explique Martin Provost . Questionnements sur les rapports avec les autres et sa propre liberté , réflexion sur le vivre ensemble, la transmission et la filiation. Et le cheminement du destin en marche …

Claire ( Catherine Frot ) en plein travail à la maternité

Car le film met sans cesse au cœur de ses séquences le rapport avec la vie . Celui qui est le quotidien  du métier de Claire, Sage femme ( à Mantes la Jolie…) ,qui  donne le titre au film. Toutes ces vies dont elle est le maillon qui leur permet de venir au monde . Un métier chevillé à son corps , qui la fait vivre pour les autres . Tout le contraire de Béatrice , cigale attirée par l’aventure , les jeux , et électron libre assumé . Qui va voir les limites de sa liberté et de sa fuite en avant incessantes , remises en questions par la maladie . La voilà fragilisée , et pour la première fois de sa vie,  avoir besoin des autres… et se rapprocher de celle qu’elle a abandonnée , est à la fois un appel au secours et une nécessité . Elle réalise qu’elle a fait fausse route , et,  difficile à assumer et à avouer à Claire qui en a souffert. Sa détermination à « laisser un bon souvenir », est devenu son obsession. Ce qui ne peut que faire écho chez cette dernière, dont la vie a été bouleversée par cette « mère de substitution » qui l’a jadis abandonnée …et qui revient lui faire un « appel du pied », la présentant désormais, comme sa «  propre fille » , aux médecins qui la soignent . Se servant des personnalités des deux comédiennes , Martin Provost, utilise à merveille leurs sensibilités, pour traduire ce rapprochement des différences de leurs personnages et installer un rapports de force et de dialogues en sous-entendus, qui fait le « sel » de son récit de transmission ….et de transformation .

Claire( Catherien Frot ) et Béatrice ( Catherine Deneuve. les retrouvailles Quarante ans après…

Mais c’est aussi la conduite de celui-ci , s’appuyant sur le réalisme , le travail sur les dialogues et surtout sur les ruptures qui s’y installent , et en font la subtilité et la richesse . Jamais appuyée, mais toujours efficace, de ce cheminement vers une réconciliation apaisée. Dans Sage Femme ( Voir  Bande-Annonce ),le réalisme sur lequel il s’appuie est l’un des éléments majeurs. Il traduit avec une justesse chirurgicale le quotidien  de Claire ( les vraies scènes des accouchements ) , les conditions de travail et les choix politiques , contre lesquelles elle se révolte . Ceux de la maternité dans laquelle qui va être fermée au profit d’une «  usine à bébés », avec l’insupportable priorité au rendement reléguant… l’humain au néant !. De la même manière que le réalisme habite les séquences de celui de Béatrice , avec la description des salles de jeux clandestines où elle se laisse encore entraîner, et celui  des séances d’examens médicaux et des discussions avec les professionnels où sont évoqués les choix de fin de vie. Et pour y faire face, la quête du bonheur par la reconnaissance , de l’une et de l’autre. Cette blessure qui ne s’est jamais refermée . Et c’est le miracle de cette vie qui s’y engouffre, les poussant l’une et l’autre dans leurs retranchements pour se faire violence , qui finit par leurs faire baisser les armes . Et fait naître l’émotion …

Paul ( Olivier Gourmet ) et Claire ( Catherine Frot )

Et elle s’y caractérise par une certaine distanciation au coeur de laquelle, l’émotion , la poésie et la comédie se faufilent pour vaincre les dernières réticences . Au travers du personnage du fils de Claire , Simon ( Quentin Dolmaire , héros de Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Despléchin) , objet de l’une des plus belles séquences du film . Celle de la projection des anciennes « diapos » du père, décisive dans la reconnaissance du lien de filiation . « Diapos » enfin libérées des cartons de l’oubli , ravivant celui-ci , doublement par la ressemblance du fils … au père aimé par les deux femmes , et celle de sa future paternité qu’il vient annoncer . Elle s’inscrit aussi au cœur du récit par cette belle rencontre par Claire de cette jeune fille qu’elle a sauvée, objet de son premier  ( très difficile ) accouchement…et qu’elle retrouve pour son dernier, dans cette maternité qui va fermer . Superbe scène d’hommage et de reconnaissance, toute en émotion retenue, ou Claire répond « je n’ai fait que mon métier ! » . Elle se décline aussi au cœur de ce jardin de Claire au bord de la Seine devenu son refuge . Où le voisin, Paul ( Olivier Gourmet ) va apporter sa propre différence et ses approches « cool » de la vie . Jardin dans lequel va finir aussi par s’imposer Béatrice, pour venir momentanément y bousculer le quotidien de Claire …

Le cinéaste : Martin Provost.

Les deux « intrus » vont faire baisser la garde des réticences de Claire , s’y engouffrant avec leur légèreté et leur petites folies . Une co-habitation improbable qui ne manque pas d’audace et qui permet au récit de faire bouger les marges, et entraîner Claire dans le Tourbillon . La femme aigrie qui s’était construite son « jardin », pour fuir ses blessures passées qui l’emprisonnent. Refuge dans la passion de son travail , l’avenir de son fils s’inscrivant dans la paternité et qu’elle voit s’éloigner pour se consacrer à son propre avenir . Quel va être désormais le sien ? . Titillée dans le confort de ses certitudes qui basculent par l’intrusion de Paul et Béatrice , dans son jardin.  Comme l’illustre la belle séquence de la marche yeux bandés par Paul en haut de la falaise , au bord du précipice à ses pieds et les yeux vers l’horizon qui s’ouvre . Le choix dès lors devient évident , celui de l’avenir et la vie qui doit continuer et de ce que l’on vous donne qu’il faut savoir accepter , goûter et apprécier . C’est cela la vie . Que distille en écho , la musique de Grégoire Hertzel ( habitué de Desplechin) dont les tonalités mélancoliques et baroques accompagnent magnifiquement les caractères de Claire et Béatrice. Leurs zones d’ombres, de douleurs … et de lumière.

La délicatesse du cinéma de Martin Provost a quelque chose de naturel et de magique . Elle enrobe la fragilité des personnages et leur insuffle à la fois grâce et dignité , et cette sorte de «  désespoir joyeux » qui les habite. Que le cinéaste revendique , comme étant sa nature propre qui transparaît dans son œuvre . Et on aime beaucoup ça…

SAGE FEMME de Martin Provost -2017- Durée : 1h 57 .
Avec : Catherine Deneuve , Catherine Frot, Olivier Gourmet , Quentin Dolmaire , Mylène Demongeot, Pauline Etienne , Audery Dana ;..

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